Catherine Moureaux en 2014. © Belga

Catherine Moureaux : « C’est pénible d’être ramenée à ‘fille de’ « 

Dans la Maison des Cultures que son père a créé dans une école désaffectée du bas de Molenbeek, Catherine Moureaux est chez elle. L’héritière du nom défend sa légitimité.

Le Vif/L’Express : Inscrite au PS en 2005, candidate effective aux élections en 2009, vous êtes aujourd’hui députée régionale, chef du groupe PS à la Cocof et future tête de liste à Molenbeek aux communales de 2018…

Catherine Moureaux : Si je reviens en arrière, il y a quelque chose qui manque : mes dix années de pratique en médecine sociale. J’y étais bien. Parallèlement, je travaillais à l’université comme chercheuse. J’ai fait deux recherches, dont une qui m’a valu une publication dans Medical Care, qui a le ranking 15 au niveau des journaux médicaux, le top of de world. C’était ça, ma vie. J’étais au contact du quotidien des Bruxellois. Cela m’a donné une vue sur la santé mais aussi la situation sociale et d’éducation des Bruxellois. Parce que j’apportais la médecine sociale et l’expérience du terrain, le parti s’est intéressé à moi. C’est comme cela que je suis venue en politique, via la suppléance, en soutien. Et puis, j’ai eu l’occasion de siéger deux ans. Là, on m’a dit, c’est bien ce que tu fais. Du coup, face à la nécessité de renouvellement du parti, on m’a proposé de figurer en bonne place et, en tant que candidate issue de Schaerbeek, dans les dix premières places de la liste aux dernières régionales. Il y a un peu plus de trois ans, j’avais arrêté de travailler en maison médicale et eu l’occasion de travailler pour Rachid Madrane, qui était alors secrétaire d’Etat bruxellois. Le travail fourni a convenu. Le parti a donc décidé de miser sur la continuité. Pour moi, c’est déplaisant et pénible d’être ramenée à « fille de ».

Vos parents, Philippe Moureaux et Françoise Dupuis, ancienne présidente du parlement bruxellois, ont été fort investis dans la politique. Quel rôle cela a-t-il joué ?

A l’âge de 8 ans, j’ai dit à mes parents : je veux être médecin généraliste. C’est sans doute là qu’ils m’ont le plus influencée. J’avais l’impression que je devais à la fois être utile et approcher les choses de manière complexe et sociale. La politique, ce n’est pas un style de vie très amusant. Il y a beaucoup de fantasmes.

Pensez-vous avoir le goût du pouvoir ?

Mon mode de pouvoir est la conviction. C’est quelque chose qui n’a pas nécessairement sa place dans le monde politique tel qu’il est. Qui vivra verra.

Quels sont vos projets pour la commune de Molenbeek ?

Réconcilier la gestion communale avec ses habitants. Les gens ne se sentent pas représentés. Ils ont l’impression qu’on fait la politique sur leur dos, sans consultation, sans pouvoir à aucun moment interagir. Un des reproches les plus répétés à Madame Schepmans (NDLR, l’actuelle bourgmestre MR), c’est de ne pas ouvrir son bureau, de ne pas avoir de permanence. Molenbeek est une commune avec beaucoup d’enjeux différents. Pour les appréhender, il faut avoir non seulement une vision claire des choses mais aussi des compétences techniques. Malheureusement, j’ai l’impression que la majorité en place n’a ni l’une ni l’autre. Peu de vision, peu de compétence. C’est très difficile.

La commune est réputée être un incubateur de radicalisme. La gestion de votre père y est-elle pour quelque chose ?

Il y a là une difficulté d’image pour Molenbeek. La raison pour laquelle cela s’est focalisé sur Molenbeek, j’ai du mal à l’expliquer. Jan Jambon, ministre de l’Intérieur, a décidé d’accorder un million d’euros de plus à la prévention du terrorisme et il le fait sur dix communes : six en Flandre et quatre à Bruxelles, dont Molenbeek. Je suis en train de finir le livre de Montasser Alde’emeh, Pourquoi nous sommes tous des djihadistes. C’est très intéressant, il parle de gens qui viennent d’Anvers, pas du tout de Molenbeek. Dans l’imaginaire francophone, c’est comme s’il fallait désigner une commune qui porte ce fardeau, et c’est Molenbeek. Les politiciens et les médias ont une part de responsabilité dans cette image désastreuse. On a quand même deux champions : pour Schepmans, Molenbeek, c’est Peshawar et on a Reynders qui dit qu’il suffit d’aller à Molenbeek pour être à l’étranger ! Ce n’est pas de l’ordre de la réparation, de la création du lien social, c’est le contraire. Ce sont des thématiques sérieuses, qu’il faut gérer au niveau international.

Compte tenu de la sociologie de la commune, le PS n’aurait-il pas dû miser sur un ou plusieurs candidats d’origine marocaine, comme Jamal Ikazban, par exemple ?

Demandez aux électeurs et aux habitants ! Sur le nombre de voix obtenues à Molenbeek aux régionales, c’est moi qui en ai le plus. C’est 30 % de plus que celui que vous citez. J’ai juste fait une proposition réfléchie, énoncée de manière très claire, de venir à Molenbeek, et pas pour y faire de la figuration. La section n’avait pas un couteau sur la gorge. Les militants socialistes, y compris les principaux militants dont vous parlez, l’ont approuvée.

Le vote s’est fait à main levée, et il y avait très peu de militants, 63 dont 58 en votre faveur…

So what ?

C’est toujours comme cela que se passent les votes sur les personnes ?

Je ne suis pas sûre que cela arrive souvent. La tradition veut que, sur les personnes, le vote soit secret. Maintenant, si personne ne l’a demandé…Je pense qu’il y a eu une discussion là-dessus et que cette méthode n’a pas été choisie. Je n’étais pas présente.

Aux dernières régionales, vous avez fait un bon score, 5 083 voix de préférence. Est-ce la magie du nom Moureaux ?

Je suis une des personnalités qui fait une des scores les plus homogènes sur l’ensemble de la Région. Je suis, au départ, une régionale de l’étape, dans le sens où j’ai des attaches dans le sud, dans l’ouest, dans l’est, au centre…

Une autre personnalité marocaine en vue aurait pu briguer le poste de bourgmestre à Molenbeek, Ahmed Laaouej. Pourquoi pas lui ?

Il ne m’en a pas parlé.

Faut-il appartenir à un certain entourage, celui de votre père, de Laurette Onkelinx, pour faire carrière au PS bruxellois ?

C’est toujours un peu particulier… Moi, je suis « fille de », même après 5 000 voix, dans le top 20 à Bruxelles ! A un moment donné, il faut que ça s’arrête. Les « fils et filles de », il y en a plein dans le paysage politique belge. Si vous voulez la théorie de Bourdieu et Passeron, Les héritiers, effectivement… Mais en médecine, c’est pire. C’est quelque chose contre lequel je m’élève en tant que « fille de ». Alors les clans, aujourd’hui, je ne sais pas. Vous me placez où ?

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