Patrick Dewael préside la séance de son siège, au milieu de l'hémicyle. © BELGA

Dries Van Langenhove ne monte pas au perchoir de la Chambre

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

La séance était annoncée houleuse ce jeudi à la Chambre pour la prestation de serment des 150 députés fraichement élus. Il n’en fut finalement rien. D’entrée de jeu, Patrick Dewael, le président de la séance, a réussi intelligemment à couper court à la polémique et aux tensions.

Ce jeudi après-midi, les nouveaux députés belges font leur entrée dans l’hémicycle. En qualité de député le plus ancien, il appartient au libéral flamand Patrick Dewael de présider la séance d’installation de la Chambre, étant donné que l’ancien président, Siegfried Bracke, n’a pas été réélu.

Selon la tradition, lors de cette séance « cérémonielle », il doit être flanqué des deux plus jeunes députés de la Chambre, à savoir pour cette législature Mélissa Hanus (PS) et Dries Van Langenhove (Vlaams Belang), tous deux âgés de 26 ans. Souci: l’élu à titre indépendant sur les listes du Vlaams Belang a suscité la polémique ces derniers jours. Fondateur du mouvement d’extrême-droite Schild&Vrienden, il a en effet été inculpé pour racisme, négationnisme et infractions aux lois sur le port d’armes cette semaine. La séance promettait d’être sous tension, avec par ailleurs, l’arrivée de pas moins de dix-huit représentants du Vlaams Belang.

Patrick Dewael avait envisagé une solution de repli lors de la séance d’installation de la Chambre, soit ne pas recourir aux services de ses deux assistants et ne pas les appeler à monter à la tribune de la Chambre. Mais c’est par une autre manière détournée que le libéral flamand a réussi à apaiser les tensions et à couper court à la polémique. Il a tout simplement décidé de présider la séance depuis son banc, au centre de l’hémicycle, parmi les députés.

Patrick Dewael a joué de cette façon agilement la carte de l’apaisement et de la sérénité. En laissant vide le perchoir de président ad interim, il a évité sobrement et dans les règles de la Chambre Dries Van Langehove d’y accéder. « C’est ma place, et c’est la seule que l’électeur m’ait confiée. Cela vaut pour nous tous », a-t-il expliqué sous les applaudissements, à l’exception de ceux du Vlaams Belang, invoquant l’article 3 du règlement de la Chambre. « J’ai voulu éviter le tumulte » a-il confié par après dans les couloirs de l’assemblée.

Dans la foulée, la co-présidente d’Ecolo, Zakia Katthabi, a annoncé sur Twitter que dans ces circonstances apaisées elle acceptait de prêter serment. Elle avait en effet déclaré précédemment ne pas vouloir le faire devant l’élu du Vlaams Belang. Interrogée dans les couloirs de la Chambre, elle a remercié Patrick Dewael pour la « solution subtile » qu’il a trouvée. « Elle me permet de prêter serment avec honneur et fierté« , a-t-elle dit.

« Le plus beau cadeau aux extrémistes »

Car les partis francophones l’avaient annoncé, ils ne cautionneraient pas qu’un représentant de l’extrême-droite puisse monter à la tribune. Mélissa Hanus avait elle-même annoncé qu’elle refusait de côtoyer un représentant du Vlaams Belang lors de cette séance extraordinaire. Elle porte ce jour un tee-shirt à l’effigie de Martin Luther King. De nombreux élus PS, MR, PTB et DéFi, ont décidé d’arborer un triangle rouge, symbole de la résistance au fascisme lors de la Seconde Guerre Mondiale, certes assez discret, en signe de protestation devant le retour en force de l’extrême-droite au parlement. Le groupe cdH avait quant à lui choisi la main jaune de « Touche pas à mon pote ».

Du côté flamand, les voix étaient plus discordantes. Le chef de groupe CD&V à la Chambre Servais Verherstraeten estimait qu’il ne faut pas donner plus d’importance que cela au rôle qui sera dévolu au député Vlaams Belang Dries Van Langenhove, lors d’une telle séance. C’est « beaucoup de bruit pour presque rien« , avait-il estimé.

Invitée sur le plateau de Matin Première ce jeudi, Jessika Soors, élue Groen, est à son tour revenue sur la polémique. Même si elle partage les préoccupations des autres partis quant à la présence potentielle de Dries Van Langenhove au perchoir, la députée a expliqué vouloir éviter le chaos.  » Personnellement, quoi qu’il arrive, je vais prêter serment, car je pense qu’un déroulement chaotique de cette séance serait le plus beau cadeau que l’on pourrait offrir aux extrémistes qui veulent prouver que notre pays ne fonctionne pas. Et j’ai surtout hâte de commencer ce travail parlementaire, pour montrer au pays qu’il y a des alternatives« , a déclaré Jessika Soors.

« Garder les choses sereines »

Dries Van Langenhove est donc resté assis à sa place tout au long de la séance, sans broncher. Il a déclaré, après l’ « entourloupe » de Dewael, que lui-même ou son groupe n’avaient pas l’intention de prendre des mesures pour aller à l’encontre de cette manière d’agir. « L’intention est de garder les choses sereines« , a-t-il déclaré aux journalistes.

Dries Van Langenhove est resté à sa place lors de cette séance
Dries Van Langenhove est resté à sa place lors de cette séance « cérémonielle ». © BELGA image

Autre action symbolique, après l’ouverture de la séance, Patrick Dewael a procédé lui-même au tirage au sort des noms afin de déterminer quels membres du Parlement siégeront à quelle commission. Cette procédure formelle doit avoir lieu avant que les députés puissent prêter serment. Normalement, ce sont les deux plus jeunes députés qui tirent les noms, mais cet honneur n’est donc pas revenu non plus à Dries Van Langenhove. Dewael a été assisté par deux employés de la Chambre des représentants dans cette tâche.

La séance a été suspendue un peu avant 15 heures dans l’attente du résultat des commissions de vérification des pouvoirs des élus du 26 mai. Vers 16 heures, à sa reprise, les nouveaux députés ont prêté serment tour à tour, sans trop de couacs.

L’ordre du jour mentionne également la désignation du Bureau de la Chambre, ce qui implique la désignation d’un président. La question ne pourrait toutefois être tranchée que la semaine prochaine. Le règlement prévoit en effet un délai de 15 jours. Trois candidats sont déjà connus: Valérie Van Peel (N-VA), Tinne Van der Straeten (Ecolo-Groen) et Servais Verherstraeten (CD&V). Patrick Dewael, qui pourrait bénéficier d’un large soutien, n’a pas encore décidé s’il se porterait candidat.

La N-VA a annoncé d’emblée qu’elle allait soumettre immédiatement des propositions de loi sur la migration après les prestations de serment de tous les députés. Theo Francken (N-VA) déclare: « Nous sommes les premiers à présenter des propositions de loi cruciales en matière de migration à 16 heures, immédiatement après la prestation du serment ».

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