Olivier Mouton

Ce sera donc Charles ou Didier, à moins que Maggie…

Olivier Mouton Journaliste

Le CD&V a choisi l’Europe et renoncé au poste de Premier ministre. Cela en dit long sur la tiédeur flamande à l’égard de l’Etat fédéral. Désormais, le Seize pourrait redevenir un refuge francophone. Si Michel ou Reynders succédait à Di Rupo, ce serait la première fois qu’un francophone succède à un francophone depuis 1965.A moins que la populaire Maggie De Block ne brouille les pistes

A l’issue d’une longue nuit et d’une intense phase de dramatisation, le CD&V a fini par retourner une situation compromise pour décrocher le poste de commissaire européen pour son ancienne présidente Marianne Thyssen. Exit Didier Reynders, qui s’était déclaré « disponible ». La famille libérale ne perd pas au change : elle obtiendra le poste de Premier ministre, sans doute pour Charles Michel ou Didier Reynders même s’il n’est pas encore exclu qu’un Open VLD décroche la timbale – on songe à l’ultra-populaire Maggie De Block.

Kris Peeters l’avait dit : ce moment clé des négociations, sous la pression du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, devait démontrer si la Suédoise est « viable ». Cela semble être le cas. Selon certaines sources, Bart De Wever en personne aurait même joué un rôle important pour éviter une crise potentielle – c’est sans doute exagéré, mais le fait même de lui attribuer ce rôle témoignerait de la volonté du nationaliste flamand d’aller jusqu’au bout.

Cela dit, il est désormais écrit que la Suédoise ne sera pas un long fleuve tranquille, mais bien une confrontation virile de centre-droit. On annonçait un vent frais, une rupture, une autre manière de faire de la politique ? Ce sera au contraire « business as usual », de la politique politicienne, des équilibres savants et des calculs d’apothicaires. A l’heure où les citoyens se distancient de plus en plus du pouvoir, le spectacle de cette désignation à l’arraché fera des dégâts, autant que le documentaire de la RTBF diffusé mardi soir qui raconte par le menu les haines corses qui prévalent du côté francophone.

Ce choix à l’arraché de la candidate belge pour la Commission européenne se payera-t-il cash dans le pouvoir d’influence de notre pays ? Il est encore trop tôt pour le dire. Selon certains, Marianne Thyssen pourrait obtenir le portefeuille très prisé de la Concurrence ; selon d’autres, elle devrait se contenter… de la Jeunesse et du Multilinguisme. Sachant l’insistance que le président Jean-Claude Juncker a mis pour convaincre la Belgique de lui envoyer une femme (qui plus est de sa famille politique), on doute cependant qu’il l’humilie en la condamnant à faire de la figuration.

Ce faisant, le CD&V fait donc l’impasse sur le Seize, rue de la Loi. Objectivement, c’est une surprise tant tout le monde pensait évident de voir Kris Peeters devenir Premier ministre. Il avait annoncé la couleur : soit il dirigeait un gouvernement (le flamand, de préférence), soit il quittait la politique. Le rapport de forces en a voulu autrement, la famille libérale étant la seule unie au sein de la Suédoise. Les sociaux-chrétiens flamands ont dû aussi soupeser les pertes et profits potentiels d’une accession de l’un des leurs au Seize. Le souvenir des fuites récentes des champions du parti Yves Leterme et Herman Van Rompuy, qui ont déserté un poste éprouvant et surtout instable, a dû jouer un rôle. De même que cet adage véhiculé en Flandre par la N-VA : tous ceux qui passent par le Seize sont ensuite lourdement sanctionnés par les urnes.

Cela avait déjà été exprimé durant la campagne : les partis flamands ne sont plus guère intéressés par la direction du gouvernement fédéral. Chez eux, la révolution copernicienne a bien eu lieu dans les têtes, c’est désormais la ministre-présidence flamande qui prévaut, celle-là même que convoitait Kris Peeters. Si la N-VA ne revendique aucun poste clé au fédéral, c’est en raison de son caractère nationaliste, évidemment, mais aussi parce qu’elle a été largement servie au gouvernement flamand, présidé par son père historique Geert Bourgeois. Du côté francophone, les socialistes Paul Magnette et Rudy Demotte se lamentent encore de voir le manque relatif d’intérêt pour les missions, pourtant fondamentales, des gouvernements wallons et francophone qu’ils président.

Place donc à un libéral au Seize, francophone, a priori. Ce serait doublement historique : un libéral francophone n’a plus accédé à une telle fonction depuis Paul-Emile Janson en 1937 et la dernière fois qu’un francophone a succédé à un francophone, c’était en 1965 (Paul Vanden Boeynants succédant à Pierre Harmel).

Pour le MR, cette Suédoise promet d’ailleurs d’être un jackpot intégral ou une Berezina. Avec un éventuel poste de Premier et six ou sept ministres, il dispose d’un boulevard pour capitaliser sur son image d’alternative francophone au PS, mais risque gros si l’aventure se déroule mal. Avant cela, il lui faudra régler les susceptibilités attendues dans le choix à opérer entre Charles Michel et Didier Reynders pour le Seize. Le premier a porté à bout de bras la formation, mais manque d’expérience. Le second est un roublard du fédéral, mais son caractère n’est pas le plus rond pour mettre de l’huile dans les rouages.

Certains pensent à Maggie De Block comme Premier ministre. Très populaire, elle pourrait finalement satisfaire tout le monde.

Cela étant, il n’est pas exclu non plus dans ce pays complexe qu’est le nôtre de voir le plus parti de la coalition, invité de dernière minute, décrocher cette timbale dont personne ne semble vouloir vraiment. Certains pensent que le nom de Maggie De Block, très populaire des deux côtés de la frontière linguistique, pourrait finalement satisfaire tout le monde. Cette piste apparaît loin devant celles de Gwendolyn Rutten, présidente de l’Open VLD, ou de l’actuel vice-Premier Alexander De Croo, avec un clin d’oeil, d’aucuns persiflent : l’Open VLD est le seul qui aurait bien de la peine à faire moins bien sur le plan électoral après un passage par le Seize.

Alors ? Michel I, Reynders I, Maggie I, Rutten I De Croo I ? Charles Michel et Kris Peeters poursuivent ensemble leur mission. La Suédoise n’est plus très loin. Si elle voit le jour, il n’est pas encore écrit qu’elle vivra dans l’harmonie

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