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Déconfinement : faut-il coordonner la réouverture des frontières en Europe ?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Comme au début de la crise du coronavirus, les Etats membres de l’UE gèrent le déconfinement et la réouverture de leurs frontières en ordre dispersé. La Commission européenne prône la concertation. Un conseil que compte suivre la Belgique.

Les annonces unilatérales de réouverture des frontières font débat au sein de l’Union européenne. La Commission européenne encourage les pays de l’UE à rouvrir leurs frontières et veut les inciter à lever progressivement les contrôles et restrictions mis en place pour faire face au coronavirus.

Les Etats membres (encore) en ordre dispersé

L’exécutif européen prône une réouverture des frontières intérieures de l’UE de façon « concertée », « la plus harmonieuse possible » et « non discriminatoire ». Mais il s’agit de simples recommandations, car il appartient aux Etats membres de décider comment ils veulent protéger leur territoire. C’est ainsi qu’au début de la crise du coronavirus, chaque pays membre a pris des mesures pour lui-même, sans se coordonner avec ses pays voisins. Sans surprise, il en va de même pour le déconfinement.

L’Allemagne, par exemple, vise une levée d’ici un mois des restrictions de circulation mises en place à ses frontières. Ses voisins français, autrichien et suisse, ont « le clair objectif d’un retour d’une libre circulation en Europe à partir de la mi-juin ». Ces pays sont convenus de prolonger encore d’un mois à partir du 16 mai les restrictions en vigueur, mais en les assouplissant quelque peu. Sa frontière avec le Luxembourg est, quant à elle, complètement rouverte depuis samedi. En Italie, fortement touchée par l’épidémie, les frontières seront rouvertes aux visiteurs de l’espace Schengen, et donc aux touristes européens, dès le 3 juin, et ce sans obligation de quarantaine.

Évaluer la situation sanitaire de ses voisins

Dans ses lignes directrices, c’est précisément à une telle situation que la Commission européenne s’intéresse. Elle préconise que lorsque des pays sont dans une situation épidémiologique comparable et ont adopté les mêmes mesures de précaution, ils doivent être traités de la même façon. Ainsi, si un pays A ouvre ses frontières avec un pays B, il doit aussi le faire avec son voisin C si ce dernier est dans la même situation que B. De même, quand un Etat ouvre ses frontières avec un autre, il doit le faire pour tous les habitants de ce pays, qu’ils en aient la nationalité ou pas.

Une approche que compte privilégier notre pays. Le ministre des Affaires étrangères Philippe Goffin (MR) discutera cette semaine avec ses homologues des pays voisins, même si cette décision se fera plus dans un cadre européen. Le dialogue entre les Etats est donc la clé, afin que chacun connaisse la situation de l’autre. La Belgique entend donc suivre la directive de la Commission qui suggère d’ouvrir ses frontières aux régions qui sont dans une situation épidémiologique comparable. L’objectif principal est « de ne pas anéantir en tout ou en partie les efforts de la population ».

Philippe Goffin
Philippe Goffin© belgaimage

Mais une décision, il n’y a pas d’assouplissement prévu. « En Belgique, on a décidé de maintenir l’interdiction de quitter le pays pour des raisons non essentielles », indique le ministre au Soir. Ouvrir nos frontières maintenant, c’est trop tôt selon lui. Il suggère tout de même que la clarté soit faite au niveau de l’UE : « Chaque Etat est maître de ses frontières, mais on veut le discours le plus clair possible au niveau européen ».

Un système de traçage européen ?

Steven Van Gucht, virologue et porte-parole interfédéral Covid-19, estime également que l’ouverture des frontières nécessite une approche coordonnée à l’échelle européenne. Mais la possibilité de séjourner à l’étranger doit, en outre, être soumise à conditions en s’assurant que la situation sanitaire dans le pays de destination soit aussi bonne que celle observée en Belgique. « Les chiffres doivent au moins être aussi bons, les mesures doivent être similaires et il faudrait donc idéalement un système de traçage européen », a-t-il affirmé sur la chaîne flamande VTM. Des conditions qui, pour le moment, font défaut. Un système de traçage européen permettrait, par exemple, d’éventuellement apprendre qu’un Belge qui reviendrait de l’étranger a été en contact avec des personnes contaminées.

Steven Van Gucht espère que les États ne vont pas se lancer dans une course au déconfinement, qui entraînerait une forme de concurrence entre les mêmes secteurs de deux pays différents, dont l’horeca, en grande difficulté à cause de la crise. « Pouvoir aller boire un verre en terrasse dans un pays voisin pourrait en quelque sorte être déloyal pour l’horeca en Belgique. »

Un mince espoir de vacances à l’étranger

Quelles sont dès lors les chances des Belges de partir à l’étranger cet été ? Pour Didier Reynders (MR), Commissaire européen et ancien ministre des Affaires étrangères, cela dépendra d’un pays à l’autre. « Quand je vois l’évolution des décisions prises aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on est plus proche des 100% de vacances à l’intérieur du pays », a-t-il indiqué sur le plateau de RTL-TVi. « Cela dépendra de la décision belge mais aussi de la décision du pays d’accueil éventuel. Là, je dirais qu’on est autour des 50 à 60% de chances. » Il précise que c’est bel et bien la question sanitaire qui primera.

Selon lui, il ne faut en revanche pas trop espérer partir en dehors de l’Europe, même si la situation sanitaire continue de s’améliorer : « Je ne pense pas qu’il y aura beaucoup d’ouverture pour voyager en dehors de l’Europe. Nous ne sommes pas certains de la situation dans beaucoup de régions à travers le monde. » La priorité est notamment d’éviter un nouveau rapatriement massif comme cela a été le cas au début de l’épidémie.

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