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Carl Devos: « Une coalition avec la N-VA, le CD&V et l’Open VLD est toujours possible »

Le politologue Carl Devos (Université de Gand) nuance les analyses qui ne voient aucune ouverture entre la N-VA d’une part et l’Open VLD et le CD&V d’autre part. « Ne sous-estimez pas la créativité et l’intelligence politique à concilier l’inconciliable ».

Les réactions de l’Open VLD et du CD&V aux propositions de la N-VA relatives au confédéralisme et au programme socio-économique sont très fermes. Le président du CD&V Wouter Beke a déclaré qu' »il n’y aurait pas de négociations sur le confédéralisme de la N-VA ». En outre, il estime que le programme socio-économique des nationalistes flamands ne correspond pas à son programme chrétien-démocrate.

Les libéraux de Gwendolyn Rutten voient des « points communs » sur le plan socio-économique, mais disent ne pas vouloir perdre de temps en discussions sur une réforme de l’état. Patrick Dewael souhaite se concentrer sur l’exécution de la sixième réforme de l’état.

Selon les commentateurs, une coalition entre la N-VA, le CD&V et l’Open VLD n’est donc pas prête d’aboutir. Dans une interview avec nos confrères de Knack.be, Carl Devos explique que selon lui, une coalition entre ces trois partis est toujours possible.

Le réalisme politique, la créativité, concilier l’inconciliable: pouvez-vous nous expliquer ce que signifient ces termes?

Carl Devos: « La loi de financement reprise dans l’Accord Papillon prouve qu’en Belgique la créativité est très grande. Les négociateurs avaient dressé la liste desdits « principes apostoliques » : il fallait que les états fédérés reçoivent davantage de moyens, l’état fédéral devait être redéfini et personne ne pouvait s’appauvrir. Cela semblait inconciliable, mais l’intelligence politique dans cette loi de financement s’est avérée impressionnante ».

Il est donc possible de concilier les exigences claires de la N-VA en matière de confédéralisme avec le rejet tout aussi limpide du CD&V et de l’Open VLD ?

Carl Devos: « Il faut encore voir si le CD&V et l’Open VLD « ne veulent pas en parler une seconde » en cas de bons résultats de la part de la N-VA. Même si cela ressemble à de la science-fiction politique, il n’est pas exclu que l’accord gouvernemental contienne une courte déclaration stipulant qu’une prochaine réforme de l’état doit être basée sur l’article 35 de la Constitution : à l’avenir, les états fédérés doivent être compétents pour tout, sauf pour les compétences explicitement attribuées à la Belgique. Cet accord devra éviter les termes de « confédéralisme et de fédéralisme ».

Ensuite, le Sénat fondera une commission pour établir une feuille de route contenant un transfert de compétences à instaurer avant les élections de 2019. Tout cela n’est pas à exclure ».

Pourquoi pensez-vous cela? Le ton de la N-VA est dur et celui de l’Open VLD et du CD&V est ferme.

Carl Devos: « Je vois plus de portes ouvertes que ce que l’on pourrait croire à première vue. La direction de la N-VA entrouvre elle-même la porte. Le président Bart De Wever dit qu’il ne laissera passer aucune occasion pour constituer un gouvernement de redressement. Ben Weyts déclare qu’il « faudra mettre au moins quelque chose du confédéralisme » et Jan Jambon affirme que le parti est prêt à procéder par étapes. Ces propos témoignent d’une certaine souplesse et de créativité ».

Et quelles portes ouvertes voyez-vous du côté de l’Open VLD et du CD&V ?

Carl Devos: « Même si le CD&V oppose un confédéralisme « positif » au confédéralisme de la N-VA, ses membres continuent de parler de confédéralisme. C’est un choix conscient qui révèle leur volonté de négociation. Tant que ce point fait partie de leur programme, la porte est entrouverte. Kris Peeters a déclaré à l’Université de Gand qu’un accord pourrait être trouvé avant 2019. La sixième réforme de l’état doit se terminer aux alentours de 2017-2018. Cela donne encore un an aux partis du gouvernement pour négocier une nouvelle réforme de l’état ».

« L’Open VLD ne mentionnera pas le confédéralisme dans ses nouveaux textes, mais laisse une ouverture socio-économique. Qui dit que les libéraux ne seront pas prêts à passer rapidement sur la discussion institutionnelle, si le tout est formulé intelligemment ?

« Je veux cependant souligner que je ne dis pas que cette coalition se fera de toute façon. Connaissant la pragmatique politique, il est tout simplement trop tôt pour l’exclure ».

Qu’est-ce qui pourrait faire obstacle à cette coalition anversoise au niveau fédéral ?

Carl Devos: « La souplesse nécessaire pour former cette coalition sera difficile à trouver à la N-VA. Elle dépendra de leur état d’esprit. S’ils obtiennent un résultat impressionnant, pensez au 40% de Geert Bourgeois, ils pourront imposer leur confédéralisme. S’ils réalisent simplement un bon score, sous la norme de 30% de Bart De Wever, ils réaliseront peut-être qu’ils ne peuvent pas exiger le confédéralisme. Dans ce cas, ils choisiront peut-être un gouvernement fédéral qui leur permettra de faire passer leur programme socio-économique, car ce sera ça ou 5 ans d’opposition.

Vous ne vous attendez pas à ce que la N-VA obtienne 40 %?

Carl Devos: « Cela me semble effectivement peu probable. Mais un score élevé, de 30% ou un peu moins, pourrait aider davantage De Wever à convaincre ses membres que 40%. En effet, s’ils n’obtiennent « que » 30% c’est au profit des membres pragmatiques. De toute façon, 2014 reste un défi pour De Wever. Même si actuellement la N-VA rassemble plus de monde que le CD&V, le CD&V reste le seul parti du peuple. Il couvre le centre gauche et le centre droit, alors que la N-VA est clairement de centre droit ».

En Flandre, les textes de congrès de la N-VA ont clarifié et mis certaines choses en marche. Quid de la Belgique francophone ?

Carl Devos: « Le seul parti à tirer profit des propositions de la N-VA est le PS. Celui-ci est maintenant considéré comme le seul tampon crédible contre la N-VA. Le PS est malmené par le PTB. Maintenant le PS peut dire : « Ceux qui nous affaiblissent parce que nous sommes trop peu à gauche, risquent un gouvernement encore plus à droite avec la N-VA ». Le PS a déjà perdu beaucoup de plumes, mais peut à nouveau se positionner contre le MR par exemple. Didier Reynders ne peut vraiment pas se permettre de jouer au sympathique en Wallonie et à Bruxelles avec son « ami » De Wever.

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