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Décès d’Armand De Decker: l’enquête Kazakhgate condamnée?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

La disparition de l’ancien président MR du Sénat, impliqué dans le Kazakhgate, signifie-t-elle la fin de l’enquête côté belge ? Sans Armand De Decker, acteur principal du dossier, cela semble, en effet, compromis.

Fort logiquement, le parquet général de Mons a indiqué, très vite après l’annonce du décès d’Armand De Decker, que l’action publique le concernant dans le dossier du Kazakhgate était éteinte. Mais cette extinction des poursuites ne clôt pas pour autant l’enquête dans son entièreté, qui implique d’autres protagonistes. L’instruction judiciaire à Mons – où le dossier a été renvoyé après l’implication du magistrat bruxellois Jean-François Godbille – comporte, en effet, trois volets.

1. Le volet concernant le trafic d’influence de De Decker au profit du milliardaire Patokh Chodiev et de ses deux associés kazakhs. Le trio a bénéficié de la loi sur la transaction pénale votée à la va-vite en avril 2011, alors qu’il était empêtré dans le dossier de corruption Tractebel. 2. Le volet concernant justement l’avocat-général Godbille dont l’ASBL scoute a reçu, début 2012, la somme de 25 000 euros de Catherine Degoul, l’avocate française de Chodiev, à la demande de De Decker. Un don bien étrange, arrivé peu après la signature de la transaction pénale entre le parquet général et le trio kazakh qui a ainsi échappé à un procès gênant. A l’époque, Godbille était au parquet général de Bruxelles et était intervenu ponctuellement dans le dossier Tractebel. 3. Enfin, le volet concernant Alain Winants, l’ancien patron de la Sûreté de l’Etat, soupçonné d’avoir transmis une « fiche classifiée » à son ami De Decker, dans le cadre de sa défense de Chodiev.

Le premier volet « trafic d’influence » est le seul qui semble abouti, à ce jour. La prise de contact, en février 2011, par De Decker et Degoul avec le ministre de la Justice de l’époque Stefaan De Clerck (CD&V) pour que celui intervienne dans le dossier Chodiev, était avérée et cela n’annonçait rien de bon pour l’ancien président MR du Sénat qui avait été inculpé en mai 2018. Par contre, dans les deux autres volets, aucune inculpation n’a été prononcée, à ce stade de l’enquête. Ni Godbille ni Winants ne sont, pour l’heure, inquiétés. Dans les couloirs du parquet de Mons, on nous dit, par ailleurs, que l’enquête toucherait à sa fin, que le magistrat instructeur Olivier Delmarche s’apprête à transmettre le dossier au parquet général juste après les vacances judiciaires.

Il semble clair que, De Decker étant le principal acteur du dossier côté belge, l’enquête à Mons perd de son intérêt, maintenant que celui-ci est décédé. Y compris en ce qui concerne l’argent versé à l’ASBL présidée par Godbille ? A voir. Il semble tout de même y avoir pas mal d’éléments confondants dans ce volet de l’instruction. En tout cas, si inculpation de l’avocat-général de Bruxelles il y a, la procédure ne sera pas habituelle, car le magistrat jouit d’un privilège de juridiction qui obligera le parquet-général de Mons à envoyer son réquisitoire à la Cour de cassation qui, un peu à l’instar d’une chambre du conseil, décidera alors de renvoyer ou non l’affaire devant un tribunal, en l’occurrence la cour d’appel. Les autres inculpés éventuels seraient alors absorbés dans cette procédure. Si Godbille et Winants ne sont pas inculpés, on pourra dire, pour le moins, qu’ils s’en sortent bien.

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