Francois De Smet (ici en septembre 2015 lors du lancement de Myria, le nouveau nom du Centre migration) conteste dans une lettre blanche la politique migratoire de l'Etat belge. © BELGA

Demandeurs d’asile : Myria, le Centre fédéral migration, porte plainte contre l’Etat belge

Stagiaire Le Vif

Dans une plainte déposée en décembre 2015 à la Commission européenne et révélée aujourd’hui, Myria, le Centre fédéral migration, attaque l’Etat belge sur la question des demandeurs d’asile. En cause, le non-respect par le gouvernement de trois dispositions importantes du Règlement de Dublin relatif aux droits des migrants.

Si le dépôt de la plainte auprès des institutions européens date déjà de décembre, François De Smet, le directeur de Myria a choisi de ne la révéler qu’aujourd’hui dans une lettre ouverte envoyée au journal Le Soir.

Dans sa plainte, l’institution, indépendante mais financée par les pouvoirs publics, constate trois manquements au Règlement Dublin III. Pour rappel, celui-ci fixe les directives européennes selon lesquelles le premier pays où un demandeur d’asile débarque a la responsabilité de prendre en charge sa demande. La dernière version du règlement, datant de 2013, a vu l’apparition d’une série d’améliorations sur le sort administratif des migrants. La Belgique manque encore à trois de ses devoirs.

Les points qui fâchent

L’article 4 du règlement de Dublin précise que chaque pays qui accueille des demandeurs d’asile se doit de leur fournir une information correcte sur la procédure à suivre. La Commission européenne a d’ailleurs imprimé des prospectus disponibles dans de nombreuses langues, mais malgré cela la Belgique ne renseigne toujours pas ses demandeurs d’asile. Un manquement que Myria a tenté de combler par des demandes répétées au Secrétariat fédéral pour l’Asile et la Migration, restées jusqu’à aujourd’hui sans réponse. « Le plus préoccupant, commente Mathieu Beys, juriste pour le centre et auteur de la plainte, c’est que Theo Franken a par contre envoyé plusieurs lettres aux demandeurs d’asile irakiens et afghans, leur donnant des informations partielles, voire tendancieuses. Il y était stipulé que le Règlement de Dublin s’appliquerait à la lettre, alors que la brochure de la Commission précise qu’il est possible de rejoindre un membre de sa famille dans un autre pays par exemple », déclare-t-il au Soir.

Le deuxième article à faire défaut dans la législature belge, le 28 du Règlement Dublin, stipule qu’on ne peut placer une personne en détention sous prétexte qu’elle est soumise à une procédure dite « de Dublin ». Or, certains cas de migrants enfermés par l’Etat belge alors qu’ils relevaient de la compétence d’un autre pays ont été enregistrés.

Enfin, Myria se montre critique sur l’inefficacité du recours contre l’avis d’expulsion. L’article 27 du Règlement permet à un demandeur d’asile de suspendre une possible expulsion de territoire le temps de voir son cas examiné par un juge. A nouveau, l’Office des Etrangers n’en a pas tenu compte en expulsant des personnes malgré leur recours en suspension « ordinaire ». Seule solution effective ; « la suspension d’extrême urgence » qui ne s’applique qu’en cas d’expulsion imminente, c’est-à-dire si la personne plaignante de trouve déjà en centre fermé.

Quelles conséquences ?

En dévoilant cette plainte à la Commission, François De Smet n’entend pas faire condamner l’État belge mais espère que celui-ci mettra sa législation en conformité avec les règles européennes. Reste que cette initiative pourrait ne pas rester sans lendemain pour Myria. Bien qu’indépendant sur le papier et dans ses actions, l’organisme reste soumis à une clause pour le moins dérangeante compte tenu des circonstances : c’est le gouvernement qui fixe son budget. « Cette position n’est pas très saine, admet François De Smet, interrogé par Le Soir. Nous sommes amenés à critiquer le gouvernement le lundi, puis à lui demander de l’argent le mardi. Nous demandons depuis un an à sortir de ce système et à bénéficier du régime de donations. Mais le dossier n’avance pas. »

Toutefois, le directeur et philosophe reste serein sur l’avenir ; « l’Etat Belge a lui-même voulu que des organes indépendants veillent au respect des droits de l’homme. Je n’ose pas imaginer un retour de flamme… »

Guillaume Alvarez (avec Belga)

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