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Close et Anselme toujours pas fixés sur leur renvoi en correctionnelle

Le Vif

Après six années d’une instruction étonnamment longue, la Chambre du conseil n’a toujours pas tranché le cas de Jean-Louis Close et Bernard Anselme dans l’affaire Sotegec des anciens bourgmestres namurois (et celui de 23 autres inculpés ou cités à comparaître). La chambre du conseil a décidé de renvoyer le dossier au Parquet qui aurait remis un réquisitoire incomplet. Ils se sont confiés, chacun de leur côté, au Vif/L’Express. Entretien exclusif.

Les deux anciens bourgmestres socialistes de Namur sont tombés à cause de l’affaire Sotegec, qui a débuté en mai 2006 : Bernard Anselme avait été soupçonné de favoriser le bureau d’études Sotegec, dont sa compagne, Rita Maillard était l’administratrice, pour l’obtention de marchés publics. Parmi les autres inculpés, figurent l’ancien bourgmestre et échevin Jean-Louis Close, les deux anciens échevins Frédéric Laloux et Dominique Renier, le secrétaire communal Jean-Marie Van Bol, et l’ex-chef de corps de la police de Namur, Guy Jomaux.

Dans quel état d’esprit sont Bernard Anselme et Jean-Louis Close ? Quel regard portent-ils sur leur éloignement forcé, eux qui ne sont même plus conseillers communaux ? Sont-ils confiants dans la décision qui sera rendue le 20 juin ?

« J’aurais pu m’effondrer, reconnaît Anselme. D’ailleurs j’ai été, euh… mortifié les premiers mois. Mais prendre le pouvoir à quelqu’un, après 40 ans de politique, on connaît ça. J’étais l’homme à dégager, l’opposition m’avait prévenu que la campagne serait rude. Bon, j’ai perdu le maïorat, de peu, mais je l’ai perdu, ils ont gagné. Je savais que ma carrière politique était finie, et j’ai reporté mes espoirs sur l’enquête judiciaire pour laver mon honneur. Mais ça durait, ça durait. Alors la seule issue possible, c’est de relativiser. Oublier, c’est facile quand on a eu une vie bien remplie et qu’on est sûr de ne jamais avoir fait du mal de manière volontaire et au contraire d’avoir toujours agi dans l’intérêt général. »

Bernard Anselme s’empare d’un livre écorné. Le Barbier de Séville, de Beaumarchais. Il cherche un passage, le trouve. C’est le monologue de Bazile, qui a donné lieu au fameux « air de la calomnie » dans l’opéra de Rossini. Il l’a lu et relu, ce passage. On sent que Bernard Anselme n’a pas autant relativisé qu’il se plait à le croire quand il entonne la lecture à voix haute : « Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien, et nous avons ici des gens d’une adresse… ! »

Question, dès lors : et donc, si tout n’est que calomnie, vous êtes confiant pour le procès ? » Réponse d’Anselme : « Il est possible que certains d’entre nous soient renvoyés en correctionnelle, au moins pour une partie des préventions. Pour m’abattre, ils ont entraîné des dizaines de personnes. Je le regrette pour eux, c’est anormal, aberrant. Mais cela fait un dossier énorme, complexe, et, je dois le dire, uniquement à charge. L’instruction ne recherche jamais l’innocence à partir du moment où vous êtes un homme politique soupçonné. Jamais. Et donc je doute, même si je l’espère, qu’une Chambre du conseil puisse prononcer autant de non-lieux et dédire d’un coup six années d’instruction. »

L’état d’esprit de Jean-Louis Close, bourgmestre de Namur pendant dix-huit ans, détrôné par Bernard Anselme puis échevin du Patrimoine, est différent. « Vous voulez savoir si cela m’a affecté ? La réponse est oui, évidemment. J’y ai laissé un peu de ma santé. Chaque fois que j’ai tenté de ranger l’affaire dans un coin de mon cerveau, cela m’est tombé sur le ventre, au propre comme au figuré. Mais cela n’est rien à côté du tort porté aux fonctionnaires, dont deux ont développé une maladie grave. Un d’eux en est mort. Je pense à eux. Ma femme en a souffert, mes enfants en ont souffert. Ma famille a un sens profond de l’honnêteté. Alors, oui, être inculpé quand on se sait innocent, on en souffre, on n’en dort plus. J’ai essayé l’écriture, j’ai noirci une vingtaine de pages de réflexions sur mes réalisations en politique, pour me souvenir de ce que j’avais fait de bien. Mais aucun dérivatif n’empêche de penser à l’affaire soir après soir. »

Jean-Louis Close ne s’autorise pas à penser que son calvaire prendra fin ce 20 juin. « Je n’ose pas le croire. La juge pourrait-elle dire qu’il y avait si peu après une si longue instruction ? Il y a désormais trop à démêler. Il y aura des renvois en correctionnelle, et donc des recours. Cela va prendre des années. Le gâchis humain et politique est immense. »

Le procès n’aura pas lieu avant 2014.

Par Diederick Legrain

L’intégrale du double entretien dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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