Nicolas De Decker

Charles Michel, une certaine idée du sens de l’histoire

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Du libéralisme, cette doctrine millénaire qui a porté, à travers la Magna Carta anglaise (1215) ou la charte des libertés bourgeoises de Huy (1066, quand même), notre accession à la modernité, Charles Michel est le continuateur résolu.

Ce libéralisme lumineux, qui fit des parlements le bouclier des libertés individuelles contre l’arbitraire des exécutifs, celui de Locke et de Montesquieu, de Mandeville et de Bastiat, de Raymond Aron et de Corentin de Salle, nul ne pourra arguer qu’il ne fût du meilleur côté de l’histoire, celui de l’homme libre contre le pouvoir absolu, soit, n’ayons pas peur des mots, celui des gentils contre les méchants. Héritier conséquent d’un libéral et du libéralisme, Charles Michel aussi, alors, est du bon côté de l’histoire. Il est du côté des gentils, lui. Les autres sont du côté des méchants.

D’ailleurs le grand gentil libéral rendit un hommage tardif au Parlement qui lui est si cher, fin 2018, lorsque, se faisant mandater par les élus de la Nation, il rangea cette dernière, avec lui, du bon côté de l’histoire, en allant signer un pacte à Marrakech avec d’autres gentils tandis que les méchants quittaient son gouvernement de gentils. Le Parlement avait gagné contre le gouvernement, et tant pis si quelques méchants parlementaires de l’opposition refusèrent de soutenir le gouvernement des gentils. Charles Michel avait dû démissionner mais il était du bon côté de l’histoire, avec les gentils et avec le Parlement.

En mai pourtant, les gentils perdaient les élections.

Ils les perdaient même tant que leur gouvernement n’avait plus que 38 sièges sur 150 au Parlement.

Mais Charles Michel restait plus libéral que jamais. Il était l’héritier d’une tradition millénaire qui avait porté notre modernité et les mois qui suivraient allaient le démontrer.

Il était libéral et gentil lorsqu’il refusait aux méchants parlementaires de discuter de sa désignation d’un autre libéral que lui à un autre poste européen que le sien. On n’a tout de même pas fait la Magna Carta pour s’embarrasser de l’opinion de quelques méchants législateurs. Le Parlement avait perdu contre le gouvernement, mais  » on sait tous comment ce débat aurait tourné « , avait-il souverainement expliqué.

Il l’avait été encore plus, libéral et gentil, lorsqu’il avait promis, en campagne électorale, de baisser encore les impôts de dix milliards d’euros d’ici à 2024 et de responsabiliser encore plus les individus. Ce sont des idées de gentils, ça, la baisse des impôts et l’insistance sur la responsabilité individuelle.  » No taxation without representation « , ils disaient même, les libéraux de tous les pays, quand ils s’engageaient, comme Charles Michel, comme la Belgique, du bon côté de l’histoire.

Mais en mai, le gentil avait perdu les élections et il en était responsable, et plus tard le libéral allait faire exploser les déficits et il en était aussi responsable. Le Bureau du plan disait qu’à politique inchangée, d’ici à 2024, le déficit public s’élèverait à douze milliards d’euros, et cette politique inchangée c’était celle du gentil, que les méchants avaient disait-il dénoncée et caricaturée pendant cinq ans.

On n’allait donc pas diminuer les impôts en Belgique et il en était responsable. Mais le libéral était si responsable qu’il fuirait la Belgique, raconter ailleurs qu’il était du bon côté de son histoire, et que ceux qui diraient le contraire n’étaient rien que des méchants.

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