Caterpillar : le retour de la semaine des 4 jours

La semaine des 4 jours est une idée qui ne date pas d’hier. En France, celui qui lui redonne vie est Pierre Larrouturou, journaliste et homme politique qui dans  » Ça ne peut plus durer  » (Seuil 1994) jette les bases de la semaine des 4 jours payées 5. Un an avant, il a créé le Comité d’action pour le passage rapide aux 4 jours sur 5 (Cap4J/5).

Selon lui, le concept devrait mathématiquement résoudre le problème des millions de Français en chômage structurel à propos duquel quelques années plus tôt, en 1993, François Mitterrand avait lancé le funeste « On a tout essayé ». Imaginons en effet 30 millions d’actifs réduisant d’un cinquième leur temps de travail, ils libéreraient théoriquement 6 millions de postes.

Une équation simpliste ? Si certains tentent l’aventure au niveau micro, l’idée du partage du temps de travail débouchera chez nos voisins, au niveau macro, sur un compromis particulièrement bancal : la semaine des 35 heures.

Nicolas Sarkozy les pourfendra avant son arrivée à l’Elysée et pendant. Pour le bouillant ténor de droite, les lois Aubry sont une parfaite idiotie. Place à un autre slogan : « Travaillez plus pour gagner plus ». A savoir : plus on travaille, plus on crée de l’activité, plus celle-ci, à son tour, crée des emplois. Imparable. Toutefois, avec la crise financière de 2007-2008, plusieurs Français ont l’impression de « travailler plus pour gagner moins », titre de Une du Monde diplomatique de l’époque.

Le partage du temps de travail a toujours été une ligne de crête entre droite et gauche. Après le combat de haute lutte pour le repos dominical obtenu en 1905, la semaine horaire n’a cessé de baisser au cours du 20e siècle. Nos 38 heures (ou 37, 3/4) sont considérées comme l’aboutissement logique d’un progrès social naturel qui doit se poursuivre.

Il n’est donc pas étonnant que la semaine de 4 jours séduise surtout à gauche. A chaque licenciement de masse, on la ressort comme solution à la crise.

Il n’est pas impossible d’ailleurs qu’une baisse drastique du temps de travail finisse par s’imposer avec la digitalisation du monde du travail qui, avant de supprimer la moitié des jobs, pourrait nous amener à cette civilisation du loisir tant attendue depuis les années 60. On vaquerait à nos occupations pendant que des machines (quelles que soient leurs formes) travailleraient pour nous. Une taxe sur celles-ci financerait une allocation universelle dont profiteraient les nouveaux oisifs…

En attendant, si la semaine des 4 jours est une solution pour lutter contre le burnout qui affecte une partie substantielle des 350.000 personnes en incapacité de travail, il est moins évident qu’elle puisse vraiment créer beaucoup d’emplois. La plupart des 4/5e, aussi heureux soient-ils (et soit dit en passant payés 20% moins cher), constatent qu’ils en font autant en 4 jours qu’en 5. Ils découvrent bien souvent le lundi une pile de tâches que personne n’a réalisées pour eux le vendredi. Il n’est pas si simple de déléguer ou de couper un job en 5 en donnant 4x 1/5e à un chômeur. En outre, quelle carrière peut-on espérer ? Ne vous confie-t-on pas systématiquement des tâches subalternes ? Quels droits à la pension ? Ces questions sont évoquées à intervalle régulier à propos du partage du temps de travail.

Ne renonçons pas trop vite à l’investissement étranger à venir (Les Etats-Unis restent un investisseur de premier ordre en Wallonie) et, bien sûr, boostons les PME qui ne reçoivent pas paradoxalement les mêmes aides en proportion des nombreux emplois qu’elles créent. Prêtons à risque à de jeunes pousses entrepreneuriales pour qu’ils puissent mener à bien leur projet.

Faire rembourser les multinationales ou saisir leur terrain lorsqu’elles licencient violemment des milliers de travailleurs paraît séduisant (ce que l’on voit). Mais il ne faudrait pas que des mesures de rétorsion dissuadent de futurs investisseurs de s’installer dans nos régions (ce que l’on ne voit pas). Il faut que cesse cette surenchère politique stérile et électoraliste : à celui qui sera le plus viril face aux dirigeants-voyous de Caterpillar.

Alors qu’on les somme de s’expliquer à la Chambre, déjà la Flandre rappelle qu’elle connaît une pénurie de main-d’oeuvre. La région de Courtrai, proche du Hainaut, affiche 4% de chômeurs et emploie déjà 12.000 Français et 6.000 Wallons. Ils seraient 30.000 en Flandre occidentale. Et rares sont ceux qui pratiquent la langue de Vondel. Les qualifications des ouvriers de Caterpillar suscitent la convoitise ? Tant mieux !

Même si le MR s’y met aussi, des recettes pragmatiques sont souvent plus efficaces que des grands bouleversements de l’organisation du travail.

Non, M. Mitterrand, on n’a pas tout essayé…

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