Le chef, Johnny Olivier, aux fourneaux © L'Avvio

Bien manger en étant confiné : à Liège, un restaurant fait de la résistance

Julie Nicosia
Julie Nicosia Journaliste

Comme de nombreux restaurants, L’Avvio a dû fermer ses portes à l’annonce des mesures prises par le Conseil national de sécurité. Le restaurant liégeois a toutefois décidé de poursuivre son activité en offrant à ses clients un service de livraison. Entretien.

L’Avvio est un jeune restaurant qui s’est installé à Liège, il y a 3 ans. C’est l’histoire de John, en cuisine, et de Nadège, en salle, compagnons dans la vie. Après être passé dans quelques maisons et avoir travaillé pour plusieurs restaurants étoilés en France, John a travaillé pendant 5 ans pour un restaurant italien. Restaurant qu’il a voulu reprendre, mais ce projet a été finalement avorté. C’est grâce au bouche-à-oreille que le cuisiner apprend que le Sapore’m est à reprendre. De là est né « L’Avvio » (trad. : le commencement, en italien), le premier restaurant de John et Nadège, qui se caractérise notamment par sa cuisine gastronomique, inventive et aux parfums d’Italie.

La carte de L'Avvio à emporter, la semaine du 23 mars au 29 mars
La carte de L’Avvio à emporter, la semaine du 23 mars au 29 mars© L’Avvio

Quelle a été votre réaction face aux mesures prises par le Conseil national de sécurité ?

C’était assez prévisible. Nous nous attentions à ce genre de mesures quand on voyait ce qu’il se passait dans les autres pays.

Au début, nous étions déçus, car l’horeca a été le premier secteur à devoir obligatoirement fermer ses portes. Pendant une semaine et demie, les autres commerces continuaient d’ouvrir. Cela a été difficile, car nous n’avons même pas fini notre semaine, notre week-end.

Nous sommes un petit établissement, nous nous sommes adaptés même si nous travaillons avec des produits frais, mais je pense à mes collègues de plus grands établissements qui ont dû vendre presque à perte des tonnes de marchandises. Puis, nous avons rebondi sur le service à emporter.

Comment se déroule votre service de livraison ? Est-ce que cela fonctionne bien ?

Le service de livraison doit passer par téléphone. On prend les commandes pour livrer le jour suivant. Cela nous permet de faire des courses en nous adaptant aux commandes. La carte change chaque semaine.

Le service à emporter ne remplace pas une semaine de travail. Il y a des dispositions qui ont été prises pour aider les indépendants : loyer bloqué, les lois sociales assouplies, les cinq milles d’euros de compensation. Mais si cela devrait durer jusque fin mai, cinq mille euros pour deux mois, c’est impossible. Si vous avez un loyer de trois mille euros, les cinq mille euros ne suffiront pas. Ça ne vous sauvera pas. On n’en sortira pas indemne.

Avez-vous gardé les mêmes tarifs ?

L’idée n’est pas de se faire de l’argent, mais le but est de survivre. Nous sommes en activité pour avoir un minimum de rentrées d’argent pour l’après-fermeture. Pour faire effet tampon. Donc, on a adopté nos prix.

D’autres établissements avaient également opté pour un service de livraison. Ils ont finalement décidé de ne plus le faire en raison de l’épidémie. Pourquoi avez-vous décidé de poursuivre votre activité ?

Je n’ai pas envie de rester impuissant face à cette situation. C’est notre premier établissement. Nous faisons, un double temps plein. C’est donc compliqué de rester à ne rien faire. Nous mettons tout en place pour qu’il y ait le moins de contact avec nos clients et pour respecter les mesures : on demande le montant exact mis dans une enveloppe ou un virement bancaire quand ce n’est pas possible. On a décidé de se déplacer pour éviter que les gens ne sortent de chez eux. Je ne dis pas que les gens doivent commander chez nous tous les jours, mais un repas de temps en temps pour éviter d’aller dans les grandes surfaces.

Pour les autres établissements, certains ont arrêté le service à emporter, car il n’avait pas beaucoup de commandes. Offrir une pâte-tomate avec un peu de charcuterie à plus de seize euros dans une barquette d’aluminium n’est pas forcément attendu. Nous avons opté pour une diminution de nos prix : des entrées à cinq ou six euros et des plats oscillant entre douze ou quinze euros. Les plats de pâtes sont à huit euros. Quand on propose un « Parmentier d’agneau », comme la semaine dernière, on offre à nos clients trois cent cinquante grammes d’épaule d’agneaux, qui est un produit de qualité. Le prix est plus élevé. Avec toujours cette idée de faire du volume pour amortir l’après-confinement.

Quelle est votre routine quotidienne depuis que vous avez changé votre manière de fonctionner ?

Nous nous levons à la même : six heures tapantes. Ensuite, nous allons faire les courses pour les commandes reçues le jour avant par souci de fraicheur. Je retourne au restaurant et je cuisine et dès que tout est conditionné, nous livrons. Le rythme reste plus reposant, car nous avons nos soirées et moins d’heures de travail.

Allez-vous sentir un « avant » et un « après » le confinement ?

Je ne pense pas qu’une vague de client va se ruer dans les restaurants dès la levée du confinement. Pas tout de suite. Je pense qu’on va travailler une semaine ou deux en bas régime. Les gens vont vouloir partir en vacances. Je pense que cela va être calme jusque septembre-octobre. L’après va être compliqué. La situation ne va pas s’améliorer du jour au lendemain. Par ailleurs, cela va être compliqué de garder le service de livraison, car nous préférons avoir le restaurant comme activité principale et faire nos deux services par jour.

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