FABRICE, 51 ANS : la fin d'un monde à ArcelorMittal. © Cédric Gerbehaye

Belgique requiem

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le photojournaliste belge Cédric Gerbehaye a sillonné la Belgique durant trois ans. Il pensait y saisir la crise institutionnelle. Il a surtout découvert une précarité sociale profonde. Et un instinct de survie singulier. Voici, en primeur, le portrait d’un pays toujours debout mais très fatigué. Très loin de la belgitude.

Congo, Palestine, Sud-Soudan… Pendant de longues années, le photojournaliste Cédric Gerbehaye a bourlingué aux quatre coins du monde pour témoigner de ses souffrances. Ses clichés ont été publiés par le gratin de la presse internationale, il a décroché des prix prestigieux par dizaines… Avant de se réveiller, un jour, dans une Belgique en plein blocage politique. « En 2011, tout le monde évoquait un possible éclatement du pays, se souvient-il. Je me suis rendu compte que je connaissais très mal l’endroit d’où je viens. » Littéralement perdu…

LA MARCHE DE SAINTE ROLENDE à Gerpinnes : après la procession.
LA MARCHE DE SAINTE ROLENDE à Gerpinnes : après la procession.© Cédric Gerbehaye

Parce que la vie l’invite à poser son baluchon quelque temps et que cette menace qui plane l’interpelle, Cédric Gerbehaye décide de documenter ce malaise identitaire comme il l’a fait si souvent à l’étranger. En prenant le temps de rencontrer les gens. En captant leurs regards. Trois années durant, ce jeune homme de 38 ans vagabonde littéralement au gré de ses ressentis. Il multiplie les immersions : dans les services d’urgence et les prisons, au coeur des fêtes folkloriques, à l’intérieur d’usines en restructuration, dans les rues… « Tous ces lieux de vérité », résume-t-il.

« Le résultat, ce n’est pas un travail sur la Belgique. C’est un travail en Belgique, insiste aujourd’hui le photographe. C’est un reflet de la condition humaine actuelle, très loin de cette belgitude qui est une façon confortable de nous présenter à l’étranger. » En effet. Le résultat est souvent âpre, tendre parfois. Il y a très peu de sourires, ou alors forcés. Mais énormément de solitudes, de perditions, de défaites et de désoeuvrement. De gestes de survie, aussi.

Ce travail de longue haleine est repris dans un livre, D’entre eux. Il sera aussi exposé dans le cadre de Mons 2015 à partir de novembre et, dès ce 26 juin, au FotoMuseum d’Anvers. « En plein fief de la N-VA », s’amuse le photographe. Qui se demande ce que Bart De Wever pensera de ce reflet d’un pays qui apparaît exténué. Jusqu’en Flandre.

D’entre eux, éd. Le bec en l’air, 144 p. Exposition au FotoMuseum d’Anvers, du 26 juin au 22 octobre, puis à la salle Saint-Georges de Mons, du 7 novembre au 3 janvier 2016.

LES DOCKERS ANVERSOIS, le 6 novembre 2014 à Bruxelles.
LES DOCKERS ANVERSOIS, le 6 novembre 2014 à Bruxelles.© Cédric Gerbehaye

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