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Communales 2018 : les moins de 25 ans veulent être des candidats à part entière

Stagiaire Le Vif

Les élections communales d’octobre seront l’occasion pour de très jeunes candidats de se jeter dans le bain politique. Même s’ils restent peu nombreux, les moins de 25 ans tenteront de représenter la jeunesse et entendent être plus que de simples faire-valoir destinés à combler les places vacantes sur les listes.

C’est devenu un cheval de bataille pour l’ensemble des partis : attirer les jeunes électeurs. Pour ce faire, les formations politiques belges ont trouvé la parade : placer des jeunes sur leurs listes électorales, dans l’espoir qu’ils ramènent les voix des jeunes votants. L’enjeu est de taille : ne pas paraître has been ou dépassé, montrer sa capacité à se renouveler et parler à une génération qu’on dit souvent détournée de la politique.

Pour les communales de 2018, certains partis ont poussé le pari un peu plus loin, en intégrant des moins de 25 ans à leurs listes électorales. Ils seront plusieurs à se lancer précocement au plus petit échelon politique du pays. Ils occupent parfois une place de choix, en tête de liste ou en deuxième position. Nous avons rencontré quatre jeunes candidats, entre 19 et 23 ans. L’occasion de prendre la température à moins de deux mois des élections.

Tête de liste à seulement 19 ans

A Marche-en-Famenne, Défi, à l’assaut de la Wallonie, a placé Bertrand Aubry, 19 ans, en tête de liste. « Défi est pour les jeunes et veut vraiment les mettre en avant. Ils apportent une preuve concrète en mettant un jeune en tête de liste« , assure d’emblée l’intéressé. Veste de costard flanquée du sigle du parti et du drapeau belge, attaché-case à la main et discussions avec les habitants de passage sur la Place aux Foires : Bertrand Aubry a tout du politicien en campagne. Il faut dire que la politique, il est tombé dedans quand il était petit. A 14 ans, il est courtisé par le PS, mais décline l’invitation. Pour lui, c’est trop tôt. Deux ans plus tard, il commence à s’intéresser sérieusement à la politique. A l’époque, il est tourné vers le cdH. Ses grands-parents ont milité pour le parti et son beau-père est même trésorier chez les humanistes marchois : « Dans ma famille, c’est couleur orange« . Peu étonnant quand on sait que Marche est une place forte du parti. Le cdH André Bouchat y est bourgmestre depuis plus de trente ans et s’appuie sur une majorité confortable (16 sièges sur 25).

A ses 18 ans, Bertrand Aubry est contacté par Jonathan Martin, vice-président de Défi et président de Défi Luxembourg, qui se trouvait également être son professeur à l’Athénée Royal de Marche. Le n°2 du parti a suivi son parcours et aimerait l’attirer dans ses troupes. « J’ai regardé tous les partis et je me suis demandé lequel me correspondait le mieux. Sans regarder le nombre de sièges, les pourcentages. Et là, j’ai choisi Défi« , explique le jeune candidat, qui siège au Conseil de la jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Bertrand Aubry en campagne au côté du président de Défi Olivier Maingain.
Bertrand Aubry en campagne au côté du président de Défi Olivier Maingain.© Facebook

En janvier, il se rallie donc finalement à la cause amarante et plaide pour que le parti, qui avait déjà présenté une liste provinciale au Luxembourg il y a six ans, présente aussi une liste aux communales à Marche. Pari gagnant. Défi devrait présenter une liste de 17 candidats, tirée par Bertrand Aubry. Le parti reste toutefois l’outsider à Marche et devra batailler pour se faire remarquer dans une commune où le duel annoncé entre le ministre wallon René Colin, tête de liste cdH, et le ministre-président Willy Borsus, au-devant de la liste MR, éclipsera sans doute les tentatives de Défi de jouer les trouble-fête.

« Pas là pour boucher les trous »

Outsiders ou pas, les jeunes candidats rencontrés n’ont pas l’intention de faire de la figuration. Amandine Fraiture, 23 ans, est candidate sur la liste PS à Amay, la commune du bourgmestre Ecolo Jean-Michel Javaux. Sur la liste socialiste amaytoise, cinq candidats ont moins de 25 ans. « Quand on a fait des réunions pour rédiger le programme politique, on a pu donner notre avis. Il y a un temps de parole pour nous et on peut proposer nos idées. On n’est pas là pour boucher les trous« , indique la candidate socialiste.

A Ittre, Alizée Olivier, une étudiante de 23 ans, est la sixième candidate sur la liste MR, une place qu’elle considère comme « de confiance « . Dans cette petite commune rurale du Brabant wallon, former un groupe jeune était un objectif affiché des libéraux : « La section voulait vraiment un élan de jeunesse. Elle voulait montrer une liste hyper fraîche« . Le parti a profité de l’existence d’une section locale des Jeunes MR dans la commune.

Parmi les quatre adhérents aux Jeunes MR sélectionnés pour faire partie de la liste électorale, seule Alizée Olivier a moins de 30 ans. Mais pas question d’être reléguée en zone seconde pour autant : « Les jeunes candidats ne sont pas des bouche-trous, on ne les met pas en fin de liste. Si j’ai ma place, je l’ai, et je la revendiquerai« . Au final, son arrivée sur la liste est du donnant-donnant : le parti peut rajeunir son groupe et la jeune étudiante libérale gagne en expérience. « En même temps de me dire que je pouvais apporter ma pierre à l’édifice, je me suis aussi dit un peu égoïstement que ça pouvait m’apporter beaucoup. Mine de rien, ça reste lié à ma formation en sciences politiques. Il suffit que je rencontre la personne clé, au détour d’un évènement… Se présenter demande de l’investissement mais j’ai aussi à y gagner, comme la commune. Ils me donnent une place et moi je peux apporter ma fraîcheur et mes idées« , conclut-elle.

A 23 ans, Alizée Olivier, ici aux côtés d'autres jeunes MR, sera candidate dans sa commune.
A 23 ans, Alizée Olivier, ici aux côtés d’autres jeunes MR, sera candidate dans sa commune.© Facebook

Savoir parfois prendre des coups

La politique, monde de requins ? A priori, pas simple de s’imposer quand on a peu d’expérience. Au sein de leur parti, les jeunes candidats rencontrés assurent être écoutés. Mais les choses se compliquent quand il s’agit d’être confronté à une opposition parfois rude.

Bertrand Aubry en a fait l’amère expérience. En juin, il interpelle un échevin concernant la mise à disposition gratuite de salles communales pour des funérailles laïques. L’élu le tacle alors sévèrement, lui indiquant que « le droit d’interpellation ne doit pas être conçu comme une façon de se placer sous le feu des projecteurs à quelques mois des élections » et ajoutant que « s’impliquer dans la vie d’une commune ne consiste pas seulement en l’élaboration d’un plan de communication audacieux ». Il lui reproche en réalité la distribution d’un fascicule intitulé « Comment bien voter ». « Ce livret n’avait pas d’étiquette politique, tous les partis s’y retrouvent, réagit Bertrand Aubry. Depuis mon adhésion à Défi en janvier, je vais à chaque conseil communal, élections ou pas élections « . Sur le fond, on peut difficilement imaginer qu’un livret sur le vote, distribué à quatre mois des élections, soit totalement dénuée d’intentions politiques. Sur la forme, l’envolée de l’échevin pose question. « Il sait très bien que je suis un jeune, qui se lance en politique. Ce qui me met hors de moi, c’est cette façon de casser des jeunes. Je trouve cela honteux et scandaleux« , conclut Bertrand Aubry. L’incident provoquera d’ailleurs le départ de l’opposition MR du conseil communal, dénonçant le « manque de respect » envers leur confrère de Défi.

« Il faut pouvoir prendre sur soi, faire la part des choses« 
Communales 2018 : les moins de 25 ans veulent être des candidats à part entière
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Eléonore Martin, 22 ans et candidate Ecolo à Mons

« Il faut pouvoir prendre sur soi, confie Eléonore Martin, 22 ans et en treizième position sur la liste Ecolo à Mons, il faut faire la part des choses et comprendre que ce ne sont pas des attaques personnelles« . La candidate écologiste évoque aussi l’importance d’accepter ses erreurs, par exemple dans un débat. Même son de cloche chez Amandine Fraiture, qui s’est parfois confrontée à l’hostilité des passants : « Comme on est dans l’opposition, on est souvent attaqué. Quand je distribuais des flyers de présentation de la liste et que je voyais quelqu’un dans la rue, ils me disaient « ah non, le PS, ça ne sert à rien », on nous attaquait un petit peu. Au début, c’était un peu choquant. On se demande comment on doit répondre à ça. Puis au final, on prend l’habitude« .

Représenter la jeunesse

Rajeunir sa liste électorale apparaît comme une solution pour insuffler un peu de fraîcheur dans une politique locale qui se renouvelle parfois peu d’une législature à l’autre. Mais est-ce réellement suffisant pour capter les voix des 18-25 ans ? D’autant plus que la jeune génération semble de moins en moins concernée par la chose publique et que les derniers scandales n’aident pas à créer un climat de confiance. Selon l’enquête « Génération Quoi » de la RTBF, 86% des Belges francophones interrogés âgés de 18 à 25 ans n’ont pas confiance en la politique (dont 44% pas du tout).

« Je connais les difficultés que les personnes de mon âge rencontrent dans la vie. Je pense que je peux comprendre leurs craintes, leurs envies « 
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Amandine Fraiture, 23 ans et candidate PS à Amay

Pour Amandine Fraiture, même si la rhétorique « mettre des jeunes pour attirer des jeunes » peut paraître simpliste, elle a tout de même du sens : « J’ai constaté dans la commune que les jeunes s’intéressent de moins en moins à la politique. Soit ils ne veulent pas aller voter, soit ils choisissent un parti sans connaître véritablement le programme politique. J’ai 23 ans, je connais les difficultés que les personnes de mon âge rencontrent dans la vie, comme pouvoir trouver un travail, acheter une maison, ou louer. Je pense que je peux comprendre leurs craintes, leurs envies. On peut facilement entrer en dialogue. On boit un verre et on commence à parler un peu de politique« .

Alizée Olivier partage ce point de vue : « C’est nous qui sommes sur le terrain de la jeunesse« , analyse la candidate libérale. Elle précise que la section jeune de son parti a d’ailleurs été directement sollicitée par la section locale pour élaborer la partie du programme consacrée aux jeunes. Eléonore Martin a aussi l’intention de représenter sa génération dans sa ville, « d’autant plus que l’écologie politique intéresse de plus en plus les jeunes« . Il est vrai que dès l’arrivée des écologistes sur la scène politique belge dans les années 80, ce sont les jeunes générations qui les regardaient avec intérêt.

Profiter des connaissances des aînés

Pour mener à bien leurs projets et envies, les jeunes candidats ne sont pas livrés à eux-mêmes. Ils peuvent profiter de la présence de leurs homologues plus expérimentés. A Ecolo Mons par exemple, les nouveaux candidats peuvent s’adresser à un parrain, un candidat qui s’est déjà présenté auparavant. « Il y a beaucoup de candidats de la liste qui ne se sont jamais présentés à Ecolo donc je ne suis pas toute seule« , indique Eléonore Martin. Sur les 20 premiers candidats écologistes, 12 n’ont en effet jamais connu de campagne électorale.

Pour Amandine Fraiture, candidate à Amay, l’encadrement est aussi assuré : « On nous a expliqué ce qu’est une campagne, ce qu’il en est des dépenses électorales. On nous aide et on nous encadre un maximum. On va toujours essayer d’être avec quelqu’un qui a plus d’expérience« . Bertrand Aubry insiste quant à lui sur la complémentarité jeunesse-expérience : « Je suis pour qu’il y ait des jeunes en politique, mais avec des anciens. A Défi Marche, il y a des jeunes et des moins jeunes, qui ont une expérience en politique et qui peuvent me conseiller « . « On ne nous laisse pas sur le côté, mais on ne nous traite pas comme des bébés pour autant, précise Alizée Olivier, je suis traitée comme une égale par les autres candidats« .

Intégrer des jeunes : un risque maîtrisé

Reste que placer de très jeunes candidats sur leurs listes n’est pas une démarche naturelle pour les partis. Les candidats de moins de 25 ans restent peu nombreux. Bertrand Aubry le concède : « C’est vrai que ça peut être un risque. Il n’y a pas forcément d’expérience, pas forcément de connaissances. On apprend sur le terrain« .

Par ailleurs, le chemin pour être effectivement élu apparaît compliqué pour les jeunes candidats. En effet, les élections communales d’octobre marqueront la fin de l’effet dévolutif de la case de tête en Wallonie. Désormais, seules les voix de préférence, c’est-à-dire celles attribuées à un candidat en particulier, compteront. La case de tête servira uniquement à déterminer le nombre de sièges auquel une liste a droit. Une place en haut de la liste ne sera donc plus d’une grande aide pour un jeune candidat s’il n’obtient pas suffisamment de voix de préférence. Pour Alizée Olivier, gratifiée de la 6ème place par son parti, l’ordre pourrait tout de même influencer les électeurs dans l’attribution des voix de préférences : « Même si l’ordre n’a plus autant d’importance, ça reste dans la tête des gens et même si c’est juste symbolique, je suis contente d’être 6ème« .

Les candidats bénéficiant de plus de popularité seront donc favorisés par la fin de l’effet dévolutif. Comme l’expliquait le politologue Pascal Delwit dans une opinion publiée sur levif.be, « tendanciellement, cela (la fin de l’effet dévolutif de la case de tête) favorisera les élus sortants, jouissant de réseaux et de soutiens bien plus établis que des novices dans une compétition électorale« . Or, les novices dans la compétition électorale d’octobre, ce sont aussi les moins de 25 ans, qui se présentent pour la première fois et sont généralement moins connus que les pontes plus âgés rompus à la politique locale.

Il reste maintenant un peu moins de deux mois aux jeunes candidats pour prouver qu’ils ont leur place dans leurs conseils communaux respectifs. Après les élections, et s’ils sont élus, l’attente sera au final la même que pour les plus âgés : joindre aux promesses les actes.

Clémence Deswert

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