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Commission Publifin : à peine 2 recommandations sur 85 exécutées

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Quatre-vingt-cinq : tel est le nombre de recommandations formulées dans le rapport de la commission d’enquête Publifin, dévoilé le 3 juillet dernier. Combien ont jusqu’à présent été concrétisées ? Deux, selon nos vérifications.

Il y en a eu pour tout le monde. Sauf pour nous !  » Tant que les médias et la commission d’enquête s’agitaient, les travailleurs y ont cru. Pas à un changement de management. Mais au fait que  » l’argent ne revienne plus toujours aux mêmes « , soupire Daniel Bolland, délégué CSC côté ouvriers. Un million de salaire annuel, quand une augmentation de deux euros par chèque-repas est refusée pour raison financière, ça passe mal. Forcément. Alors au coeur du scandale, les syndicats avaient déposé un cahier de revendications, histoire de réclamer leur part. Les négociations furent d’abord au point mort, elles ont redémarré courant octobre. Mais le personnel n’espère plus.  » D’autant que rien n’a bougé, depuis le rapport de la commission d’enquête « , regrette Olivia Gabriel, déléguée CSC côté employés.

Ces septante-trois pages d’autopsie disséquaient pourtant la vacuité des comités de secteur, les multiples anomalies liées aux salaires des dirigeants, les négligences coupables de la tutelle régionale, la futilité du contrôle communal, le non-respect des règles de marché public, l’indigeste amalgame entre deniers publics et utilisation privée. Du lourd, pour celui qui en doutait encore. Quinze indices d’infraction pénale. Prière de faire le ménage ! Mais ni la Région, ni le nouveau conseil d’administration de l’intercommunale ne se sont empressés d’exécuter les 85 recommandations formulées.

Les premières portaient sur les rémunérations des comités de secteur,  » versées aux présidents et membres sans qu’une présence et une prestation suffisante n’ait été accomplie en contrepartie « , qui ont été  » illégalement perçues  » et qui  » doivent faire l’objet d’un remboursement « . Les commissaires (et les experts qui les épaulaient) ajoutent qu’il  » appartient au conseil d’administration de Publifin de prendre ses responsabilités et de réclamer le remboursement des sommes indûment versées « . Quitte à saisir un juge civil pour  » évaluer l’étendue du dommage pour l’intercommunale « .

Aucun juge n’a été saisi. Et pas un euro n’a été pour l’instant rétrocédé.  » Il y aura bien remboursement, c’est en cours « , assure Fabian Culot (MR), vice-président de Publifin, qui estime toutefois que les présences aux réunions doivent être déduites.  » C’est juridiquement beaucoup plus complexe qu’on ne le pense, complète Hassan Bouseta, administrateur PS. Où est la faute ? Quelqu’un qui a assisté à toutes les réunions a-t-il la même responsabilité que celui qui n’était jamais présent ? Un président a-t-il la même responsabilité qu’un membre ?  »

Fauchés

Surtout, les élus incriminés n’ont parfois plus les sommes à restituer.  » Certains sont dans une situation financière délicate, concède Marc Hody, administrateur Ecolo. On pourrait, dès lors, imaginer une solidarité des fédérations politiques PS-MR-CDH.  » Certaines ont fait don à la Croix-Rouge des montants qui leur avaient été rétrocédés. Ils sont toujours gelés sur un compte et le resteront,  » tant qu’on ne sait pas si l’argent est propre ou sale « , fait savoir l’ONG.

Le nouveau CA de Publifin n’a pas non plus avancé concernant les rémunérations des membres du comité de direction de Nethys. La commission d’enquête estimait que certains contrats pourraient se révéler irréguliers (annexes manquantes, bonus variables sans objectif chiffré, effet rétroactif…) et réclamait leur examen afin d’  » aboutir au remboursement des sommes illégitimement perçues et pour empêcher le maintien et/ou la mise en oeuvre des deux indemnités de rupture prévues en faveur de [Stéphane Moreau] « . L’inspection sociale n’a pas davantage été saisie pour  » inspecter les constats qui avaient suscité le questionnement de la commission au regard du droit social « , notamment le fait que les lois sociales payées par Stéphane Moreau en tant que directeur général indépendant avaient finalement été payées, avec effet rétroactif, par l’entreprise.

Aucun juge n’a été saisi. Et pas un euro n’a été pour l’instant rétrocédé

Le CA de l’intercommunale progresse par contre lentement dans la reprise du contrôle direct de Nethys. Les administrateurs de Finanpart, l’inutile couche entre les deux structures, ont bien été remplacés par ceux de Publifin. Le scénario devrait se répéter chez Nethys. Pour, in fine,  » écarter les personnes dont la responsabilité est engagée dans les manquements et les dysfonctionnements « , comme l’exhortent les commissaires ?

Faire le tri parmi les multiples activités du groupe sera un chantier tout aussi ardu. La commission estime qu’il faut  » repenser [son] périmètre de fonctionnement « , en  » envisageant de céder à des tiers certaines participations, liées notamment à des activités situées à l’extérieur du pays […] ou de céder à des sociétés publiques régionales les participations liées à des activités qui dépassent le périmètre d’intervention de l’intercommunale « . Les journaux français, les parcs éoliens (notamment) africains et le câblodistributeur doivent se sentir visés… Quant à Resa, la vache à lait du conglomérat, les commissaires considèrent qui faut la remonter dans Publifin  » pour lier directement le GRD (gestionnaire de réseau de distribution)à son actionnariat public et en assurer la stricte indépendance à l’égard des autres activités « .

Allô, la Région ?

Si les Liégeois ne se décident pas, la Région le fera. En tout cas, la commission d’enquête lui adjure. Mais les concrétisations ne sont pas plus rapides de son côté. Pas de modification du code de la démocratie locale pour empêcher les dérives (du genre : émoluments sans prestation, jetons de présence dans des organes non décisionnels, mandats  » privés  » non repris dans le plafond de 150 % de l’indemnité parlementaire, absence de règles de fonctionnement des comités de nomination et de rémunération…). Toujours pas, non plus, de création d’une commission de déontologie et d’un cadastre des mandats, bien qu’ils aient été prévus par des décrets en 2014. Ni de plafonnement des revenus pour les mandataires non élus, ni de limitation du nombre de présidents et vice-présidents, ni d’application du plafond de 245 000 euros pour le salaire du dirigeant, ni d’organisation d’une tutelle spéciale pour garder un oeil sur les activités, ni de désignation d’un délégué au contrôle régional, ni de contrôle externe des finances de l’intercommunale, ni d’objectivation du recrutement du management…

Ni rien, en fait. Ah, si : les comptes 2015 de Publifin (ceux qui incluaient les rémunérations des comités de secteur) ont été désapprouvés par Pierre-Yves Dermagne (PS), lorsqu’il était encore ministre des Pouvoirs locaux.

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