Bleri Lleshi

Bart le super Calimero

Bleri Lleshi Philosophe politique

Monsieur De Wever, l’une de vos meilleures interviews – et elles sont pourtant légion- est probablement celle qui vient de paraître dans les colonnes du Knack. Il est vrai que c’est une interview où vous ne daignez pas répondre.

Un journaliste avec du cran

C’est avec une impatience non feinte que j’attendais une interview où l’on osait enfin vous poser des questions pertinentes. Jusqu’à aujourd’hui, pas un journaliste ne semblait avoir le cran de vous interviewer de façon critique sur le programme de votre parti. Et lorsqu’enfin un journaliste sort du bois, quelle est votre réaction ? Vous ne répondez pas. Ce n’est que devant l’impact médiatique de cette interview publiée sans vos réponses que vous vous décidez à sortir de votre mutisme. Tout en crucifiant le journaliste au passage, et en qualifiant l’article en question de pamphlet anti-N-VA, vous vous fendez même d’une longue réponse de six pages.

Parlons-en justement des réponses. À la plupart des questions, vous reprenez vos vieilles habitudes en ne donnant pas une réponse claire et précise. Dans la grande majorité des cas, vous repoussez la faute sur les autres, sur la gauche et parfois vous vilipendez même purement et simplement le journaliste qui vous a clairement mis les nerfs en pelote. Rien de bien neuf, c’est une technique éculée qui a fait ses preuves : ce n’est pas moi, c’est les autres. Une technique d’autant plus aisée à appliquer lorsqu’on la fait tranquillement assis devant son ordinateur, sans aucune remarque ou demande de précision.

Le superman qui travaille jour et nuit

Prenons par exemple la question sur vos absences répétées lors du conseil communal d’Anvers. Vous éludez la question en commençant par une petite diatribe sur De Winter. Nous connaissons pourtant votre réputation. Il n’y a pas si longtemps encore, vous aviez le surnom de maître de l’absentéisme au Parlement flamand. Vous êtes fort occupé, nous le savons. Mais il ne faut pas, dès lors, jouer au superman qui arrive à tout combiner.

À la question pourquoi vous ne démissionnez pas en tant que chef de parti, vous répondez : « en tant que bourgmestre et président national d’un parti, j’ai une position clé ». L’avantage de la situation ne vous a visiblement pas échappé. Mais si vous ne réussissez déjà pas à combiner la position de parlementaire avec celle de président de parti, alors comment allez-vous faire lorsque vous serez bourgmestre de la deuxième ville du pays et président de parti ? Malgré votre promesse de travailler jour et nuit pour les Anversois, ces derniers peuvent légitimement se poser la question « est-ce que vous allez encore dormir ? ». Et que dire de votre pirouette face à la question de savoir si oui ou non André Gantman, qui a été jugé pour banqueroute, malversations et blanchiment d’argent, a sa place sur une liste électorale de la N-VA? Au lieu d’y répondre, vous critiquez les commentateurs de gauche qui prennent la défense de Michelle Martin. Très pertinent.

Votre priorité numéro 1 est la guerre contre la drogue. En attendant, on connaît déjà votre position sur les pauvres, les chômeurs, les sans-abris , ceux qui ont droit à une allocation, les drogués, etc. C’est de leur faute, c’est eux qui en portent la responsabilité. Vous feriez mieux de dire directement que vous aimeriez vous en débarrasser. Ceux qui ont vos faveurs, c’est la classe moyenne supérieure et les riches. Et dans ce cas, ce n’est pas grave si ce sont des étrangers et même s’ils parlent le français et pas notre si belle langue de Vondel.

Avec ou contre nous

Monsieur De Wever, je sais que vous êtes habitué au fait que nos journalistes (ceux qui sont objectifs, pas comme Torman le journaliste du Knack) vous brossent dans le sens du poil . Que ces derniers n’ont même pas à vous poser de questions puisqu’écouter « le politique le plus éloquent de sa génération » ( Standaard du 16/9) suffit . Toutes vos sorties ont droit à un boulevard dans la presse et ce peu importe qu’on y parle politique ou régime.

« Respect pour A » pourrait être le nouveau slogan pour Anvers si vous en deveniez le nouveau bourgmestre. Lorsque je lis vos réactions face à ce journaliste qui ose, enfin, poser des questions « dirigées », je suggère que vous appliquiez la même méthode à vous-même . Car les personnes que vous n’adorez pas, qui ne sont pas d’accord avec vous et qui osent lever la voix pour vous critiquer méritent aussi le respect.

L’arrogance avec laquelle vous avez répondu à ces questions a éclaboussé mon écran. C’est avec cette même arrogance, combinée avec votre attitude de Calimero, que vous arrivez à diviser les gens. C’est bien simple : ils sont soit avec vous, soit contre vous. Un autre homme politique conservateur, George Bush, en avait même fait une maxime lorsqu’il disait « You are either with us or against us ». Avec une telle vision, vous ne pourrez pas diriger une ville comme Anvers et encore moins la Flandre.

Bleri Lleshi est politologue, philosophe (et …de gauche)

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