Life is Wonderpoule fournit aux particuliers un " pack " pour élever des poules. © DAINA LE LARDIC

Bruxelles en 2035 : 30 % de produits locaux, sains et de qualité ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Projets d’agriculture urbaine, développement d’une nouvelle culture alimentaire, mesures contre le gaspillage des denrées… Les initiatives se multiplient à Bruxelles pour créer un vaste réseau d’alimentation durable.

Bruxelles en 2035. La ville produit un large éventail de fruits et légumes qui couvrent près d’un tiers des besoins des habitants. Avec ses innombrables potagers, ses toitures d’immeubles et de parkings recouvertes de cultures, elle dispose d’une production alimentaire performante et créatrice d’emplois, qui s’est développée au fil d’initiatives innovantes. Le système fait partie d’un processus d’économie circulaire où le gaspillage des denrées est devenu quasi inexistant. Chaque Bruxellois, et pas seulement les  » bobos « , a accès à une alimentation locale, saine et équilibrée.

Une vision très utopiste ? A voir. Le paysage bruxellois témoigne de l’engouement des citoyens pour cultiver leur propre récolte. De quelques mètres carrés de potagers aux petites cultures de plantes aromatiques, 22 % des habitants de la ville développent déjà une production familiale. Entre 2014 et 2017, la surface potagère bruxelloise aurait doublé, selon les estimations de la Région. Plus de 260 potagers individuels ou collectifs y sont entretenus. Ces derniers sont gérés par des comités d’habitants, des écoles, des CPAS, des entreprises, des associations… pour beaucoup soutenus via des appels à projets. Les espaces disponibles ne manquent pas : friches, toitures, caves, parkings inoccupés…

Fermes urbaines en toiture

La demande de produits locaux, sains et de qualité, explose à Bruxelles, et les initiatives se multiplient pour y répondre. A Neerpede et dans la vallée du Vogelzang, à Anderlecht, a démarré le projet BoerenBruxselPaysans, dispositif phare de la transition vers une agriculture urbaine durable et les circuits courts. Financé majoritairement par le Fonds européen de développement régional (6 millions d’euros), il est piloté par Bruxelles Environnement et mené en partenariat par quatre associations. L’un des volets, Graines de paysans, permet à de jeunes agriculteurs de tester pendant deux ans leur nouvelle activité, avec un accompagnement technique et économique.

De son côté, la start-up bruxelloise Peas & Love développe le concept de fermes urbaines sur les toits de la capitale et au-delà. Une première expérience est en cours sur la toiture du comptoir privé Caméléon, à Woluwe-Saint-Lambert. Le principe ? Chaque semaine, les deux cents familles qui y louent un espace potager viennent récolter ce que les pros du maraîchage ont semé pour elles. Coût de l’opération : 30 euros par mois pour la location de la parcelle et une cotisation annuelle de 100 euros.

Les conseils de  » maîtres Frigo  »

Sans doute plus aventureuse est la jeune entreprise bruxelloise Little Food, spécialisée dans la production, la préparation et la promotion du grillon en tant qu’aliment. La start-up vient d’ouvrir sa ferme insolite de 500 mètres carrés et vend sa production d’insectes dans les magasins bio. Original aussi est le projet Life is Wonderpoule, financé par le crowdfunding : l’asbl fournit aux particuliers – avec ou sans jardin – et aux collectivités un service qui inclut la livraison d’un poulailler, de poules pondeuses, de grain, de paille et des conseils sur l’élevage de la poule. Dans la logique circulaire, ces poules permettent de réduire la quantité de déchets organiques et créent deux ressources : la production d’oeufs frais locaux et d’engrais. Coût du  » pack  » : 450 euros pour 2 poules, 690 pour 4.

D’autres projets, parfois surprenants, visent à réduire le gaspillage alimentaire à sa source. Chaque Bruxellois jette à la poubelle pas moins d’une trentaine de kilos de nourriture par an, soit quelque 175 euros par habitant. Les ménages représentent à eux seuls 42 % de ce gaspillage. Pour aider les particuliers à mieux gérer leur réfrigérateur, leurs achats et leurs restes alimentaires, une douzaine de  » maîtres Frigo  » ont été formés dans le cadre d’un projet pilote soutenu par Bruxelles Environnement.

Eviter le gaspillage

En parallèle, l’opération Rest-O-Pack, qui permet à chacun d’emporter à la maison ce qu’il n’a pas mangé au restaurant, sera relancée fin juin, nous confient ses organisateurs.  » Les nouvelles boîtes recyclables seront plus étanches et hermétiques « , promettent-ils. Distribuées sur demande aux restaurateurs, ces boîtes atténuent la connotation péjorative du doggy bag. Une centaine d’établissements ont jusqu’ici répondu à l’appel, tandis que la Wallonie vient d’adopter le concept. Les actions menées à Bruxelles, notamment dans les écoles, visent à diminuer de 30 % le gaspillage alimentaire en 2020.

 » Cette année-là, 30 % des ménages produiront une partie de leur alimentation « , prédit la ministre Céline Fremault (CDH), qui a sous sa tutelle toutes les compétences liées au développement de l’alimentation durable (environnement, qualité de vie, agriculture).  » Cela devrait contribuer à réduire la circulation et la pollution liées au transport de marchandises. A l’horizon 2035, l’agriculture urbaine et périurbaine produira 30 % des fruits et légumes non transformés consommés par les Bruxellois. Nous voulons encourager la production professionnelle et la production citoyenne non marchande, initier plus de Bruxellois aux enjeux de l’alimentation durable et éduquer les nouvelles générations au « bien manger ». Il faut aussi mieux valoriser les invendus alimentaires et les déchets organiques.  »

Un énorme défi social

A Bruxelles, l’alimentation représente environ un quart de l’empreinte écologique d’un ménage. Ces dommages sont engendrés par les déchets, la consommation d’eau et d’énergie liés à la production, au transport et à la consommation d’aliments. Surtout, la capitale est confrontée à des enjeux sociaux qui ont un impact sur l’alimentation : tout le monde n’a pas accès à une alimentation locale, saine et de qualité, à l’heure où 55 000 personnes dépendent de l’aide alimentaire, où 18 % des Bruxellois vivent avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté, et où 23 % des habitants de la ville souffrent de surpoids.

Face à ces contraintes sociales, sanitaires et environnementales, la Région bruxelloise a déployé, avec les acteurs de terrain concernés, une stratégie destinée à faire émerger de nouvelles filières de production urbaine et à obtenir l’adhésion des jeunes générations. Ce plan Good Food, lancé en janvier 2016, comprend 110 mesures, avec des objectifs quantitatifs à atteindre à l’horizon 2020 et une vision plus large à l’horizon 2035. Plusieurs de ces mesures visent à encourager les échanges d’expériences et à inciter, par des formations en alimentation durable, plus de Bruxellois à passer à l’acte (www.goodfood.brussels). Autant d’occasions de redécouvrir les goûts de saison et la biodiversité.

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