Charles Picqué © Belga

Charles Picqué, un maître-bâtisseur

Le Vif

Charles Picqué est resté durant une grande partie de sa carrière politique le champion des voix de préférence dans la capitale. Il y a incarné, durant sa carrière de ministre-président d’abord, et de président du parlement bruxellois ensuite, un esprit fédérateur, contribuant ainsi généreusement à donner corps à un projet de ville dont les fondements ont été globalement peu contestés.

Né à Etterbeek le 1er novembre 1948, M. Picqué est licencié en sciences économiques de l’UCL (1973) et affilié au PS depuis 1970. Il a été premier Conseiller à la Fondation Roi Baudouin (1977-1987) et membre de la Commission régionale bruxelloise d’aménagement du territoire, domaine à propos duquel il a rédigé de nombreux ouvrages.

Il apparaît pour la première fois aux élections communales de Saint-Gilles aux élections de 1982, récoltant 138 voix de préférence. Septième échevin en 1985, il est propulsé au maïorat par son prédécesseur Corneille Barca, au nez et à la barbe de ses collègues plus connus.

Charles Picqué a été ensuite élu député (fédéral) de l’arrondissement de Bruxelles en décembre 1987, un siège qu’il a occupé jusqu’en 1991. Il y a été réélu en 1999 et en 2003.

Hormis deux passages à la Communauté française (Affaires sociales et Santé en 1988, Culture de 1995 à 1999), il a véritablement pris son envol en politique dans et par la Région bruxelloise dont il fut ministre-président de 1989 à 1999 et de 2004 à 2013, après un intermède au gouvernement fédéral de Guy Verhofstadt comme Commissaire et comme ministre de l’Economie et des Grandes villes.

Il est considéré comme l’initiateur du Plan Régional de Développement.

Avec cet outil stratégique dans les domaines de l’aménagement du territoire, mais aussi de la mobilité, de l’économie, du logement, Bruxelles a définitivement tourné le dos à des décennies de soumission de la ville à l’appétit des promoteurs et à l’importance croissante des fonctions économiques au détriment de la fonction résidentielle.

Dans ce contexte, Charles Picqué est aussi à la base des premiers contrats de quartier, piliers de la revitalisation des quartiers centraux de la ville laissés en friche durant plusieurs décennies avant la création de la Région-capitale. Au milieu des années 1990, il a également anticipé la dégradation catastrophique des finances des communes centrales de la capitale et des hôpitaux publics.

Victime de soucis de santé, M. Picqué avait déjà été tenté, au cours de la décennie précédente, par une fin de carrière régionale. Mais il y avait renoncé, refusant d’abandonner le combat pour la défense de Bruxelles, Région-capitale qu’il estimait en danger dans le contexte institutionnel chahuté du pays.

A l’issue du scrutin régional de 2009, il avait contribué à limiter les effets du ressac de son parti, réintégrant, sans la moindre contestation chez ses partenaires de majorité, son siège de ministre-président bruxellois.

Il avait démissionné de ce mandat en mai 2013, pour permettre à son parti de préparer sa succession, avant l’échéance électorale de l’année suivante.

Sollicité par la présidente de la fédération du PS bruxellois Laurette Onkelinx, il avait néanmoins accepté d’endosser en juillet de la même année la vice-présidence de la fédération, et l’année suivante la troisième place sur la liste électorale régionale de son parti.

Fort d’un score une nouvelle fois plus qu’honorable, il fut proposé à la présidence du parlement régional en juillet 2014.

Son attitude consensuelle lui a valu, dans cette fonction, une désignation à la tête de la commission chargée d’examiner les causes de la dégradation avancée des tunnels de la capitale. Elle a également été appréciée de l’ensemble des groupes démocratiques lorsqu’il s’est agi de prendre des mesures fortes en matière de gouvernance et de renouveau démocratique.

Le dossier du décumul aurait pu faire renaître les vieux démons communautaires des premières années d’existence de la Région, mais sa préoccupation constante en faveur de la co-existence apaisée entre francophones et néerlandophones de Bruxelles a contribué à écarter ce scénario.

Au sein du PS, son positionnement en faveur de la social-démocratie axée sur la recherche d’une justice sociale via une régulation de l’économie de marché, ne lui a pas toujours valu une grande amitié de la part des tenants d’un radicalisme révolutionnaire. Mais son poids électoral, celui qu’il a donné à son parti dans la gestion de Bruxelles, et sa lecture inspirante des enjeux urbains lui ont toujours valu une autorité morale auprès de tous.

Ce fut aussi le cas en dehors de son parti. Lui rendant hommage lors de la dernière séance du parlement qu’il présida, le chef de file libéral Vincent de Wolf osa: « nous nous sommes toujours appréciés. En fait, il n’y a pas grand écart entre nous, sans doute parce que je suis à la gauche du MR et que vous êtes à la droite du PS »

Reconnu pour sa maîtrise approfondie des dossiers relatifs au bien-être social des habitants, Charles Picqué n’a jamais caché ses origines bruxelloises, colorant son usage de la langue de Voltaire d’un accent qu’il n’a jamais cherché à corriger, quitte à inverser certaines syllabes ou à en créer d’autres.

Il ne renierait pour rien en politique son ancrage local: il est bourgmestre (parfois empêché) de Saint-Gilles depuis 1985. Agé de 71 ans, il a reconquis son siège pour un dernier mandat, en octobre dernier, mais il souhaite une entente entre ses co-listiers pour lui succéder sans attendre 2024.

Grand amateur de cinéma fantastique à ses heures perdues, cet amateur de bons cigares, de bière blonde, comme de chocolat, savoure également les bons mots. Il pratique aussi volontiers l’auto-dérision caractéristique de la « zwanze » (humour bruxellois).

C’est ainsi qu’il confia, plusieurs années après avoir été propulsé, au maïorat de Saint-Gilles sans doute devoir son ascension politique à sa décision d’interdire la détention de pit-bull sur le territoire de sa commune, après un tragique fait divers survenu ailleurs. La mesure n’eut selon lui qu’une vocation préventive, car la vérité lui dictait de reconnaître qu’aucun chien de cette race n’y avait été recensé.

Il a d’ailleurs fait de ce profil de renard de la politique une maxime – « il faut ruser avec ses compétences » – pour faire sortir Bruxelles du corset dans lequel certains, surtout au nord, voulaient la maintenir. C’est ainsi qu’ont été lancés, dans le contexte du boom démographique, les premiers investissements pour financer d’indispensables nouvelles infrastructures scolaires, dépendant des communautés.

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