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Corruption des mandataires publics : la Belgique peut encore mieux faire

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

La dernière évaluation de la Belgique par le GRECO, le Groupe d’Etats contre la corruption, vient de sortir. Résultat : en matière de prévention de la corruption des parlementaires, notre pays sort de la zone rouge, mais il reste des progrès à faire.

Rappelons tout de go : les rapports précédents du GRECO concernant les conflits d’intérêts, le respect des règles déontologiques, les déclarations de revenus et de patrimoine de nos élus, n’avaient franchement rien de folichon. En octobre 2016, l’organisation émanant du Conseil de l’Europe concluait que notre pays n’avait mis en oeuvre de façon satisfaisante aucune des 15 recommandations qui ponctuaient le rapport d’évaluation publié en 2014 sur la prévention de la corruption de nos parlementaires et magistrats.

Dix-huit mois plus tard, une seule recommandation avait été réalisée de manière satisfaisante et sept partiellement, selon le GRECO qui avait conclu que le niveau de conformité de la Belgique avec les mesures préconisées restaient « globalement insuffisant ». Ce qui, en langage diplomatique signifiait un nouveau mauvais bulletin. C’est dire si le rapport 2019 du GRECO était attendu, surtout après les diverses mesures prises par nos parlements au cours de l’année dernière.

Ce deuxième rapport intérimaire vient d’être publié ce 11 septembre. Résultat : la Belgique enregistre des progrès. Elle sort même de la zone rouge « globalement insuffisant ». Au total, cette fois, « deux des 15 recommandations ont été mises en oeuvre ou traitées de manière satisfaisante ». Pour le reste, douze sont à présent « partiellement mises en oeuvre » et une seule demeure non prise en compte. Cette dernière concerne la nécessité d’une réglementation cohérente et effective en matière de cadeaux, de dons et autres gratifications reçues par les parlementaires. Le GRECO insiste notamment pour que soient rendus publics les cadeaux qui sont acceptés ainsi que l’identité des donateurs.

Lobbys au Parlement : mieux mais…

Pour le reste, concernant les règles imposées aux parlementaires, le rapport 2019 est mitigé. Le GRECO salue, par exemple, la création d’un registre des lobbyistes au sein de la Chambre et l’adoption de règles de conduite à leur égard. Notons que ce registre n’est, à l’heure actuelle, pas encore très fourni (42 organismes enregistrés). Le GRECO rappelle, par ailleurs, que la transparence n’est toujours pas assurée de manière satisfaisante : on ne sait pas quels élus chaque lobbyiste rencontre.

Concernant la déclaration de revenus et de patrimoine des mandataires publics ainsi que leur conjoint, le GRECO estime que la recommandation reste partiellement mise en oeuvre. Certes, le montant exact des rémunérations publiques doit être désormais déclaré et, pour les activités privées, les fourchettes de rémunérations sont plus complètes et précises. Par contre, il n’existe toujours pas de recensement systématique du patrimoine des élus. En effet, tous les six ans, les mandataires doivent remettre une déclaration de tous leurs biens mobiliers, immobiliers et créances, à la Cour des comptes, sous pli fermé que seul un juge d’instruction peut ouvrir en cas d’enquête judiciaire. Le GRECO déplore également que la déclaration n’ait pas été étendue aux conjoints.

Toujours pas de déclaration de patrimoine publique

Le Conseil de l’Europe avait recommandé que les diverses déclarations, y compris celle sur le patrimoine, soient publiées sur un site internet officiel. Or ce n’est donc pas le cas pour le patrimoine. Le GRECO rappelle que « les exigences en matière de vie privée ne devraient pas s’opposer à la publication de ces informations concernant des représentants élus au suffrage universel ». Il regrette aussi que la date limite pour le dépôt des déclarations ait été différée du 1er avril au 1er octobre, rejoignant ainsi les critiques émises par Cumuleo.be. Ce site qui recense tous les mandats publics avait déploré que les mandats exercés en 2018 ne soient disponibles qu’en février 2020 (plutôt que mi-août), ce qui ne fait guère avancer la transparence…

Le Groupe contre la corruption note qu’il n’existe pas de sanction suffisamment adéquate pour les parlementaires qui ne répondent pas à leur obligation de déclaration de mandats ou, surtout, qui cumulent des fonctions non autorisées.

Enfin, le GRECO avait recommandé que l’inviolabilité parlementaire ne puisse être invoquée que pour les faits qui présentent un lien évident avec l’activité parlementaire et que cela ne soit pas un obstacle à la poursuite de faits de corruption. Sans être nommées, étaient pointées entre les lignes des affaires comme celle d’Alain Mathot, l’ancien député-bourgmestre PS de Seraing, dont l’immunité n’a curieusement pas été levée en 2016, dans le cadre des poursuites à son encontre pour corruption. Dans le rapport de mars 2018, la Belgique s’était vu encore décerner un carton rouge pour ce point. Désormais, le vigile du Conseil de l’Europe juge que l’engagement pris par la Chambre d’intégrer les recommandations du GRECO constitue une prise en compte adéquate.

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