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Charles Picqué lance un appel à la prudence institutionnelle

Face au risque d’un clash entre majorités francophones et néerlandophone de la capitale à propos de la proposition d’ordonnance sur le décumul intégral, il a avancé une piste de compromis: reporter le décumul à 2024 et réduire le nombre de députés régionaux.

Devant un parterre de personnalités politiques réunies au parlement bruxellois, à l’occasion de la fête de l’Iris, la fleur-symbole de la Région-capitale, il a également adressé une mise en garde face aux aspirations isolationnistes régionales de certains et communautaires d’autres.

« Depuis quelques temps se succèdent une série de questions sur les évolutions du fonctionnement de la Région et parfois sur le fonctionnement de certains compromis fondateurs de celle-ci. On entend toutes les semaines quelqu’un avancer son idée sur Bruxelles. Bien sûr que des initiatives pour améliorer l’efficacité de nos institutions doivent être prises et encouragées. Mais il ne faut pas confondre réforme et aventure. Ce sont des équilibres fragiles qui ont mené à la création de la Région bruxelloise », a-t-il rappelé devant de nombreuses personnalités surtout bruxelloises, mais aussi, notamment, le Premier ministre Charles Michel et le Vice-premier Didier Reynders (MR).

Comme il l’a fait dans un entretien accordé au quotidien l’Echo, l’ex-ministre-président bruxellois a suggéré aux mandataires bruxellois de faire mûrir certaines pistes.

A titre personnel, il a ainsi suggéré que chaque niveau de pouvoir intègre dans sa déclaration de politique générale un volet spécifique consacré aux relations avec les autres entités fédérées et le fédéral. Il propose que s’établissent des « contrats de législature conçus dans un intérêt réciproque et partagé ».

Avec la Flandre, on peut se limiter à ses yeux, dans un premier temps, à une commission parlementaire permanente.

Côté francophone, il importe de faire vivre la fédération Wallonie-Bruxelles à travers le dossier de l’enseignement, « en faisant valoir les spécificités zonales dans les bassins économiques ou scolaires ».

Plus largement, « le repli régionaliste bruxellois est non seulement impossible, car il se limiterait aux seuls francophones, mais inopportun dans la perspective de nouvelles négociations institutionnelles », a-t-il averti.

Vis-à-vis des communes bruxelloises, la répartition des compétences doit répondre aux seules questions de qui fait quoi et le mieux, a-t-il encore dit.

En ce qui concerne les relations entre la Ville de Bruxelles et la Région bruxelloise, le président du parlement bruxellois a relancé une idée qu’il avait émise au début des années ’90 pour permettre à ces deux instances de se partager la vitrine exceptionnelle de la Grand Place à l’égard de leurs hôtes étrangers.

Il suggère de passer par un protocole leur permettant de se présenter ensemble au monde et aux visiteurs dans l’usage des édifices prestigieux pour la réception et les réunions internationales, tout en préservant les prérogatives de chacune.

Il y a des sujets plus prioritaires que cela (D. Reynders)

« Réduire nombre d’élus parlementaires régionaux? On aurait déjà pu le faire dans les communes. Il faut mettre les actes en conformité avec la parole. C’est le parlement bruxellois qui a décidé d’augmenter le nombre d’élus locaux pour le mettre en parallèle avec l’évolution démographique », a commenté celui qui est aussi le président de la régionale bruxelloise du MR. M. Reynders a dit préférer que l’on aborde ce type de sujet dans son ensemble. « Mais je ne voudrais pas occulter le débat sur la mobilité, la propreté, la sécurité et la qualification professionnelle, domaines dans lesquels nous allons faire bientôt des propositions concrètes », a-t-il ajouté. De son côté, la co-présidente d’Ecolo, Zakia Khattabi a plaidé, dans une lettre ouverte publiée samedi, pour une simplification du modèle institutionnel bruxellois, à ses yeux trop désincarné par rapport aux attentes de la population. Pour elle, il faut se contenter d’une seule assemblée parlementaire et d’un seul gouvernement. Côté cdH, la ministre bruxelloise Céline Fremault s’est dite opposée au « big bang institutionnel » proposé par certains en supprimant ou en fusionnant les communes. Selon elle, ces « projets de révolutions institutionnelles » sont impraticables pour des raisons soit constitutionnelles soit communautaires. « Personnellement, je préfère faire bouger les lignes concrètement à partir de ce qui existe déjà, en réduisant le nombre de mandataires mais sans repartir d’une page blanche et sans agiter le spectre d’une énième réforme de l’Etat », a-t-elle affirmé. Pour Mme Fremault, il s’agit en pratique trouver une meilleure cohérence pour la mobilité, la fiscalité, les espaces verts, la sécurité, ….entre les niveaux régional et communal, ce qui doit amener à un nouveau partenariat entre la Région et les communes via des contrats de législatures communes/Région.

Reporter le décumul et réduire le nombre de députés: accueil très mitigé côté flamand

La suggestion du président du parlement bruxellois Charles Picqué (PS) de reporter à 2024 le décumul intégral des mandats de député et de membre d’un collège communal, en échange d’une diminution du nombre de députés bruxellois, a bénéficié samedi d’un premier accueil réservé du côté néerlandophone. Pour le sp.a Jef Van Damme, ces deux dossiers ne peuvent faire l’objet de décision au même endroit. Pour le chef de file bruxellois de la N-VA Johan Van den Driessche, il n’y a qu’une solution pour atténuer les tensions entre la Région et les communes: la fusion.

« La proposition de M. Picqué porte sur deux choses très différentes. Le décumul auquel le sp.a est favorable (ndlr: mais auquel une majorité d’élus néerlandophones bruxellois -Open Vld; CD&V; et N-VA- sont opposés) peut faire l’objet d’un règlement en interne à Bruxelles, sans toucher aux équilibres de base. Le nombre actuel de parlementaires bruxellois résulte quant à lui d’un équilibre belge. Ce sont donc deux dossiers d’un ordre différent », a commenté Jef Van Damme, en marge des discours politiques de la séance d’ouverture de la Fête de l’Iris. Le chef de file de la N-VA au parlement bruxellois, Johan Van den Driessche, a quant à lui jugé positif que le président de l’assemblée bruxelloise plaide pour davantage de concertation avec la Flandre. « Mais je ne peux pas le suivre sur l’évolution des structures bruxelloises car cela ne résoudra pas les tensions que l’on observe entre elles. Pour cela, il n’y a à nos yeux qu’une solution: la fusion entre la Région et les 19 communes bruxelloises en une seule entité assortie de districts ou d’arrondissements comme cela se pratique à Anvers et dans d’autres villes à l’étranger », a-t-il dit. La proposition sur le décumul soutenue par une large majorité de députés bruxellois francophones et le sp.a et Groen, côté néerlandophone, n’a jusqu’ici pas pu atterrir en séance plénière. Les groupes de l’Open Vld, de la N-VA et du CD&V ont demandé et obtenu que le Conseil d’Etat se prononce à ce sujet. Ceux-ci redoutent que faute de majorité dans le groupe linguistique néerlandophone, le parlement procède un mois plus tard à un nouveau vote qui ne requerrait plus qu’un tiers des voix dans le groupe linguistique néerlandophone. Ainsi le prévoit une procédure mise en place il y a quelques années, en compensation de la représentation flamande garantie de 17 élus, pour contrer le risque de blocage des institutions bruxelloises par le Vlaams Blok.

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