Olivier Mouton

Charles Michel est-il encore en état de gouverner?

Olivier Mouton Journaliste

La nouvelle provocation de Bart De Wever déshabille le Premier ministre. Qui risque d’être absent de deux rencontres internationales importantes, à Katowice et à Marrakech.

La sortie faite ce lundi matin par Bart De Wever, président de la N-VA, n’est pas de nature à apaiser la crise qui couve au sein de la Suédoise fédérale au sujet du Pacte global sur les migrations des Nations unies. « Nous ne soutenons pas un gouvernement qui va à Marrakech », a-t-il dit. Ce faisant, il tente peut-être de gagner du temps. Mais surtout, il déshabille publiquement le Premier ministre, Charles Michel, qui avait annoncé sa venue. Au risque de faire monter d’un cran la température.

La conférence intergouvernementale, prévue les 10 et 11 décembre, est censée confirmer l’accord des Etats au sujet du Pacte contesté par les nationalistes. La chancelière allemande, Angela Merkel, a déjà annoncé sa présence, tandis que le Premier ministre italien, Giuseppe Conte, a prévenu qu’il boycotterait ce rendez-vous : c’est le symbole d’une ligne de fracture qui déchire l’Europe entre nationalistes et universalistes (ou, à tout le moins, multilatéraux) – et la Belgique se trouve, déchirée, au milieu. Marrakech n’est certes pas l’étape décisive, le Pacte devant encore être approuvé devant l’assemblée générale de l’Onu entre la fin 2018 et le début 2019. Mais une absence de la Belgique serait un échec cuisant pour Charles Michel qui s’était engagé à le soutenir.

Le gouvernement fédéral pourrait-il tomber sur ce sujet ô combien symbolique, mais sur un texte qui n’est pas contraignant ?

Le gouvernement fédéral pourrait-il tomber sur ce sujet ô combien symbolique, mais sur un texte qui, rappelons-le, n’est pas contraignant ? C’est de plus en plus de l’ordre du possible, tant le débat semble entré dans une zone irrationnelle. Sur fond de théâtre politique : le MR veut montrer qu’il n’est pas le pantin de la N-VA tandis que le parti nationaliste, suivant la ligne de son secrétaire d’Etat Theo Francken, se radicalise, inquiet de la remontée de l’extrême droite en Flandre et conscient de l’évolution de plusieurs pays européens sur cette question sensible.

François de Smet, directeur de Myria (Centre fédéral sur la migration), disait très bien à la RTBF, ce lundi midi, que le gouvernement aurait pu tomber sur des sujets bien plus délicats en matière de migration, depuis le début de la législature. Cette fois, le gouvernement se trouve dans une zone de turbulence où tout semble possible. Même si il reste une semaine à la Suédoise pour trouver une solution. Et même si les quatre partis (N-VA, MR, CD&V et Open VLD) disent ne pas vouloir faire chuter le gouvernement de façon précipitée. « C’est un sujet difficile, mais le travail se poursuit », a souligné le Premier ministre, à l’issue du bureau du MR. Alexander De Croo, vice-Premier Open VLD, a été plus direct : « Si l’on ne recherche pas de solution, il faut le dire maintenant. » Comme si les quatre partis cherchaient surtout à refiler le zwarte piet (valet noir) à celui qui osera tirer la prise.

On est légitimement en droit de se demander si Charles Michel est encore en état de gouverner. Alors que 65 000 personnes ont envoyé un signal fort, dimanche, dans les rues de Bruxelles, au sujet du climat, le Premier ministre n’est pas non plus en mesure de représenter le pays dans un autre cénacle important : la Conférence intergouvernementale sur le climat (COP24), qui a débuté à Katowice, en Pologne. Symboliquement, à l’heure où le MR cherche à mettre en avant sa sensibilité verte et alors que certains verraient bien la Belgique organiser une prochaine COP, cette absence fait tâche. Marie-Christine Marghem (MR), ministre fédérale de l’Environnement, représentera bien notre pays. Invité sur les plateaux de télévision, dimanche soir, après la manifestation à laquelle elle a participé, elle a toutefois imputé le manque d’ambition criant de la Belgique en matière climatique au… gouvernement flamand, dont la majorité N-VA – Open VLD – CD&V est la même qu’au fédéral. N’est-ce pas là une façon de dire que Charles Michel est impuissant à imposer sa loi ?

Dire que le Premier ministre a été le « paillasson » de la N-VA durant toute la législature est une exagération au vu du travail qui a été engrangé et dont le MR, jusqu’ici, se disait satisfaisait. Mais au vu du bras de fer actuel, force de reconnaître que locataire du Seize risque de se retrouver nu, au moment où son parti tente de se refaire une virginité dans l’opinion publique francophone.

Une chute du gouvernement pourrait être la preuve définitive que les lignes bougent. En 2019, si l’on en croit les résultats des élections communales, la Suédoise n’aurait plus de majorité à la Chambre, la N-VA perdrait beaucoup de plumes et les verts pourraient se positionner comme un pivot pour la formation d’une majorité. Ceci explique-t-il ce parfum de crise ?

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