Le plan Bistebroeck sur les rives droite et gauche du canal n'a pas que des supporters. © buur.be

Communales 2018 : et au milieu d’Anderlecht coule un canal

Le Vif

Du projet Biestebroeck au lifting de la place de la Vaillance. De la saleté persistante au logement modeste. A Anderlecht, on s’étripe ferme. Sinon, côté criminalité, verdure et sport, tout baigne.

A peine assis, le premier échevin Gaëtan Van Goidsenhoven nous déplie son plan : le quartier Biestebroeck modélisé en bâtiments blancs, espaces verts et 14 phylactères explicatifs bleus MR. Comme pour déjà matérialiser ce rêve de la majorité communale. Celui de métamorphoser,  » de manière irréversible « , 50 hectares répartis sur les rives gauche et droite de la voie d’eau qui fend Anderlecht. Dans les huit ans, l’ambitieux masterplan immobilier certifié par un PPAS (plan particulier d’affectation du sol) et poussé par le plan Canal de la Région, veut faire de cette zone sinistrée un complexe de 3 700 nouveaux logements, un nouveau pôle économique, des espaces publics.  » C’est la carte majeure pour absorber le boom démographique en cours, affirme l’édile urbaniste. L’ensemble pourra loger 11 000 personnes et devrait engendrer 3 000 emplois.  »

Eric Tomas, le bourgmestre PS, renchérit :  » Les projets émanent de promoteurs privés mais soumis à des charges d’urbanisme qui financeront des équipements collectifs comme trois écoles, des crèches, salles de sports et espaces publics.  » Le projet aurait aussi la vertu de résorber la fracture urbaine historique d’Anderlecht entre les deux rives socialement déséquilibrées. Il favoriserait la mobilité, l’interpénétration entre Cureghem et le centre communal, et bétonnerait que :  » Anderlecht commence à la gare du Midi et finit à Erasme « … Tout beau sur papier, le nouveau Monopoly urbanistique hérisse pourtant des habitants et quelques structures comme Inter-Environnement Bruxelles.

Parking à bateaux et autos

Un détail du plan cristallise actuellement la critique : la  » marina « , projet amarré au plan Biestebroeck sous forme d’un petit port de plaisance pour une vingtaine de bateaux, flanqué de 218 nouveaux logements, d’Horeca… à quelques encablures de la rue Wayez.  » C’est sûr qu’implanter une marina dans une des communes les plus pauvres de Bruxelles, c’était urgent, raille du haut de ses 26 ans Giovanni Bordonaro, tête de liste PTB, alors que le plan global ne prévoit aucun nouveau logement social !  » Un soupçon de gentrification au détriment des familles plus modestes brume la surface du canal… Le capitaine Tomas hisse le grand foc pour la marina.  » Allons, l’ilôt Shell où sera creusé le bassin de 5 000 mètres carrés est un chancre industriel immonde depuis vingt-cinq ans. Ce projet privé de port de plaisance permet une belle reconversion et les promoteurs cofinanceront la construction d’une nouvelle école de l’autre côté du canal. Et puis, zut quoi, le sud bruxellois ne pourrait pas avoir son Yacht club, comme il en existe un au nord ?  » Les vagues de Biestebroeck et de sa marina n’ont pas fini de secouer la (peut-être future) majorité.

Une majorité aussi dans le viseur sur et sous les pavés de la place de la Vaillance et de la rue Wayez.  » La gestion du conséquent projet de parking souterrain place de la Vaillance, et le réaménagement de celle-ci vont fortement impacter la commune côté mobilité et commerces « , épingle la tête de liste Ecolo Jérémie Drouart.  » La société gestionnaire Apcoa va rançonner les usagers du parking avec des tarifs prohibitifs de trois euros l’heure ! Là où, jusqu’ici, c’était gratuit en surface. En plus, tout s’est décidé quasi sans concertation citoyenne « , persifle Giovanni Bordonaro. Ce qui a le don d’agacer le mayeur Tomas.  » Il fallait d’abord demander aux habitants ? Quand on décide de construire une école, on ne le fait pas… Le devoir du politique est de prendre l’initiative. Celle-ci était indispensable pour relancer l’attractivité de ce quartier. Grâce à un parking souterrain pour 200 voitures, à une place de la Vaillance piétonnisée et un meilleur accès aux commerces de la zone. Sans cela, les gens fileront au Westland et au Cora et nos commerces péricliteront. L’avenir est à la disparition des places de parking en surface.  »

Communales 2018 : et au milieu d'Anderlecht coule un canal

« Aucun respect ! »

Surface où subsiste partout un point noir bien visible : la saleté.  » Bien que l’échevine SP.A Elke Roex n’ait pas ménagé ses efforts « , salue Jérémie Drouart. Eric Tomas concède :  » Ça reste prégnant. J’espérais inculquer plus de respect à la population. On a augmenté le personnel qui lutte contre les dépôts clandestins, les amendes pour incivilités, les équipes de nettoyage… rien n’y fait, aucun respect ! Notre programme retapera sur ce clou.  »

En revanche, le bourgmestre se réjouit de la lutte contre la petite criminalité. Elle aurait reculé de 20 % depuis 2012 ! Même Alain Kestemont, spécialiste  » sécurité  » et tête de liste DéFI au prochain scrutin applaudit :  » La création dans le centre historique d’Anderlecht du Koban Virtus, police de proximité d’inspiration japonaise, obtient d’ excellentsrésultats, notamment dans la lutte contre la consommation et la vente de stupéfiants autour du métro Saint-Guidon. Une cellule CPO (NDLR : d’aide à la gestion de projets) travaille dans le même esprit sur le quartier Cureghem.  »

Rayon espaces verts, écoles, crèches et sports, même le PTB salue les efforts :  » C’est visible sur la zone verte de Neerpede et sa réserve naturelle. L’intention est aussi de rénover le parc Astrid, souligne Giovanni Bordonaro. La commune est à niveau en infrastructures sportives et commence enfin à combler son retard en offre d’écoles et de crèches. Reste une cata pour les bas revenus : les logements sociaux et publics. Voire le logement tout court dans cette commune pauvre où les projets immobiliers mégalos vont doper les loyers et accentuer la dualisation entre pauvres et nantis.  »

Face à ces enjeux, le scrutin communal rebattra-t-il radicalement la carte politique ? Tous voient le PTB prendre 1 ou 2 sièges. DéFI rêve de passer de 3 à 5. Ecolo-Groen d’être au-delà des 5 actuels… Mais comme en 2006 et 2012, le PS Eric Tomas, actuel mayeur de 69 ans, et le MR Gaëtan Van Goidsenhoven, actuel premier échevin et ex-bourgmestre de 44 ans, devraient s’écharper pour ceindre l’écharpe. On glisse vite d’alliés à rivaux dès qu’on leur demande ce qui les différencie.  » L’âge et une forme de modernité, lâche Van Goidsenhoven. Tomas est un scientifique alors que moi, je suis un homme de concrétisation de grands concepts et un petit gars d’Anderlecht qui n’est pas un plan de carrière mais une évidence.  » Riposte du bourgmestre en titre :  » Je suis plus expérimenté que Gaëtan et surtout plus attentif à l’aspect social des dossiers. L’essentiel est de ne laisser aucun Anderlechtois sur le côté. Et puis, mon rival MR cumule fortement ! ( NDRL : il est aussi député régional, chef de groupe à la Cocof…). Moi, dès 2014, j’ai fait le choix inverse de me dévouer à 100 % à Anderlech.  » La campagne est bel et bien lancée…

Par Fernand Letist.

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