Bart De Wever © BELGA

De Wever: « La relation entre les politiques et les journalistes suit le jeu de l’offre et la demande »

Le Vif

Pour le président de la N-VA, Bart De Wever, la relation entre politiques et journalistes se réduit au marché de l’offre et la demande. Il a tenu ces propos face à un groupe d’étudiants en sciences politiques de l’Université d’Anvers.

Ces dernières semaines, on a régulièrement reproché à Bart De Wever de ne pas traiter les journalistes correctement. Il a ainsi refusé une interview à un journaliste du quotidien Het Nieuwsblad et les rapports entre le journal De Standaard et le bourgmestre d’Anvers sont troublés depuis des mois. De plus, Le Vif L’Express est victime d’un boycot de la part de la N-VA depuis décembre 2014.

Sélectif

« La relation entre les politiques et les journalistes se réduit tout à fait à la loi de l’économiste Adam Smith » a-t-il déclaré. « Tout tourne autour du marché de l’offre et la demande. Le mur que les politiques doivent franchir pour se retrouver dans les médias n’est pas aussi élevé pour tout le monde. Pour les politiques débutants et inconnus, il est colossal alors qu’à certains moments d’une carrière, il ressemble plus à un fossé ».

« Les personnes inconnues ont donc beaucoup d’offres et peu de demandes. Elles doivent se montrer créatives et pas trop exigeantes pour attirer l’attention. Je ne peux faire de déclaration sans que le PTB organise une manifestation. Pour un petit parti, c’est compréhensible ».

De Wever a connu une époque où il avait du mal à se faire entendre dans les médias. « Au début, vous n’avez pas le choix et vous devez vous adapter à des circonstances que plus tard vous n’accepterez plus jamais ». À présent, il a atteint l’extrême inverse. « Aujourd’hui, j’ai intérêt à créer une pénurie » explique De Wever. « Maintenant, je suis sélectif dans tout ce que je dis, parce que tout risque de se retrouver dans les infos ».

Stratégie médiatique

Il n’y parvient pas toujours: « La VRT a cru pendant un moment que j’avantageais VTM parce que le dimanche j’allais chez eux, et pas dans l’émission De Zevende Dag. Alors, j’ai accepté une invitation de Terzake, même si je n’avais absolument rien à raconter. Je leur ai dit que l’interview serait vide de sens et après coup aussi je ne pensais pas avoir dit quoi que ce soit de controversé ou de retentissant. Eh bien, ce que j’ai raconté sur les groupes minoritaires a dominé l’actualité pendant dix jours ».

Habituellement, Bart De Wever se montre donc plus prudent. « Pourquoi devrais-je encore accorder une interview à Joël De Ceulaer (NDLR : notre confrère du magazine Knack) ? Je sais qu’il ne m’aime pas et qu’il ne me ferait aucun cadeau. Je peux choisir mes moments moi-même. À moins que le quatrième pouvoir s’imagine que la liberté d’expression est également une obligation d’expression pour les politiques. Si un politique peut faire monter son prix, il le fera même si évidemment il se pourrait qu’il doive rembourser les intérêts plus tard : j’en suis également conscient ».

Cependant, tout ce qu’on raconte sur la stratégie médiatique de Bart De Wever n’est pas exact. « On dit par exemple que je passe mes questions aux interviewers. Ce n’est évidemment pas le cas. Ce que je peux faire par exemple, c’est révéler des décisions prises la semaine d’après. Quand j’en parle dans De Zevende Dag, c’est eux qui ont l’information et tous les autres médias doivent les citer ».

Critiques virulentes

« Je peux donc choisir de me trouver seul face à un journaliste dans l’émission De Zevende Dag et de ne plus débattre. Pourquoi m’installerais-je avec trois autres politiques qui essaient tous de vendre leur message au spectateur ? Personne ne l’a fait à son apogée : Verhofstadt, Stevaert, Leterme… « .

De Wever a également vivement critiqué les médias et les journalistes. « Les politiques ne manipulent pas plus les médias que les journalistes nous manipulent » estime-t-il. « Les journalistes en font des tonnes. Ils m’envoient de très longs e-mails : c’est parfois inimaginable. Seulement, on n’en parle jamais dans les médias. Et je n’ai pas l’habitude d’en parler parce que c’est un combat perdu d’avance ».

« Le problème, c’est qu’en Flandre nous avons un petit marché où il n’y a pas de place pour un quotidien de qualité comme Le Monde. Il y a deux journaux qui se qualifient de quotidiens de qualité, mais ils en sont loin. Les nouvelles, les analyses et les opinions se confondent. Les avis de décès dans les journaux sont des faits, la météo est une analyse et l’horoscope est une opinion. Mais à part ça, la séparation n’est pas claire du tout ».

Gauche contre droite

Quand on l’interroge sur sa décision de couper les ponts avec De Standaard, De Wever se montre moins ferme. « Ce n’est pas sensé, non. Ce n’est pas productif. Et ce n’est pas une stratégie réfléchie. Mais finalement, je suis humain aussi, et à un certain moment j’ai dit qu’il fallait arrêter. Quand un journal donne un forum payant à Dyab Abou Jahjah ou laisse un journaliste mener une vendetta contre moi : de la part du Morgen on peut s’attendre à de telles pratiques, mais pas du Standaard qui a toujours été mon journal ».

La question perpétuelle des journalistes de gauche a également été soulevée . « La droite a toujours pensé qu’elle était traitée plus durement que la gauche. Mais ce n’est parce que nous sommes paranoïdes – une affirmation probablement pertinente et juste – que nous ne sommes pas effectivement poursuivis. Une étude a révélé que 56% des journalistes se disent entre l’extrême et le centre gauche. Seule une minorité se qualifie de (centre) droite. Et c’est que nous remarquons : lisez les questions dans les interviews dans un journal comme De Standaard : elles sont bardées d’assertions contre la N-VA.

Peter Casteels

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