Yves Desmet

Bruxelles mérite mieux

Chaque fois que quelqu’un tente d’engager un débat sur les problèmes que Bruxelles rencontre comme grande ville et surtout sur la ceinture de pauvreté autour du canal, Philippe Moureaux est là pour lui clouer le bec.

Rarement le socialiste oppose des arguments solides à ses contradicteurs, presque toujours il les insulte. Aujourd’hui, un journaliste de la RTBF est sa victime toute trouvée. Un reportage honnête a aussitôt été qualifié d’islamophobe. Pareille attitude n’est pas inconnue en Flandre. Chez nous aussi, il fut de bon ton de faire silence sur le fondamentalisme islamiste et sur la criminalité ou l’insécurité, de crainte d’être pris pour un partisan du Vlaams Belang. Fort heureusement, nous avons dépassé le stade du « politiquement correct ». Cela a contribué, entre autres raisons, à la réduction du poids du Belang.

Mais le débat n’est pas du tout idéologique, il s’appuie sur les faits. La population bruxelloise, par exemple, a crû de 150 000 personnes depuis 2003. Parmi elles, il y a 90 % d’habitants d’origine musulmane allochtone peu ou pas instruits, et 60 à 70 % d’hommes au chômage. Le nombre de personnes en situation illégale est estimé à 110 000, dont la moitié vivent à Bruxelles.
Bruxelles est un vase clos institutionnel, elle est la seule grande ville au monde qui ne puisse s’étendre. Il en découle des tensions sociologiques qu’il est difficile de comprendre en province. La densité de la population dans les 19 communes bruxelloises est 26 fois supérieure à celle du reste du royaume. Celles-ci forment un des territoires les plus peuplés du monde. A Saint-Josse-ten-Noode, la densité est 68 fois plus importante que la moyenne !
Au sein de cette population croissante, le manque d’accès à l’instruction, au logement et au marché du travail nourrit les frustrations. L’extrémisme et la criminalité en sont les conséquences naturelles.

Le Bureau du Plan prédit une croissance de la population encore plus forte au cours des prochaines années. Ce sont là des faits et des constatations, à mille lieues des considérations théoriques ou idéologiques. Certains élus bruxellois sont même aveugles devant la réalité vécue à Bruxelles, ils en arrivent immédiatement aux invectives. Béatrice Delvaux, du Soir, avait parfaitement raison quand elle faisait savoir, la semaine passée, qu’ « on ne protège pas les gens par la menace de l’omerta et la négation des faits, mais qu’au contraire on hypothèque leur avenir ».

C’est une illusion de croire qu’on puisse résoudre les problèmes en traitant d’islamophobes ou de racistes tous ceux qui refusent de les éluder. C’est une illusion de croire qu’on puisse venir à bout des difficultés à Bruxelles en perpétuant 19 petites baronnies, dont les maïeurs se soucient davantage de leur réélection que de la recherche de solutions durables pour le bien des communautés qu’ils sont censés administrer.

Encore heureux que, désormais, le débat est aussi ouvert du côté francophone, même au sein du PS, où Moureaux doit faire face, pour la première fois, à quelques résistances. Car Bruxelles mérite mieux que des édiles qui se mettent la tête dans le sable, comme des autruches. Dommage que, depuis des années, les solutions se fassent attendre. Il est déjà trop tard.

Yves Desmet Editorialiste au Morgen

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