Paul Magnette et Bart De Wever © Belga

Carl Devos : « Le veto de Paul Magnette revêt une importance historique »

Kamiel Vermeylen Journaliste Knack.be

Après le veto du président du PS, Paul Magnette, la formation du gouvernement fédéral est à nouveau en miettes. « Contrairement à ce que prétend Koen Geens (CD&V), son parti a les clés de la crise entre les mains », explique le politologue Carl Devos (Université de Gand).

Suite au veto du président du PS Paul Magnette (PS), Koen Geens (CD&V) a démissionné de son poste de chargé de mission royal. Lundi, le président de la N-VA Bart De Wever s’est indigné de la manoeuvre de son collègue wallon et a appelé CD&V et Open VLD à former un front flamand. Cependant, les deux partis ont répondu tièdement à l’invitation de De Wever.

Ce qui est clair, c’est qu’une coalition entre le PS et la N-VA ne semble pas pour tout de suite. La balle est maintenant dans le camp du CD&V et de l’Open VLD. Les deux partis opteront-ils pour la « coalition Vivaldi » ? Ou bien allons-nous vers de nouvelles élections ? L’avis du politologue Carl Devos (Université de Gand).

Lundi, Bart De Wever a de nouveau souligné que la N-VA veut faire partie du gouvernement fédéral. Tout le monde n’en est pas convaincu.

Moi oui. Après le 26 mai, le parti a dû choisir entre la peste et le choléra. Mais il est beaucoup plus difficile d’être dans l’opposition, où ils seront non seulement éclipsés, mais aussi associés au Vlaams Belang. Le risque est bien trop grand que le Vlaams Belang souffle les votes à la N-VA et aux partis au pouvoir. De plus, dans ce scénario, la N-VA risque de se radicaliser. De Wever est un frein à cette évolution d’une certaine aile de son parti, mais tôt ou tard le président passera le flambeau.

De Wever a encore augmenté la pression sur le CD&V et Open VLD. Il espère que les démocrates-chrétiens « s’en tiendront à leurs principes » et que les libéraux renonceront à une coalition avec le PS.

Dans la perspective des élections, la frontière entre le langage de campagne et l’analyse est évidemment devenue très mince. Le CD&V et l’Open VLD ne veulent plus être considérés comme une dépendance de la N-VA. Mais depuis les élections, De Wever force les deux partis à un choix difficile. S’ils forment un front flamand, alors De Wever se présente à nouveau comme l’homme qui tire les ficelles. Si les démocrates-chrétiens et les libéraux optent pour une coalition Vivaldi, le président de la N-VA prétendra qu’ils le trahissent.

Il attend avec impatience de voir ce que fera le CD&V. Contrairement à ce que prétend Koen Geens, son parti a les clés en main. Si les démocrates-chrétiens optent pour une coalition Vivaldi, alors nous sommes partis. Si le parti refuse, l’Open VLD ne participera pas non plus. Mais les démocrates-chrétiens sont humiliés et blessés par Magnette. Il faudra du temps pour lisser les plis.

Quel sera l’effet sur le gouvernement flamand si CD&V et Open VLD choisissent Vivaldi ?

Bien sûr, les fractions fédérales des deux partis sont plus disposées à former une coalition Vivaldi que leurs homologues flamands. Pour les deux partis, il s’agira principalement d’une question de contenu. En tout état de cause, le CD&V est en excellente position pour vendre chèrement sa peau pendant les négociations. Si, par exemple, le parti est capable de faire respecter des garanties sur des questions éthiques, il y aura une discussion au sein du parti pour savoir s’il ne devrait pas faire le grand saut. Il en va de même pour l’Open VLD pour les questions économiques.

De Wever souligne que les programmes socio-économiques des partis francophones ne sont pas conformes aux résultats des élections en Flandre. Est-ce exact?

Non, bien sûr, cela nuit à la réalité. Le président de la N-VA manipule l’interprétation des résultats des élections depuis le jour du scrutin. Sur le plan socio-économique, la Flandre a plutôt opté pour une voie plus à gauche. Les politiciens parlent souvent au nom des « Flamands », alors que le plus grand parti représente tout au plus un quart des Flamands.

Comment le gouvernement Michel a-t-il pris fin ? Par une querelle entre les partenaires de la coalition flamande, et non par un affrontement entre la Flandre et la Wallonie. Cependant, il est vrai que la Wallonie a opté de manière beaucoup plus convaincante pour une orientation à gauche que la Flandre. En ce sens, la traduction politique de la manière dont le Flamand et le Wallon moyens ont voté s’est encore polarisée.

Ici et là, on a l’impression que la campagne électorale a recommencé. Mais dans quelle mesure cette piste est-elle réaliste ?

Pour l’instant, le moment n’est pas encore venu. Mais plus on se rapproche de la période estivale, plus cette option devient probable. Le mois de mai sera un mois crucial. Pas tant à cause du symbolisme, mais à cause du côté pratique des choses. Traditionnellement, aucune élection n’est organisée en Belgique pendant les mois de vacances. Le Parlement doit donc être dissous en mai pour pouvoir se rendre aux urnes en juin. Contrairement à 2010 et 2011, où nous avons établi le record mondial de formation d’un gouvernement, nous ne sommes actuellement nulle part. S’il n’y a toujours pas de zone d’atterrissage en vue en mai, les partis doivent prendre leurs responsabilités et organiser de nouvelles élections. Sinon, nous battrons notre propre record mondial, ce qui est totalement inacceptable.

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