Gérald Papy

Communales : « La Belgique francophone résiste bien à la tentation extrémiste de droite »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Depuis que la victoire d’Emmanuel Macron en 2017 a donné l’illusion d’un sursaut démocratique européen, la vague d’adhésion à la droite populiste ou à l’extrême droite a touché l’Allemagne, l’Autriche, la République tchèque, l’Italie, la Suède et elle s’est maintenue en Hongrie et aux Pays-Bas. Le dimanche 14 octobre, elle a gagné la Flandre avant de s’échouer aux portes de Bruxelles et de la Wallonie.

Ce n’est pas le plus insignifiant des enseignements des élections communales et provinciales de constater que, malgré une semblable exposition à l’immigration extraeuropéenne et à un déclassement social dû à la mondialisation, la Belgique francophone résiste plutôt bien à la tentation extrémiste. Certes, celle qu’illustrent les progrès du PTB participe-t-elle aussi du populisme, à tout le moins n’est-elle pas empreinte des discriminations sur la base de l’identité qui caractérisent l’ultradroite.

C’est peu dire d’affirmer que ni le Parti populaire ni La Droite n’ont réalisé les percées que le contexte ambiant pouvait leur promettre. Les politologues sauront analyser la justesse de telle ou telle explication à cet échec, entre l’absence de figure charismatique, les divisions intestines, ou même les effets modérateurs d’un clientélisme de proximité des partis traditionnels… Il sera difficile de ne pas le disséquer aussi à travers une grille de lecture largement brandie depuis dimanche soir. Au même titre que le succès d’Ecolo se comprendrait par l’évolution sociologique d’un certain électorat – celle des grandes villes qu’auraient si bien appréhendée les militants verts et si peu ceux du MR -, l’échec des formations de la droite radicale francophone pourrait-il s’expliquer par un autre tournant sociologique ? Et si, sans occulter des tensions persistantes, Bruxellois et Wallons en étaient arrivés à entretenir une relation plus apaisée avec l’interculturalité, en banalisant la différence et en distinguant les extrémistes de la masse des citoyens ? Des faits marquants de ce scrutin inclinent à le penser. Les habitants de Ganshoren ont porté au pouvoir Pierre Kompany, le premier bourgmestre noir du pays. Ceux de Koekelberg ont propulsé Ahmed Laaouej comme premier mayeur d’origine marocaine de Bruxelles. L’audience électorale du parti Islam est restée inversement proportionnelle à son rayonnement médiatique pendant la campagne… Une certaine maturité s’est ainsi imposée dans l’appréhension de la diversité. Ce constat optimiste devra être éprouvé sur la durée et, singulièrement, dans l’emblématique Molenbeek, où l’accession de Catherine Moureaux fait craindre un possible retour de pratiques pernicieuses.

Même dans cette Flandre votante dont on ne retient que le rebond du Vlaams Belang et des saluts nazis à Ninove, la sociologie montre des évolutions plus réconfortantes. Mohamed Ridouani, du SP.A, est devenu, à Louvain, le premier bourgmestre allochtone d’une grande ville flamande. Et près de 15 % des candidats des treize cités les plus importantes de Flandre avaient, d’après le politologue Dave Sinardet, une ascendance étrangère. A priori, la disparité du vote de dimanche témoigne de la  » fosse abyssale  » entre le nord et le sud du pays qu’a décrite Christine Defraigne. Le constat général ne doit cependant occulter les signes de nature à rapprocher les  » deux démocraties  » prophétisées par Bart De Wever, le moindre n’étant pas la percée concomitante de Groen et d’Ecolo, forts d’un modèle quasi unique de coopération dans la Belgique fédérale.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire