Walter Pauli

« Dès que quelques pierres volent à Molenbeek, on voit un rejet de notre culture »

Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

« Orlando est le dernier d’une longue série d’attentats qui donne l’impression à une part grandissante du public occidental qu’il se trouve effectivement au coeur d’un « clash of civilizations’, écrit notre confrère de Knack Walter Pauli.

Le massacre épouvantable dans un club gay d’Orlando, aux États-Unis, a relancé le débat sur les rapports prétendument impossibles entre « l’Orient » et « l’Occident », car même si tout indique que l’auteur est un homophobe misogyne et raciste, ce n’est pas un hasard s’il s’est déclaré adepte de l’État islamique. Le califat autoproclamé brûle d’aviver les tensions entre l’Occident et le monde musulman et cet attentat d’un terroriste islamiste y a une nouvelle fois contribué.

Orlando est le dernier d’une longue série d’attentats qui donne l’impression à une part grandissante du public occidental qu’il se trouve effectivement au coeur d’un « clash of civilizations’. Il y a vingt-cinq ans, le politologue américain Samuel Huntington décrivait pour la première fois les contours de ce clash. Dans un article publié par Foreign Affairs, il avait prédit que le premier conflit après la Guerre froide n’aurait pas lieu entre les États-nations, mais entre des cultures et des religions.

En Amérique du Nord et en Europe occidentale, il s’agit surtout d’un choc des idées, même si les nombreux massacres et attentats ont fait de ce « débat politique » la question principale sociétale de cette époque.

Les enjeux sont donc importants, et le jeu est joué de plus en plus durement. Depuis le début de la migration nord-africaine et turque en Belgique au milieu des années 60, il n’y a jamais eu autant de méfiance et même d’hostilité ouverte contre l’islam, non seulement contre les variantes militantes et jihadistes de cette religion, mais aussi contre les pratiques pieuses de musulmans ordinaires.

C’est dans ce climat que le ramadan a commencé. Et même si au début du jeûne islamique, il y a eu beaucoup de voeux de Belges « autochtones » à leurs amis musulmans, il n’était évidemment pas bon qu’on brûle plusieurs combis de police. C’était frappant que ce soit justement dans la Rue des Quatre Vents à Molenbeek que les premiers cocktails Molotov ont pris feu – à l’adresse où Salah Abdeslam a été arrêté. Ces événements renforcent la supposition qu’un certain nombre de musulmans radicalisés veulent prouver absolument que tout bon musulman est un sympathisant de l’EI.

Une part grandissante de « Belges » le croient aisément et s’arment pour contrer toute expansion de l’islam. À peine le ramadan commencé, l’enseignement de la Communauté flamande à Bruxelles a tiré la sonnette d’alarme. Un nombre frappant de très jeunes enfants suivraient le ramadan. Ils ne mangent pas à l’école – ce qui à cet âge-là est très mauvais pour la santé – et ne veulent pas nager – pour éviter d’avaler de l’eau. Aussitôt, le débat a éclaté sur le ramadan : celui-ci est-il bon pour la santé ? Une école a-t-elle le droit de tenir compte de la foi des enfants ? Une entreprise peut-elle accepter que certains employés soient moins en forme pendant le ramadan ?

Dès qu’on jette quelques pierres à Molenbeek, on y voit le rejet de notre culture par u0022les musulmansu0022

Mais les troubles à Molenbeek n’étaient que de la petite bière comparée à la violence et aux actes de vandalisme commis par les hooligans en France. Ce genre de scènes choquantes devrait faire réfléchir ceux qui pensent que la culture occidentale est supérieure aux autres. Mais ils n’en font rien. Les bagarreurs et les fauteurs de troubles suscitent l’effroi, mais ils restent « nos » bandits. Mais dès qu’on jette quelques pierres à Molenbeek, on y voit le rejet de notre culture par « les musulmans ».

Si cette attitude différente est injuste, elle vit dans une large part de la société et les responsables politiques devraient s’en préoccuper. Se taire n’est plus possible. La droite doit donner une place à l’islam modéré. La gauche doit affermir la lutte contre les musulmans intolérants. Attendre ou détourner le regard ne nous avancera pas d’un iota. Du moins pas à une époque où les images d’Orlando ont marqué les esprits, où les jeunes voient sur leurs smartphones qu’une guerre est en train de s’accomplir. Aujourd’hui, elle fait rage sur les écrans, tout à l’heure peut-être dans leur tête.

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