Carte blanche

« Cher Bart De Wever, le temps d’un nationalisme inclusif est venu »

« Au lieu de courir derrière le Vlaams Belang à coup de slogans et de campagnes anti-islamiques, la N-VA devrait aborder les problèmes existants en coopération avec les musulmans flamands. » C’est du moins ce que pensent Philip Roose, N-VA de la première heure, et Othman El Hammouchi, un jeune penseur conservateur.

La haine se rallume en Europe. Depuis plusieurs années, nous constatons une augmentation forte et alarmante d’incidents antisémites. Près de neuf juifs européens sur dix pensent que la haine des juifs s’est accrue dans l’Union européenne au cours des cinq dernières années. C’est parfois le résultat d’attaques d’une minorité radicale de musulmans, mais aussi d’une résurgence des sentiments et des mouvements d’extrême droite.

La haine envers les musulmans s’accroît également dangereusement au sein de la population, en particulier depuis les attentats récents en Europe et l’émergence de l’État islamique. Mais, si jusqu’à il y a peu, cette aversion pour les musulmans se limitait aux partis d’extrême droite tels que le Vlaams Belang, cette image hostile de l’ennemi domine de plus en plus à la N-VA. Il est donc grand temps de plaider en faveur d’une revalorisation du nationalisme inclusif.

Identité

La diversité politique est importante. La pierre angulaire de la démocratie libérale est de promouvoir et de respecter la diversité des opinions. La complexité des considérations morales et l’ambiguïté des faits créent un espace où des personnes rationnelles et bien intentionnées peuvent être en désaccord les unes avec les autres sans s’insulter ou s’en vouloir à mort. Dans une société civilisée, les identités superposées mènent à une saine compétition entre les individus et les groupes, mais aussi entre les nations. La volonté de surpasser « l’autre », sur les plans culturel, économique, technologique, scientifique ou sportif, conduit depuis des siècles à de grands progrès dans chacun de ces domaines.

Par exemple, la Coupe du monde est un exutoire civilisé et pacifique à la vapeur identitaire. Mais il peut aussi dérailler, comme dans les combats entre hooligans. L’histoire humaine nous enseigne aussi qu’il existe un danger latent dans le concept d’identité: lorsqu’il est poussé à l’extrême, il conduit inévitablement à des conflits violents. Pour cette raison, les intellectuels progressistes considèrent l’identité flamande comme une relique du passé, un instinct primitif, une forme de tribalisme qui peut et doit être effacée.

Face à un tel cosmopolitisme, les conservateurs feront valoir que l’identité est une partie indestructible de la nature humaine et ne peut donc être ignorée. Selon eux, l’identité est une nécessité aussi impérieuse que la nourriture et le logement. Elle doit donc être respectée, mais d’une manière qui la maintient dans certaines limites et l’empêche de dérailler. Les différences entre les identités individuelles ou culturelles ne doivent pas être ignorées, mais comprises, toujours en tenant compte de ce qui nous unit. Les hommes politiques, les intellectuels et les personnalités publiques ont une fonction de modèle fondamentale et de premier plan à cet égard.

Le nationalisme inclusif

Ces dernières années, suite à la pression engendrée par le retour électoral du Vlaams Belang, le discours de la N-VA envers les musulmans est devenu de plus en plus agressif et exclusif. Au lieu de défendre courageusement un nationalisme inclusif et de chercher des moyens de renforcer ce précieux tissu, on préfère manifestement suivre servilement l’instinct anti-islamique d’une partie de l’électorat ciblé. Avant la montée en puissance de la N-VA en tant que force politiquement pertinente, l’identité nationale flamande a été presque complètement monopolisée par le discours xénophobe du Vlaams Blok de l’époque, puis du Vlaams Belang. Les travailleurs migrants marocains et turcs et leurs descendants étaient « l’autre », et tout débat sur l’intégration et la migration était bloqué par cette hostilité catégorique.

Outre l’élément racial, rejeté à juste titre par la société, ces deux dernières décennies, l’accent a été mis de plus en plus sur l’aspect religieux. Le discours est passé d' » étranger  » à  » musulman « . Sous couvert de « critiques » et de « valeurs des Lumières », on tente de restreindre de plus en plus la liberté individuelle des musulmans, tout en permettant aux autres religions d’en subir régulièrement les conséquences. Par exemple, sur les réseaux sociaux, après l’avis du Comité consultatif de Bioéthique de Belgique, plusieurs dirigeants de la N-VA se sont prononcés contre la circoncision des garçons et ont voté en faveur d’une interdiction de l’abattage sans étourdissement. Michael Freilich a comparé cette dernière interdiction aux lois persécutant les juifs sous le régime nazi. La question est de savoir s’il le pense toujours à présent qu’il a obtenu une place sur la liste N-VA.

La semaine dernière, la ministre flamande de l’Intérieur, Liesbeth Homans (N-VA), a annoncé qu’elle ne reconnaîtrait plus aucune mosquée les cinq prochaines années. La période d’essai s’applique également aux communautés religieuses juives protestantes et orthodoxes, afin de créer des dommages collatéraux de sorte qu’il ne soit pas trop transparent qu’elles visent les musulmans. Zuhal Demir, Darya Safai et d’autres « féministes » flamandes ne veulent pas seulement interdire le foulard à la piscine ou à l’école, mais aussi dans l’espace public tout court. La N-VA ne dit absolument rien au sujet du sheitel orthodoxe juif, la perruque portée par les juives pratiquantes après leur mariage, ou la kippa. Alors qu’une étude récente révèle que l’interdiction nationale du port du foulard à l’école en France a conduit à moins d’émancipation des femmes musulmanes, on continue à s’opposer obstinément à la liberté de choix religieuse.

Lorsque le célèbre chocolat suisse Toblerone a annoncé avoir obtenu un certificat halal, plusieurs mandataires de la N-VA ont appelé au boycott. Connaissent-ils l’existence du casher ? Les croyants orthodoxes sont souvent littéralement qualifiés d' »arriérés » par les dirigeants de la N-VA et les musulmans social-conservateurs sont aisément traités d’islamistes. Ils ont également refusé à plusieurs reprises de respecter le droit de se réunir dans des lieux publics parce que le message n’était pas à leur goût. Ainsi, les rassemblements religieux dans les bâtiments de la ville d’Anvers sont manifestement interdits d’après l’échevin N-VA compétent.

Ainsi, il existe encore des centaines d’exemples de l’attitude anti-islamique du parti, où la religion est invariablement synonyme d’islam, et le discours « laïque » devrait en fait masquer le sentiment antimusulman du parti. La campagne dégoûtante contre le Pacte de Marrakech, conçue et approuvée par la direction du parti, a été le triste point culminant d’une tentative d’exploitation électorale de l’aversion des musulmans éprouvée par de nombreux Flamands. Manifestement, la N-VA pense pouvoir combattre le Vlaams Belang en adoptant sa vision de société xénophobe.

L’intégration active

On peut donc se demander sincèrement si les motifs de la N-VA sont bien inspirés par les Lumières, ou plutôt par un mélange de sentiments anti-islamiques et d’opportunisme électoral plat. Le fondamentalisme laïc et rationaliste des jacobins, également représentants de ce siècle des Lumières », s’est d’ailleurs terminé dans un antagonisme violent, où chaque adversaire a fini guillotiné au nom de la « raison ». Si la séparation entre l’Église et l’État est un pilier de l’État constitutionnel démocratique, la laïcité défendue par certains membres de la N-VA ne l’est pas.

Contrairement à la plupart des non-musulmans, la religion joue toujours un rôle de premier plan dans la vie de nombreux musulmans. L’islam est un élément essentiel de leur identité. Celui qui veut interpréter la Flandre et l’identité flamande de manière unilatéralement laïque, comme c’est de plus en plus le cas à la N-VA, ferme non seulement la porte à l’intégration et à la participation de ces groupes de population, mais également à notre tradition judéo-chrétienne. Le droit de critiquer la religion est fondamental et nécessaire dans une démocratie libérale. Réduire la religion à la sphère privée ne l’est pas. Lorsque des concitoyens religieux sont bannis de facto de la sphère publique, ils se reconnaîtront de moins en moins dans la société et deviennent plus exclusifs dans leur propre identité religieuse. Une évolution que l’on peut difficilement qualifier de positive. De plus, il est hypocrite d’argumenter contre les symboles religieux dans les édifices publics, mais de fulminer comme Theo Francken lorsque des crèches de Noël disparaissent de l’hôtel de ville.

Le nationalisme inclusif n’exige pas l’assimilation, mais l’intégration active. Une culture peut et doit préserver son individualité, mais elle a aussi le devoir d’inspirer les gens à vouloir en faire partie et donc à l’enrichir. Une société ouverte aux apports des nouveaux venus sans tomber dans le politiquement correct ou dans la stigmatisation comme les mouvements identitaires est la meilleure garantie pour la paix sociale. La norme ne devrait pas être de restreindre la liberté de choix individuelle par la législation, mais de garantir cette liberté de choix dans la pratique. Au lieu de suivre le Vlaams Belang à coup de slogans et de campagnes anti-islamiques, la N-VA, en coopération avec les musulmans flamands, devrait aborder les problèmes existants. Participer à un iftar une fois par an, ne permet pas de préserver le précieux tissu. Nil volentibus arduum (‘rien n’est difficile pour ceux qui veulent’ en latin, NDLR.).

Philip Roose et Othman El Hammouchi

Faiseurs d’opinion, auteurs, et membres du thinktank conservateur Stupor Mundi

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