« C’est parce que la SNCB est trop importante pour notre société qu’elle n’est pas encore en faillite »

Le gouvernement Michel n’arrive pas non plus à résoudre les problèmes de la SNCB : le pouvoir des syndicats reste grand, la politisation augmente au lieu de diminuer. La société des chemins de fer tiendra-t-elle jusqu’en 2025 ?

Il est rare qu’on attende si peu d’un nouveau CEO que de Sophie Dutordoir à la SNCB. Cette semaine, l’ancienne patronne d’Electrabel, qui a également tenu une épicerie fine, succède à Jo Cornu à la tête de la plus lourde de nos entreprises publiques. Ces derniers 3,5 ans, Cornu a souligné le problème à plusieurs reprises : la SNCB est trop chère. Une étude de 2015 révèle qu’en moyenne elle consomme 110 millions euros de plus que les sociétés de chemins de fer étrangères comparables alors que la qualité de son service est moins bonne. Cornu nomme les problèmes, mais il n’a pratiquement rien fait. Dutordoir réussira-t-elle ? Personne n’y croit vraiment.

C’est parce que la SNCB est trop importante pour notre société qu’elle n’est pas encore en faillite

Quand le gouvernement Michel est entré en fonction en 2014, il a promis de faire cesser le gâchis aux chemins de fer. Malgré tout, la situation financière y reste catastrophique. En 2004, l’état a encore repris une dette de 7 milliards d’euros, aujourd’hui le déficit de la SNCB et le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire Infrabel atteignent à nouveau 5 milliards. Elles survivent grâce à 3 milliards d’euros de subsides publics. Même en les ajoutant, la SNCB perd plus d’argent par jour qu’elle n’en gagne. Une entreprise privée normale aurait été déclarée en faillite depuis longtemps. Il n’y a qu’une seule raison pour laquelle ce n’est pas le cas de la SNCB : elle est trop importante pour notre société : too big to fail.

D’ici la fin 2019, Infrabel et la SNCB doivent économiser 663 millions d’euros, mais en même temps le gouvernement a prêté un milliard aux chemins de fer. Cet argent, qui s’ajoute à la montagne de dettes de 5 milliards d’euros, doit permettre de terminer la partie wallonne du Réseau Express Régional (RER) autour de Bruxelles. Les partenaires flamands de la coalition ont consenti, même si Infrabel a gelé les investissements de chemins de fer en Flandre, parce qu’il n’y a presque pas d’argent – à moins que la Flandre l’avance. Que les partenaires de la coalition aient approuvé l’emprunt d’un milliard peut aussi être vu comme une faveur au premier ministre Charles Michel (MR) et au ministre de la Mobilité François Bellot (également du MR) qui veulent redorer leur blason. Entre-temps, on attend toujours un nouveau contrat de gestion entre l’état et la SNCB. Celui-ci aurait dû être établi depuis longtemps.

Avec plus de 30 000 employés et un enchevêtrement de filiales (immobilières) les chemins de fer ont toujours servi de faire-valoir aux projets d’infrastructure prestigieux exhibés par les politiques locaux. Cela n’a pas changé. La N-VA compte pas moins de 5 administrateurs : 3 chez Infrabel et 2 à la SNCB – alors que c’est justement ce genre de nominations que le parti reprochait au PS et auxquelles il avait promis de mettre fin. À la SNCB, Marc Descheemaecker a été nommé administrateur alors qu’il a été CEO de 2005 à 2013 et qu’il a laissé un trou de deux milliards. Dans son livre « Dwarsligger » (qui signifie à la fois « traverses » et  » empêcheur de tourner en rond »), Descheemaecker, qui préside le Conseil d’administration de la société de bus De Lijn, se demande : « Pourquoi ne pas fonder deux opérateurs multimodaux où la SNCB en Flandre fusionne avec De Lijn et en Wallonie avec la TEC » On peut se demander si c’est ça qui sauverait la SNCB.

Et puis il y a encore les syndicats des chemins de fer. Le gouvernement Michel a supprimé la base légale aux petits syndicats – comme les machinistes – pour faire grève. Il n’ose pas toucher à la toute-puissance des grands syndicats. C’est ce que révèlent clairement les atermoiements sur le service minimum – encore une mesure proposée par l’équipe du gouvernement actuel. Fin du mois, le ministre Bellot souhaite faire une proposition sur le service garanti en cas de grèves, mais ce ne serait pas la première fois qu’elle est reportée. À présent qu’ils sentent le souffle chaud du PTB-PVDA, les syndicats n’ont pas besoin de grand-chose pour paralyser une nouvelle fois le pays.

Entre-temps, l’heure tourne. En 2023, les chemins de fer seront libéralisés et la SNCB pourra être concurrencée. D’ici là, il y aura également une évaluation de la société de chemins de fer. « Si la SNCB n’atteint pas la moyenne européenne d’ici là, elle n’existera plus en 2025 », déclare François Bellot. Dans le meilleur des cas, la SNCB sera reprise par un acteur étranger, comme cela été le cas pour notre fierté nationale qu’était la Sabena.

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