Olivier Mouton

Coronavirus: l’Europe est un nain et la Belgique une île

Olivier Mouton Journaliste

Les pays de l’Union réagissent en ordre dispersé au coronavirus et la Commission est en retrait. Notre pays suit un cours particulier, faute de moyens. Les messages aux citoyens sont trop confus.

Toute l’Italie en quarantaine : de mémoire d’Européen, on n’a jamais vu ça. La mesure a été annoncée à la hussarde lundi soir par le Premier ministre, Giuseppe Conte, parce que la propagation de l’épidémie ne faiblissait pas, en dépit de la mise en quarantaine de son foyer principal, au Nord. Forcément, les citoyens italiens avaient tendance à fuir les lieux où le confinement était total.

Les autres pays européens regardent l’évolution dans sa troisième puissance économique avec un mélange de curiosité et d’inquiétude. L’Italie est devenue un laboratoire de l’évolution de l’épidémie et ce qui s’y passe n’est guère réjouissant, avec un système de santé sous pression et des médecins forcés de choisir entre les patients à soigner en priorité, entre le jeune de 40 ans et la personne âgée. Humainement, dans l’Europe du XXIe siècle, cela pose de graves questions.

Cette crise met une nouvelle fois en évidence la faiblesse de l’Union européenne : si la concertation a bien lieu entre les pays, il manque une coordination forte pour délivrer un message commun à tous les citoyens, tenant compte, bien sûr, des situations spécifiques d’une région à l’autre. Des voix s’élèvent pour appeler à « plus d’Europe », mais la réalité est bien celle de pays donnant l’impression de prendre des décisions comme des poules sans tête. Et la Commission européenne reste étrangement silencieuse en ce moment critique.

Les yeux se tournent donc vers la Chine, où le pic de l’épidémie a été dépassé et où la situation est désormais sous contrôle. De là à en faire un modèle, il y a un pas que certains n’hésitent pas à franchir. Même l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a salué la vigueur de sa réaction. Or, on parle bien là… d’une dictature. N’est-ce pas préoccupant ? La moindre des choses serait pourtant que l’on s’inspire de la cohérence et de la rapidité des décisions, pas de la répression et de la suppression de libertés qui va avec…

L’Italie est-elle annonciatrice de ce qui se passera chez nous ? Notre ministre de la Santé, Maggie De Block, a évoqué la possibilité de passer rapidement à des mesures « à l’italienne ». Une réunion importante a lieu ce midi entre le fédéral et les ministres-présidents des entités fédérées, à l’issue de laquelle de nouvelles mesures seront annoncées. On ne devrait pas échapper à des orientations plus drastiques.

Pourtant, la tonalité chez nous reste déroutante, comme si la Belgique était une île, démunie et manquant de moyens. Le nombre de tests de détection est limité pour ne se concentrer que sur les cas présentant des symptômes : c’est un choix, mais il est avant tout dicté… par une réserve insuffisante de tests en question. Le gouvernement fédéral vient seulement d’attribuer un marché public pour des masques alors que les médecins généralistes crient depuis une semaine à l’absence d’anticipation dans ce domaine; c’est hallucinant. Les spécialistes rassurent en disant que le système de santé belge est prêt à affronter cette épreuve et tout le monde espère que ce sera le cas. Mais les messages inquiétants réitérés jour après jour par les spécialistes ne manquent pas d’inquiéter.

Dans ce contexte global, aggravé par une crise financière, faut-il encore rappeler combien l’absence d’un gouvernement fédéral de plein exercice est préjudiciable ? Bien sûr une équipe en affaires courantes est précisément là pour gérer les urgences et, au fil des crises et des années, le modèle belge a quasiment transforméles gouvernements en affaires courantes en gouvernements de plein exercice, qui vont jusqu’à engager l’armée dans un conflit militaire (en Lybie). Mais assister aux indécisions du CD&V, aux allers-et-venues au palais et aux préoccupations politiciennes alors que le pays et le continent s’enfoncent dans les crises, cela confine à de l’irresponsabilité.

« Il y a eu un manque d’anticipation, mais on fera l’évaluation plus tard, dit ce matin la députée Catherine Fonck (CDH, opposition), médecin de formation. Je veux pousser le gouvernement à agir avant qu’il ne soit trop tard. » C’est effectivement la priorité absolue. En se parlant. En prenant des décisions. En hâtant la formation d’un gouvernement. En mettant l’Europe en ordre de marche, autant que possible. Mais une fois la crise passée, il s’agira de mettre le doigt là où ça fait mal.

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