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Dominique Leroy perquisitionnée: ce que l’on sait

Muriel Lefevre

Dominique Leroy quitte aujourd’hui son poste de CEO de Proximus. Hier des perquisitions ont été menées chez elle et à son domicile. Du jamais vu.

Dominique Leroy a annoncé le 5 septembre son départ de l’opérateur Proximus pour KPN. Initialement, elle devait rester chez Proximus jusqu’au 1er décembre, mais face aux nombreuses réactions hostiles, elle quittera finalement ses fonctions aujourd’hui.

La veille de son départ, des perquisitions ont eu lieu à son domicile privé – à Woluwe-Saint-Pierre – et dans ses bureaux dans la grande tour de verre de Proximus situé à la gare du Nord. Des perquisitions qui ont été confirmées par le parquet, le porte-parole de l’entreprise et l’intéressée elle-même : « Je confirme qu’aujourd’hui, à la demande de la justice bruxelloise, une perquisition a eu lieu à mon domicile et à mon bureau », confirme Dominique Leroy.

Que lui reproche-t-on ?

Le 1er août, elle avait vendu 10.840 actions Proximus au prix de 26,32 euros l’action, pour un montant total de 285.342,40 euros. Le fait que Leroy ait vendu ses actions si peu de temps avant l’annonce de son départ a soulevé beaucoup de questions. En effet le départ d’une personne clé d’une société cotée en bourse est considéré comme une information sensible pour le prix des actions. Vendre des actions personnelles sans partager immédiatement cette information avec les marchés financiers relève du délit d’initié et peut même entraîner une peine d’emprisonnement.

De quoi pousser la FSMA (le gendarme boursier, NDLR) à se pencher sur cette transaction pour déterminer s’il n’était pas question d’un éventuel délit d’initié. Une accusation niée par Dominique Leroy. En tant que CEO, elle n’était autorisée à vendre ses propres actions qu’à certains moments. Et dans ce cas, selon elle, cela n’a été possible qu’à partir du 1er août. À ce moment-là, dit-elle, elle discutait encore du renouvellement de son contrat bien qu’elle admette avoir également eu des prises de contact avec diverses parties externes, dont KPN. Mais, toujours selon elle, la décision n’a finalement été prise qu’après ses vacances.

Qui a effectué les perquisitions et pourquoi ?

On notera que ce n’est pas seulement la FSMA qui a Dominique Leroy en ligne de mire. Le juge d’instruction bruxellois enquête également sur le départ du PDG de la société de télécommunications Proximus. Ainsi ce sont les enquêteurs bruxellois qui ont effectué hier des « recherches multiples ».

Le porte-parole de Proximus n’a pas été en mesure de dire si M. Leroy avait été interrogé ou si des documents lui avaient été retirés. Le ministère public n’a pas non plus été en mesure de se prononcer sur le contenu de l’enquête judiciaire.

Dominique Leroy perquisitionnée: ce que l'on sait

Dans son communiqué d’hier, Dominique Leroy précise tout de même que « cela concerne un ordre de vente d’un certain nombre d’actions Proximus le 25 juillet 2019, effectué le 1er août, pour lequel la FSMA a déjà demandé des informations. Ces informations ont été transmises à la FSMA. »

Néanmoins, vu que son départ a été quelque peu précipité, il était important que les enquêteurs agissent rapidement et vérifient ses documents personnels et ses e-mails avant même son départ pour KPN aux Pays-Bas. Les perquisitions d’hier avaient donc pour but de chercher des preuves d’un éventuel délit d’initié. Le fait que malgré les doutes, le Parquet de Bruxelles déploie à cette fin des ressources considérables est tout à fait exceptionnel.

Que risque-t-elle ?

L’enquête de la FSMA est une procédure administrative et judiciaire qui, en cas de délit d’initié, peut donner lieu à une sanction administrative. Toutefois, le tribunal peut décider de son propre chef de mener une enquête pénale en parallèle. Une enquête qui peut donner lieu à une sanction pénale. Néanmoins, selon Tom Simonts, économiste financier chez KBC interviewé par De Morgen, il est très rare d’ouvrir une enquête pénale et d’ordonner des perquisitions pour un délit d’initié. « Il faut revenir à la crise bancaire, quand il y avait des signes évidents de tricherie. Nous avons ici un PDG qui n’avait jamais fait parler d’elle jusqu’à présent et à propos d’une transaction qui fait déjà l’objet d’une enquête de la part de l’organisme de surveillance boursière. C’est très étrange que le parquet sorte l’artillerie lourde pour un cas comme ça. » Des sources autour de Proximus trouvent aussi la « chose très étrange ». « On ne peut imaginer que Dominique Leroy fasse des erreurs aussi graves. Les cadres de Proximus sont bien guidés et conseillés pour leur éviter de tels faux pas. »

Néanmoins, dans l’enquête de FSMA, qui en est encore à ses débuts, Leroy risque, dans le pire des cas, une sanction administrative sous la forme d’une amende substantielle. Mais il est loin d’être certain que cela se produira un jour et on risque d’attendre longtemps avant de connaître les conclusions de ces deux enquêtes parallèles.

Bien que ni le conseil d’administration de Proximus ni le président du conseil d’administration de son futur employeur KPN aux Pays-Bas – Duco Sickinghe – n’ont voulu se prononcer sur les perquisitions effectuées hier soir, il est par contre certain que ces recherches risquent d’entacher durablement la réputation de madame Leroy.

Ironie du sort, le même jour, quelques centaines d’employés ont tenté de faire un chaleureux adieu à Leroy en formant un  » coeur  » pour elle sur la place juste en face de la tour Proximus.

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