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Bart De Wever lance des signaux à Di Rupo

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

En mettant en place une Suédoise bis au Nord, le patron de la N-VA avance sans intégrer les socialistes dans son scénario flamand.

Ce sera donc Jambon Ier au Nord du pays. Bart De Wever et la N-VA ont tranché et mis en chantier une reconduction de la Suédoise (N-VA avec le CD&V et l’Open VLD) en Flandre. Jan Jambon, ancien vice-Premier fédéral et auparavant figure de proue du patronat flamand, retrouve donc, a priori, un niveau de pouvoir qui correspond mieux à son profil et s’écarte de l’engagement qui avait été le sien avant les élections de mai dernier : il avait annoncé alors, contraint et forcé par son président de parti, qu’il était candidat Premier au fédéral.

Ce déblocage de la situation en Flandre amène une série d’enseignements, qui sont autant de signaux détournés envoyés aux négociateurs pour le fédéral, Elio Di Rupo, patron du PS, en tête.

1. Bart De Wever a finalement mis un terme à son expérience de pré-négociation avec le Vlaams Belang. Le parti d’extrême droite était le grand vainqueur du scrutin en Flandre et il devait être écouté. Il l’a été, longuement. Au sein de la N-VA, certains étaient même tentés de faire une négociation avec lui, en dépit du cordon sanitaire. Mais cette option était imbuvable pour tous les autres partis flamands. Cela eut été en outre un signal clair d’une volonté de faire exploser la Belgique. Avec cette Suédoise, De Wever a opté pour la voie de la sagesse et laisse la main tendue au Sud. Ce faisant, il prend un risque à titre personnel : le Vlaams Belang ne va pas perdre de temps pour critiquer une « coalition des perdants » : N-VA, CD&V et Open VLD ont tous trois perdu des voix aux dernières élections.

2. Cela dit, Bart De Wever montre aussi qu’il privilégie l’intérêt de la Flandre. La Suédoise bis était l’option privilégiée pour le fédéral avant le scrutin de mai dernier, mais elle était mathématiquement impossible à reproduire. Qu’importe, la N-VA va de l’avant en Flandre avec un programme faisant singulièrement songer au fameux « jobs, jobs, jobs » de la législature passée. Son choix donne un autre signal aux socialistes francophones : contrairement aux analyses prédisant une coalition bourguignonne en Flandre comme à Anvers (alliant N-VA, Open VLD et SP.A), les nationalistes écartent les socialistes de John Crombez. La Flandre d’abord, et tant pis pour les informateurs, Didier Reynders (MR) et Johan Vande Lanotte (SP.A), qui planchent toujours sur une coalition fédérale associant N-VA, libéraux et socialistes des deux côtés de la frontière linguistique. La faute au SP.A, aussi : le parti paraissait singulièrement divisé alors qu’une Bourguignonne aurait eu une très courte majorité au parlement flamand. La faute aux socialistes francophones, aussi, qui n’ont guère envoyé de signaux positifs ces derniers temps en faveur d’une Bourguignonne fédérale – c’est un euphémisme, au-delà de leur participation à la réunion organisée par les informateurs.

3. Bart De Wever ne devrait donc pas être ministre-président flamand, contrairement à ce que l’on supputait. Il continue à privilégier le maïorat d’Anvers. Et surtout, il laisse entendre qu’il pourrait rester à la présidence de la N-VA. L’homme fort du parti nationaliste reste bel et bien disponible pour diriger la délicate manoeuvre qui s’annonce au fédéral – voire un éventuel nouveau round communautaire ou des élections anticipées, dans le pire des cas.

4. Bart De Wever tend une main aux libéraux et démontre, d’une certaine façon, qu’ils constituent désormais la plaque tournante de la politique en Belgique. Tel était d’ailleurs l’option prise par Charles Michel en 2014, quand la famille libérale était la seule unie au fédéral. Cette fois encore, les libéraux veulent rester unis… même si l’Open VLD a fini par lâcher le MR au gouvernement bruxellois. En partance pour l’Europe, Michel continue à penser que les liens de son parti avec les « Suédois flamands » constituent la meilleure garantie pour être indispensables au fédéral, en plus de l’être désormais en Wallonie.La N-VA remet enfin les sociaux-chrétiens dans le jeu. On imaginait pourtant qu’il s’en passerait bien comme à Anvers et que cette cure d’opposition d’un CD&V hyper affaibli pourrait le mener à sa perte – le rêve secret de De Wever est de tuer le CD&V pour prendre définitivement sa place. De façon pragmatique, la N-VA a privilégié une option qui lui permet de réaliser au mieux son programme, même si les radicaux regretteront peut-être l’option « tolérance zéro » du Belang à l’égard des migrants. Pour le fédéral, ce signal-là consisterait donc à réveiller l’option d’une famille chrétienne réunie, mais on sait à quel point le CDH s’arc-boute jusqu’ici à son retour dans l’opposition.

5.Tous ces enseignements valent évidemment ce qu’ils valent. Le principal est le suivant : les trois Régions du pays s’orientent désormais vers des coalitions toutes différentes. PS-MR et peut-être Ecolo en Wallonie ; socialistes, écologistes et DéFi à Bruxelles ; Suédoise en Flandre. La Belgique est un pays à trois vitesses où l’on joue au billard à trois bandes.

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