Jules Gheude

Ce communautaire omniprésent

Jules Gheude Essayiste politique

Au lendemain des élections du 26 mai, on peut s’attendre à ce que les gouvernements régionaux flamand et wallon soient rapidement constitués, avec des configurations radicalement opposées, ce qui ne manquera pas de rendre extrêmement compliqué, voire impossible, la mise sur pied d’un gouvernement fédéral.

Du côté wallon, les résultats du dernier sondage devraient permettre, sans la moindre difficulté, à Elio Di Rupo de former la coalition progressiste qu’il appelle de ses voeux. Avec quels partenaires ? On sait que la FGTB s’est prononcée pour une alliance PS-Ecolo-PTB, qui, avec 61,5%, pourrait jouir d’une confortable majorité. PS et Ecolo totalisent, à eux seuls, 46,7%. Mais Paul Magnette songerait, de son côté, à tendre la main au CDH, crédité de 9,3%.

La rancune socialiste à l’égard des sociaux-chrétiens est vive, depuis que Benoît Lutgen a écarté le PS du pouvoir wallon à l’été 2017. Mais Benoît Lutgen a cédé la présidence du parti à Maxime Prévot, peut-être pour permettre à celui-ci de renouer le lien avec la mouvance socialiste.

Le CDH passe, sans trop d’état d’âme, d’une coalition de droite à une coalition de gauche. L’essentiel, pour lui, est de se retrouver au pouvoir. C’est, somme toute, le comportement du mercenaire…

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Du côté flamand, Bart De Wever, dont la formation reste la première force politique avec 27,9%, vient d’annoncer que sa préférence allait à un gouvernement à deux partenaires. On sait qu’il s’est allié, pour la gestion d’Anvers, à l’Open VLD et au SP.A. Mais ces deux partis sont crédités respectivement de 14,2% et 12,7%. Une alliance à deux ne pourrait, dès lors, pas compter sur une majorité. Par ailleurs, John Crombez, le président du SP.A, considère la chose comme quasi impossible. Dans les circonstances présentes, seule une reconduction de la tripartite actuelle (N-VA, CD&V, Open VLD) serait donc de nature, avec 56,8%, de permettre à Bart De Wever de poursuivre la politique qu’il souhaite.

Une chose est claire : le fossé idéologique entre le Nord et le Sud est plus présent que jamais.

Candidat au poste de Premier ministre, Jan Jambon a bien résumé la situation : La Belgique est la somme de deux démocraties qui ‘éloignent de plus en plus l’une de l’autre. C’est gênant, car la construction belge est faite de telle façon qu’il n’est possible de former un gouvernement fédéral qu’en mettant clairement hors-jeu l’un de ces démocraties. Sous Elio Di Rupo, la Flandre en fut victime, et sous Elio Di Rupo, la Wallonie.

La solution à ce problème, la N-VA ne la voit que dans l’instauration d’un système confédéral. Flandre et Wallonie déterminent ce qu’elles souhaitent encore gérer ensemble, tout le reste étant de leur compétence absolue. Reste la problématique bruxelloise. Le projet de la N-VA prévoit qu’en ce qui concerne, les matières personnalisables – l’impôt des personnes, la sécurité sociale, l’aide sociale, la protection de la jeunesse, la migration, l’intégration et le droit de vote pour le Parlement flamand ou wallon -, chaque Bruxellois, indépendamment de sa langue ou de son origine, aura la faculté de choisir entre la Flandre et la Wallonie

Mais, il faut le répéter ici, la N-VA n’est pas à l’origine du confédéralisme. Elle n’existait pas au début des années 90, lorsque le ministre-président flamand Luc Van den Brande – un démocrate-chrétien ! – en a lancé l’idée. Le concept fut ensuite adopté par le Parlement flamand en 1999. Interviewé en 2007 par le journal québécois « Le Devoir », Wouter Beke, l’actuel président du CD&V, avait d’ailleurs déclaré : Nous voulons une véritable confédération où chacun pourra agir comme il l’entend. Si les francophones n’acceptent pas de lâcher du lest, nous n’aurons pas d’autre choix que l’indépendance.

En janvier dernier, Pierre-Yves Dermagne, le chef de groupe PS au Parlement wallon, voyait dans ce confédéralisme l’expression d’un fantasme. Aujourd’hui, il déclare : Les résolutions du parlement flamand votées à l’unanimité en 1999 sous Luc Vanden Brande ont été leur feuille de route pour des années. Cela a été une erreur de la part des francophones – et c’est un euphémisme, je devrais même dire une faute politique… – de répéter que l’on n’était demandeurs de rien. Ou en tout cas de ne pas préparer suffisamment les négociations alors que l’on savait qu’ils allaient revenir à la charge.

Avec la sixième réforme de l’Etat, Elio Di Rupo se félicitait d’avoir sauvé la Belgique. Mais il est évident que le sort du pays reste incertain. Le CD&V a d’ailleurs fait part de sa volonté d’ouvrir un nouveau chantier institutionnel en 2024.

La N-VA peut-elle se permettre d’envisager cinq années supplémentaires de statu quo institutionnel ? C’est difficilement imaginable. Son chef de groupe à la Chambre, Peter De Roover, a d’ailleurs déclaré que bien des choses pouvaient se faire en dehors de la Constitution. Une chose est sûre : en soulignant la nécessité de revoir la loi de financement, le président du PS a ouvert une brèche dans laquelle les nationalistes flamands ne manqueront pas de s’engouffrer…

(1) Dernier ouvrage paru : La Wallonie, demain – La solution de survie à l’incurable mal belge, préface de Pierre Verjans, Editions Mols, 2019.

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