Alors que la séparation nourrit une série de professionnels, son coût est entièrement assumé par les couples, sans aucune solidarité. © MICHAEL BERMAN/GETTY IMAGES

Cinq chiffres qui éclairent la séparation

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

La Ligue des familles publie un sondage sur les contributions alimentaires. Le taux de pensions non versées atteindrait 40 %. L’association propose de revoir le dispositif.

Pour la seconde fois, la Ligue des familles a mené une enquête sur les contributions alimentaires (1). Les résultats indiquent très peu d’évolution. Ce qui fait dire à l’association que les chiffres qu’elle soulève sont solides. Ainsi le paiement de la pension alimentaire est loin d’être garanti. Le public concerné par les impayés est composé en très grande majorité de femmes.  » Le sujet est capital pour les personnes concernées, mais il ne semble pas émouvoir grand monde. En tout cas, politiquement, nous sommes peu entendus « , souligne Delphine Chabbert, secrétaire politique et directrice d’études à la Ligue des familles. Celle-ci pointe le Services des créances alimentaires (Secal), le dispositif actuel auquel le parent peut faire appel, en cas de non-paiement, pour obtenir des avances sur la pension alimentaire. Et dont l’avenir financier est loin d’être assuré, au vu des moyens qui lui sont alloués.

La Ligue milite pour que l’Etat assume totalement le versement des pensions (lire ci-dessous). Elle appelle également à soutenir financièrement les familles séparées. Effet du nombre de ruptures, une économie de la séparation nourrit une série de professionnels (banques, notaires, avocats, psychologues…).  » Ce coût de la séparation est entièrement assumé par les couples, sans aucune solidarité « , analyse Delphine Chabbert. Une réponse concrète serait, d’après l’association, un modèle assurantiel et solidaire, sur la base de cotisations puisées chez tous, à la manière d’une mutuelle.  » En 2017, la séparation fait partie des risques auxquels chacun est exposé.  »

Voici cinq chiffres qui illustrent les difficultés que doivent affronter les parents séparés.

41 %

Le calcul du coût de l’enfant se fait en passant majoritairement par la justice. Ainsi 41 % des parents y ont recours. Les autres (33 %) s’arrangent à l’amiable, entre eux, sans faire appel à la justice ou à la médiation. Près d’un parent sur 5 (18 %) connaît une autre situation. Cette proportion recouvre toutefois des réalités différentes : pour certains, la procédure est toujours en cours, tandis que d’autres se sont adressés à la fois à la justice et à la médiation ou à un notaire. Ce pourcentage regroupe également les parents qui élèvent seuls l’enfant. L’ex est absent, démissionnaire ou parti sans participer aux frais d’éducation.

Il ressort d’abord de ces chiffres que peu de couples (5 %) se tournent vers la médiation pour négocier la contribution alimentaire.  » Expliquer ce faible pourcentage se révèle difficile, note Delphine Chabbert (Ligue des familles). La médiation demeure peu connue ; nous le voyons dans différentes enquêtes. Néanmoins, les parents y ont plus fréquemment recours quand il s’agit de gérer l’hébergement de l’enfant. On peut penser qu’un passage par la médiation se fait plus aisément quand il s’agit de discuter la garde que d’en discuter les aspects financiers.  »

L’étude montre aussi que parmi les couples ayant sollicité la justice, à peine 5 % déclarent que  » la contribution alimentaire fixée est juste « . Depuis 2010, en effet, le magistrat doit exposer les éléments qu’il prend en compte pour chiffrer le montant de la pension alimentaire : frais ordinaires, extraordinaires, facultés pécuniaires des partenaires… Or, il n’existe pas de mode de calcul unique. Des juges choisissent l’un ou l’autre système de calcul, quand d’autres n’appliquent aucun procédé statistique. Résultat :  » Cela provoque des inégalités, relève Delphine Chabbert. Or, plus la contribution calculée correspond précisément à la situation individuelle et est estimée juste par les parents, mieux elle est payée.  » Face à ce constat, la Ligue des familles plaide pour le logiciel Contriweb, mis au point par son homologue flamand, un  » calculateur de la contribution alimentaire  » qui deviendrait la méthode de référence en Belgique.  » Il permet un calcul objectif, transparent et égalitaire, car il intègre un plus grand nombre de paramètres : revenus familiaux, âge des enfants, hébergement, avantages fiscaux, accord réciproque entre parents, bourses d’étude, type de scolarité…  »

Une commission fédérale chargée de plancher sur une méthode de calcul acceptée par tous a été mise en place en mars 2014. Réunie pour la première fois en janvier 2015, elle devrait remettre son rapport au cours de l’année 2017.

40 %

Une grande partie des parents qui disposent ou devraient disposer d’une contribution, la reçoit irrégulièrement (14 %) ou très irrégulièrement (12 %), ou encore jamais (14 %). Quant aux raisons évoquées, elles sont bien sûr diverses, mais pointons que 1 parent sur 8 déclare ne pas avoir osé demander à son ex.

Pourtant, la pension pour l’enfant – établie ou non par jugement – est une obligation légale, et ce même dans le cadre d’une garde alternée. Alors qu’ils sont 42 % à répondre vrai à cette affirmation fausse mais largement répandue :  » Si les parents ont décidé d’une garde alternée 50-50, il n’y pas de contribution alimentaire.  »

40 %

Selon l’enquête de la Ligue, le Service des créances alimentaires reste  » moyennement bien perçu « . Par exemple, 2 sondés sur 5 (43 %) pensent que le service rendu n’est pas rapide. De même, 40 % estiment que les documents à fournir à l’agence sont difficiles à réunir.  » Nous défendons par conséquent l’instauration d’un fichier informatisé faisant le lien entre tous les jugements rendus sur une contribution alimentaire et le Secal. Ce serait un gain de temps, d’efficacité et moins de lourdeur administrative pour les parents « , avance la Ligue.

L’association prône également la création d’un fonds universel des créances alimentaires. L’organisme public agirait comme une entité de la Sécurité sociale, alimenté selon le principe de la mutualisation : toutes les pensions sont versées dans le fonds et reversées à tous les parents séparés qui y ont droit. Une sorte d’intermédiaire officiel chargé d’assurer le versement de toutes les pensions alimentaires. Il n’y a donc plus de relations entre les ex-conjoints, et le fonds est aussi financé par les pensions payées normalement.

85 %

Le sondage indique que plus de 8 parents sur 10 rencontrent des difficultés financières. Celles-ci sont liées à des postes particuliers. Pour 56 % d’entre eux, le coût du logement figure en tête des dépenses. Difficultés également à faire face aux frais de loisirs, de vêtements, de mobilité pour les enfants. 82 % estiment s’être appauvris après la séparation. Cette situation se rencontre tant chez les familles monoparentales qu’au sein des foyers recomposés : 38 % des parents isolés, 31 % des couples se trouvent dans ce cas.

55 %

Enfin, les familles traversent, après la rupture, une période de stress et de solitude. Plus d’un parent sur deux (55 %) a fait appel à un soutien psychosocial. Les familles monoparentales sont nettement plus concernées (67 %) que les ménages recomposés (47 %).

(1) Méthode. Ce sondage a été réalisé sur Internet auprès d’un échantillon composé de 563 répondants habitant à Bruxelles et en Wallonie, qui ont connu une séparation avec enfant(s). Au moins un de leurs enfants a moins de 25 ans.

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