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De Troy « Un petit coq vexé »

Malentendu, énervement ? Le juge Wim De Troy (Calice) fait interpeller une directrice de prison qui lui refuse d’entrer avec son auto. Malencontreux pétage de plombs ? Ils sont nombreux à le croire, même au Palais de justice. Mais pas tous…

Prison de Saint-Gilles (Bruxelles), dimanche 16 janvier. Le juge d’instruction Wim De Troy se présente et, tenu par le court délai d’une mise sous mandat d’arrêt, demande à entrer avec sa voiture. Il souhaite entendre un passeur de drogue arrêté à l’aéroport de Zaventem. Mais le gardien refuse l’accès au véhicule, privilège des seuls fourgons cellulaires et autos de police. Un adjudant, venu à la rescousse, soutient le gardien. Wim De Troy insiste lourdement. La directrice de l’établissement rend un verdict similaire : c’est toujours non, et qu’un chien soit à bord de l’auto n’y change rien. Finalement, excédé et perdant sans doute la mesure des choses, le juge fait interpeller les trois personnes, non par la police de Bruxelles-Midi, peu encline à mener cette mission sur son territoire, mais par des policiers fédéraux de Zaventem travaillant avec lui sur le dossier drogue. Le trio sera ainsi « neutralisé » durant 135 minutes.

C’est là que les versions divergent. Pour Luc Hennart, le président du tribunal de première instance de Bruxelles et « patron » des juges d’instruction, Wim De Troy a voulu calmer le jeu en faisant entendre les trois personnes à l’extérieur, sans mesure de contrainte, pour pouvoir effectuer son travail. Pour lui, pas question de sanction, mais plutôt de saisir l’occasion pour discuter avec l’administration pénitentiaire des impératifs des uns et des autres.

Instructions mystérieuses D’autres magistrats précisent qu’il y a déjà eu des soucis du même genre, parfois avec des coups de gueule. Pour des voitures ou pour des GSM… que même des juges de garde doivent parfois abandonner à l’entrée, selon l’humeur d’un fonctionnaire. « Mais jamais on n’avait assisté à un excès comme celui-là ! » dit un juge qui pense que Wim De Troy risque le dépôt d’une plainte pour abus d’autorité par la directrice de la prison, d’ailleurs fortement soutenue par la Direction générale des établissements pénitentiaires.

C’est donc sans surprise qu’on a vu tomber des réactions défavorables à Wim De Troy – au grand plaisir, peut-être, de ceux qui continuent de s’opposer à lui dans le dossier Eglise et pédophilie, qui l’avait fait connaître du public par l’opération Calice du 24 juin 2010 (dossier où, ce 18 janvier, une demande de récusation formulée contre Wim De Troy par le sociologue Jan Hertogen a par ailleurs été refusée).

Ainsi, pour la Fédération des directeurs de prison flamands, il s’agit d’une triple arrestation (sur la base de quelle nécessaire saisine du parquet, c’est un mystère) sans justification et, donc, d’un scandale. Pour la CSC, Wim De Troy s’est rendu coupable d’un « abus de pouvoir flagrant ». Le syndicat policier Sypol évoque, lui, la « mise à mal de la sécurité de la prison ». Quant au ministre de la Justice, Stefaan De Clerck (CD&V), il a indiqué que l’affaire « ne resterait pas en l’état » et a demandé un rapport complet. Il montrera peut-être que le juge, déjà énervé par les attaques subies pour l’opération Calice, a « agi comme un petit coq vexé », selon un de ses collègues qui le regrette, car « il travaille dur et on l’aime bien ». Vexé ? C’est que, malgré les démentis, on sait que des juges obtiennent d’entrer en prison avec leur auto. Alors, pourquoi pas lui, pourquoi pas cette fois ? L’Association syndicale des magistrats (qui, au passage, a condamné la précipitation du ministre à tancer De Troy en estimant qu’il avait déjà adopté une attitude agressive à son égard pour l’opération Calice) demande en tout cas que, au lieu des « mystérieuses instructions » qui régissent l’accès des juges et des greffiers aux prisons, surviennent enfin des règles claires et nettes.

Roland Planchard

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