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bpost en grève : des employés témoignent de leurs conditions de travail

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Les 34.000 employés de bpost sont en grève ces 5 prochains jours, chaque département à tour de rôle. L’action, en front commun syndical, dénonce, entre autres, un manque de personnel, de plus en plus de difficultés à prendre des congés, une charge de travail « insupportable » et l’externalisation de plusieurs services.

Pour le quotidien De Morgen, trois d’entre eux ont témoigné de leurs conditions de travail.

Guido*, département transport (en grève jeudi)

« Il prévaut ici une série de règlements internes – comme parler néerlandais ou porter des chaussures de sécurité – et à la moindre incartade, nous sommes rappelés à l’ordre « , déclare Guido (56), qui travaille en tant que chauffeur entre les centres de tri et les bureaux de bpost depuis plus de 20 ans. Il concède toutefois que les jours de congé pour lesquels il y a déjà eu de nombreuses grèves dans le passé sont bel et bien respectés. Mais pour lui, l’introduction des sociétés privées crée des tensions. «  Un jeune gars est parti d’ici après une grosse année, car 500 mètres plus loin, au sein d’une autre entreprise de transport, il gagnait 4 euros de plus de l’heure pour le même travail « . En plus de cela, il y a aussi des rancoeurs en interne. Il existe 4 sortes de statuts différents qui peuvent faire varier un salaire jusqu’à 125 euros par mois. Les permis de chauffeurs B ou CE ne font pas de différence. « Et le système d’équipe a complètement disparu. Avant, on pouvait encore bien se détendre ou manger avec des collègues, maintenant, on ne les voit presque plus. Quand l’un part à 12h15, l’autre deux heures plus tard. »

Amélie*, service client (en grève lundi)

« Quelqu’un qui téléphone pour remercier un facteur, je ne dois certainement pas vous apprendre que c’est plutôt rare?« , lâche Amélie qui travaille au call center de bpost. 8 coups de fil sur 10 sont des plaintes, des colis qui ne sont pas arrivés à bon port ou alors endommagés, mais du temps pour de l’empathie, on n’en a pas. Même quand il s’agit de messages de condoléances qui ne sont pas arrivés, il y a toujours des quotas à respecter. Autant de temps pour un appel, et autant d’appels par jour. On écoute à moitié avec l’oeil rivé sur l’horloge. » Avant, c’était différent regrette-t-elle. « Les clients avaient le sentiment qu’on les écoutait ». La notion d' »avant » est toutefois assez relative vu que les premiers call centers de bpost ont été créés il y a 10 ans. Mais un premier déménagement rapide à un autre endroit a été le premier pas vers un travail plus stressant : des conversations minutées, 70 par jour. Il y a deux ans a suivi la centralisation, il ne reste plus que deux call centers pour la Flandre et la Wallonie. « La pression n’a fait qu’augmenter. Je pense que je traite bien une centaine d’appels par jour« . Elle ajoute : « Prendre une demi-heure de pause pour s’aérer, cela semble aller de soi, mais dans notre fonction, c’est crucial.  »

Amélie raconte que tout n’est pas négatif. Les navettes vers le bureau ont été compensées par la possibilité de prester quelques jours de télétravail. « Un petit luxe« , selon elle. Mais la réduction de personnel prévue en 2019 crée de nombreuses angoisses. « Au heures pleines, on a déjà 20 à 30 personnes dans la file d’attente. Comment pourra-t-on gérer cela à l’avenir ?« . Car s’il y a bien une loi dans les call centers c’est la suivante: le plus longtemps le client attend, le plus il devient agressif.

u0022u003cemu003ePrendre une demi-heure de pause pour s’aérer, cela semble aller de soi, mais dans notre fonction, c’est crucial. u003c/emu003eu0022

Sofie*, distribution du courrier (en grève vendredi)

Quand on parle avec un facteur qui a de la bouteille, il y a toujours cette petite touche de nostalgie du temps où la distribution du courrier les jours d’hiver s’accompagnait toujours d’une petite « jatte de café » chez son destinataire. Même les plus jeunes respectaient la tradition. « On a le sentiment que l’entreprise ne veut faire aucun effort envers ses employés« , déclare Sofie (29), factrice depuis 9 ans. « Ce n’est pas un job donné à tout le monde, d’être levé de si bonne heure et d’être toute la journée dehors. Mais le nombre de personnes que j’ai vues passer en si peu de temps, ce n’est pas normal.  »

Ce sont surtout les sous-effectifs dont se plaignent les syndicats qui semblent miner l’ambiance. « Les heures supplémentaires ne peuvent presque plus être prises en jours de ongé, car le service s’effondrerait. Et quand on se les fait payer, c’est 3 euros de l’heure. J’essaie donc toujours de faire de mon mieux pour avoir fini dans les temps, en ne prenant pas ma demi-heure de pause par exemple. »

Les nouvelles recrues se plaignent aussi des avantages déséquilibrées avec les employés les plus anciens. Parfois, la différence est de 10 jours par an ce qui ne rend pas la fonction attrayante.

Sofie avoue cependant ne pas avoir ressenti plus de charge de travail en 9 ans de tournées. Quand elle a commencé, les quotas et les « Georoutes » étaient déjà d’application. « Je suis passée d’un bureau de poste de ville à une commune, mais même après une telle organisation, les facteurs ne rentrent qu’après 16 heures. »

* Selon De Morgen, le règlement de travail de bpost n’autorise pas ses employés à parler à la presse, les prénoms ont donc été modifiés.

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