Nicolas De Decker

Ceci n’est pas du journalisme

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Il y a beaucoup plus typiquement belge que la bière, que le blocage politique ou que le surréalisme. Il y a le journaliste belge qui se fait mousser et taxe la situation politique belge de surréalisme à la belge

La Lager anglaise et les perspectives à Westminster, la Moretti italienne et les revirements des Cinque Stelle, la Bud et les palinodies du trumpisme, la San Miguel et la majorité aux Cortès, la 1664 et les salissures du macronisme ne doivent rien à René Magritte ni à Achille Chavée. Ce tic d’écriture automatique n’apporte rien, n’explique rien, n’apprend rien et ne change rien. Dans un débat démocratique raboté par la langue de bois, ces stères de surréalisme ligneux, ceci n’est pas du journalisme, plutôt un combustible à grosse fumée.

Mais puisqu’il semble qu’il faille se trouver des analogies dans une pinacothèque, et puisque l’honneur du journalisme, dit-on désormais, est d’apporter des solutions à des problèmes, voici comment les confrères pourraient agréablement s’élargir une palette métaphorique.

Ainsi d’un Premier ministre battu en Belgique mais promu en Europe, qui s’en irait tout en restant bien là, et qui, insultant ses adversaires tout en se prétendant au-dessus de la mêlée, se colorerait en clair-obscur un peu gore à la Caravage.

Ainsi aussi d’un jeune président de parti socialiste wallon qui dit la veille n’avoir rien en commun avec un parti nationaliste flamand et qui, le lendemain, du coup de pinceau si léger et si flou mais si répété qu’il en devient lourd des impressionnistes, invite le parti nationaliste flamand à partager avec lui ses priorités.

Ainsi également d’un parti qui, prétendant délaisser l’apparente froideur du réalisme soviétique, emprunte une ligne cubiste à la Picasso, découpe la vérité et la recompose en grand traits à la fois droits et disharmonieux, tellement que le modèle s’efface et que plus rien ne paraît faire sens, et qu’il y trouve un grand succès commercial.

Ainsi aussi de ces jets désordonnés sur la toile sale de Twitter, ces expressions concrètes d’aspirants présidents de parti ou de disciples de ministre qui ne rendent rien à l’expressionnisme abstrait de Jackson Pollock.

Ainsi des errements pointillistes d’un ministre-président wallon qui fut un Premier ministre si obsédé par les détails qu’il en oublia sa perspective, comme un Georges Seurat qui aurait trop louché vers la droite ; ainsi de la pensée monochrome blanche du suprématisme de ces incendiaires de Bilzen ; ainsi des primitifs flamands qui saignent la culture flamande ; ainsi des prophètes de l’économie verte qui peignent la transition énergétique comme Ingres empilait les vertèbres d’une odalisque, sans aucun sens des proportions ; ainsi de la froideur des technocrates qui colleraient le néoclassicisme de Jacques Louis David à l’économie belge, oubliant qu’il est mort à Bruxelles.

Ainsi de tous ces bricoleurs de machins gluants, tripoteurs de vieilles poubelles, recycleurs de vieux machins, de ces composteurs d’idées reçues du journalisme et des éboueurs de la philosophie politique : ils sont tous bien là et il suffit de googler  » Pascal Vrebos déchettisme  » pour savoir que le surréalisme, c’est vachement dépassé.

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