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Budget à la Chambre : « Frustrés », « égoïstes », « obsédé »…

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Allez quoi, c’est bientôt Noël. Entre députés de la majorité et de l’opposition, une des dernières occasions de se complimenter et d’échanger quelques mots doux avant de se séparer et de se donner rendez-vous l’année prochaine pour de nouvelles aventures. Florilège de saillies glissées sous le sapin de la Chambre.

Fin d’année, débat parlementaire autour du budget 2018 du gouvernement fédéral et des politiques menées par ses différents ministres. Le degré zéro du suspense. L’affaire est pliée d’avance, l’issue de l’affrontement entre majorité et opposition ne faisait aucun doute. Mais l’un ou l’autre élu, voire un ministre, saisit toujours ce genre d’occasion pour livrer le fond d’une pensée, exprimer une façon de concevoir les choses. Ou lâcher une ultime vacherie avant de passer les fêtes en famille, la conscience tranquille.

Johan Van Overtveldt (N-VA), ministre des Finances, connaît sa matière. Le grand argentier est incollable sur les forces qui régissent notre économie. Cette fois encore, il a fait preuve d’un sens certain de la pédagogie pour rappeler aux députés présents quelques éléments de la science économique qui échappent manifestent toujours à certains. Soudain, tout devient d’une clarté aveuglante dans la bouche du ministre : la richesse d’un pays, c’est une affaire de secteur public et de secteur privé. Le public (50% de notre PIB tout de même, rappelle Van Overtveldt), « c’est ce qui coûte. » Et le privé, c’est ce qui rapporte, « là où se trouve la valeur ajoutée ». En somme, il y a le mauvais camp qui pourrit toujours la vie du bon : à bien décoder son ministre des Finances, on comprend vite que la suédoise (N-VA – MR – CD&V – Open VLD) a choisi le sien.

La semaine de 32 heures ? Quels égoïstes, ces francophones

Patrick Dewael, chef de groupe Open VLD et porte-parole de la majorité, a le rouge au front lorsqu’il confesse devant l’assemblée cette vérité dure à dire : « Je le dis avec une certaine gêne, mais les recettes des impôts sur la fortune n’ont encore jamais été aussi élevées que sous ce gouvernement de centre-droit ». Et l’on voudrait encore faire payer la crise aux riches, par-dessus le marché ?

Hendrik Bogaert est ce député CD&V qui a récemment avoué sur un plateau de télé flamande la désagréable impression qu’il ressent à voir la mentalité sud-européenne des pays dits du Club Med s’infiltrer au sein du gouvernement fédéral après un crochet par la Wallonie et Bruxelles. Devant ses pairs, l’élu de Flandre occidentale a jugé de son devoir d’en rajouter une couche : « Il existe en Wallonie une majorité favorable à la semaine de travail de 32 heures. » Ce constat acté, l’ex-secrétaire d’Etat dans le gouvernement Di Rupo s’est mis à compter : 20% de temps de travail en moins, c’est 20% de croissance économique en moins, donc 20% de ressources en moins pour les soins de santé, les pensions et autres dépenses publiques à financer. Coût de ce gros caprice : 42 milliards d’euros, l’équivalent du montant des dépenses publiques fédérales, Sécu comprise. A l’aise, les gars : « en Belgique francophone, tout le monde en parle comme si c’était ainsi ». Bande d’égoïstes, va : « C’est une proposition très égocentrique parce que plusieurs provinces, pas seulement en Flandre mais aussi en Wallonie, sont confrontées à une grave pénurie de main d’oeuvre. »

Il en faut beaucoup pour mettre Georges Gilkinet de méchante humeur mais là, c’est plus que l’élu Ecolo de l’opposition ne pouvait endurer : « Monsieur Bogaert, vous êtes un insupportable caricaturiste. Ce n’est pas parce que vous vous cachez derrière une cravate et un beau costume que vous pouvez tenir des propos aussi populistes ! » Ahmed Laaouej, chef de groupe PS, s’interroge, lui aussi : « Monsieur Bogaert, je ne sais pas quels sont vos frustrations et pourquoi vous avez des obsessions. Ce que vous faites subir à Monsieur Gilkinet, vous me l’avez fait subir également. A un moment donné, sortez de vos obsessions ! » Surtout lorsqu’elles seraient si mal placées.

Le chef du parti des travailleurs qui n’a jamais travaillé

Au fait, il est où le big boss dans tout ce cirque ? Marco Van Hees, député PTB, voyait évidemment que le Premier ministre Charles Michel (MR) brillait par son absence dans l’hémicycle la semaine dernière, « excusé » pour cause de sommet à Paris. Mais l’élu rouge vif ne s’arrête plus au menu fretin : lui, il vise plus haut, toujours plus haut. « Il manque aussi, je pense, le chef du premier ministre. Je ne parle pas de Bart De Wever, bien sûr. Je parle du vrai chef ! Encore au-dessus ! » Brouhaha dans l’assistance, une voix féminine s’élève depuis les bancs ministériels : « La FEB ? », ose, peut-être sans vouloir trop y croire, la ministre du Budget Sophie Wilmès (MR). Bingo élève Wilmès, gratifiée d’un 10/10 par maître Van Hees.

Mais dans la classe libérale, le condisciple Jean-Jacques Flahaux (MR) conteste l’autorité professorale : « Quand une mesure est adoptée, vous considérez qu’elle ne bénéficiera qu’à celle que vous surnommez le « chef » de Charles Michel, c’est-à-dire la FEB. Est-ce que je vous demande si votre chef, ce sont Kim Il-sung et tous ses descendants ? Nous en avons marre ! J’ajoute que vous êtes des frustrés ».

Frustrés au PTB, et en prime menés par un chef qui n’a jamais rien fait de ses deux mains et de ses dix doigts, explose le voisin Richard Miller (MR) : « Il me semble que le sommet de l’hypocrisie est le fait que la grande figure et porte-parole du PTB qui dicte aux travailleurs ce qu’ils doivent faire, énonce leur façon de souffrir, la pénibilité du travail, le fait de se lever tôt le matin à 5 heures, d’aller travailler toute la journée et de subir les horreurs que lui impose un patron, M. Hedebouw a reconnu, devant la presse, qu’il n’avait jamais travaillé de sa vie. » Belle mentalité pour un parti des travailleurs.

Allez sans rancune, et meilleurs voeux quand même.

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