Martin McGuinness © AFP

Décès de Martin McGuinness: de l’IRA au pouvoir, ou le lent cheminement vers la paix

Martin McGuinness, décédé à l’âge de 66 ans selon la BBC, est un ancien membre de l’Armée républicaine irlandaise (IRA) qui a fini par personnifier le lent cheminement vers la paix du mouvement nationaliste républicain en Irlande du Nord.

Longtemps honni des unionistes, l’homme au regard bleu intense et aux traits éternellement juvéniles a achevé sa rédemption, à leurs yeux, en condamnant en des termes implacables les meurtres, début 2009, de deux soldats et d’un policier.

Né le 2 mai 1950, James Martin Pacelli McGuinness a grandi dans le quartier catholique déshérité du Bogside, à Derry. Son père, ouvrier de fonderie, était nationaliste mais pas républicain, c’est-à-dire en faveur d’une Irlande unifiée mais désapprouvant le recours à la violence.

Deuxième enfant d’une famille de sept, il quitte l’école à 15 ans. Le refus d’un mécanicien du coin de le prendre comme apprenti, parce qu’il est catholique, forgera sa conscience politique. A 16 ans, il devient commis-boucher.

Dès 1968, il rejoint le mouvement catholique des Droits civiques, puis deux ans plus tard le parti Sinn Féin. Pendant ces années, il est perpétuellement paré de son béret de « guerillero » à la Che Guevara. Vers 1971, il intègre l’IRA, au sein de laquelle il occupe vite un poste à responsabilité.

McGuinness reconnaîtra en 2001 – brisant le code d’honneur qui impose le secret à ses membres – avoir été le numéro deux de l’IRA à Derry pendant les événements du « Bloody sunday », lorsque 13 républicains ont été tués par l’armée britannique, le 30 janvier 1972.

En 1973, il est emprisonné une première fois, pendant six mois, pour appartenance à l’IRA. La presse britannique le qualifie bientôt de « plus dangereux ennemi de la Couronne ». Les protestants nord-irlandais le surnomment le « parrain des parrains ».

Mais très tôt, McGuinness joue les intermédiaires avec Londres. Dès 1972, il rencontre secrètement des membres du gouvernement britannique. Il s’engage progressivement en faveur de la paix et il est considéré comme l’un des pères de l’aggiornamento républicain.

Devenu numéro deux du Sinn Féin, il oeuvre dans l’ombre de Gerry Adams.

De toutes les tractations secrètes, il tient un rôle prépondérant pour arracher à l’IRA les cessez-le feu de 1994 et 1997. Cette année-là, il est élu au Parlement de Westminster à Londres mais refuse d’y siéger pour ne pas prêter allégeance à la reine.

Négociateur de l’Accord du Vendredi Saint qui mettra fin à trois décennies d’un conflit contre l’autorité britannique qui a fait plus de 3.000 morts, il est entre 1999 et 2002 ministre de l’Education dans un gouvernement d’union avec les protestants unionistes.

Il est aussi perçu comme celui qui a convaincu l’IRA de s’affranchir définitivement de son passé, en démantelant son arsenal en 2005. En mai 2007, il est nommé vice-Premier ministre de son ancien ennemi, le protestant Ian Paisley.

Il sera ensuite le vice-Premier ministre de Peter Robinson puis de Arlene Foster, jusqu’à sa démission le 9 janvier sur fond de dissensions sur la gestion d’un programme de subventions aux énergies renouvelables. Un départ qui a entraîné l’éclatement de la coalition au pouvoir et l’organisation de nouvelles élections au Parlement régional tenues début mars.

Des élections auxquelles il avait renoncé à se présenter en raison de sa maladie. Père de quatre enfants, poète, joueur d’échecs et amateur de pêche à la mouche, il espérait toutefois continuer « à être un ambassadeur de la paix, de l’unité et de la réconciliation ». « La réconciliation, je le pense depuis toujours, est la prochaine étape essentielle du processus de paix », avait-il estimé.

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