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Bar à chicha: un lieu dangereux ?

Muriel Lefevre

Les bars à chicha poussent comme des champignons, mais ces lieux ne sont pas sans dangers et la plupart du temps en infraction.

Les bars à chicha sont très populaires auprès des jeunes et s’ouvrent un peu partout en Belgique. Ces lieux sont pourtant souvent en infraction comme le montrent les derniers chiffres de la ministre de la Santé et des Affaires sociales, Maggie De Block (Open VLD). Près de 7 bars à chicha sur 10 ne seraient pas en règle. En 2017, 189 bars ont été contrôlés en Belgique et 65% d’entre eux étaient en infraction face à l’interdiction de fumer (66 % à Bruxelles et 86 % en Wallonie). À titre d’exemple 6.121 contrôles ont été effectués dans des débits de boissons et seuls 13 % étaient en infractions (20 % à Bruxelles et 5 % en Wallonie). En 2018, les premiers chiffres tendent à montrer que le taux d’infraction serait encore en hausse dans les bars à chicha puisqu’il grimperait à 73 % (78 % à Bruxelles et 92 % en Wallonie) pour les 117 lieux visités. « Dans les cafés, les salles de concert, les espaces publics et lors d’événements, nous constatons que l’interdiction de fumer est de plus en plus respectée », déclare Paul Van den Meerssche, responsable des contrôles du tabac et de l’alcool au sein du SPF Santé publique. Mais dans leur ensemble, on constate une hausse des chiffres et cela n’est dû qu’aux bars à chicha. La situation dans ce secteur devient sérieusement incontrôlable. »

Bar à chicha: un lieu dangereux ?
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Ces taux élevés sont, en partie, dus au fait qu’un certain nombre de propriétaires de ces bars ont une interprétation très libre de l’interdiction de fumer. Un fumoir est en effet autorisé. Sauf que le bar à chicha n’ est en réalité souvent qu’un grand fumoir. Un fumoir beaucoup plus grand que ce qui est légalement permis ou l’on retrouve aussi des télévisions et une sono. On y sert des boissons et il n’a souvent pas de ventilation. Autant de points qui sont en infraction avec l’interdiction de fumer.

Infraction à l’interdiction de tabac

Dans les débits de boisson classiques, ceux qui résistent, et qui se retrouvent donc en infraction, sont souvent des cafés où se retrouvent les générations les plus âgées. L’ancienne génération s’accroche obstinément à sa cigarette et l’interdiction de fumer fait toujours l’objet d’une vive opposition au point que les propriétaires n’osent souvent rien dire. La jeune génération suit par contre plus spontanément l’interdiction de fumer. Un changement de mentalité est clairement perceptible: ils sont plus conscients qu’ils ne nuisent pas seulement à eux-mêmes, mais aussi ceux qui les entourent. Lorsque l’interdiction de fumer a été introduite, on craignait une baisse du chiffre d’affaires dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Cette crainte s’est avérée injustifiée puisque les chiffres seraient même plutôt à la hausse.

Un autre problème est le tabac utilisé ou le ‘tabamel’: ce dernier doit répondre aux mêmes normes que le tabac ordinaire, y compris l’image de découragement, l’avertissement et le sceau fiscal. Sauf qu’on ne le retrouve que rarement puisque le tabac est importé d’autre pays. En ce qui concerne l’étiquetage des produits du tabac, c’est encore pire puisque pour 2017, les inspecteurs ont constaté un taux d’infraction de 92 % dans les bars à chicha. Pour les six premiers mois de 2018, on avance un taux de 100 % dans les bars à chicha wallons qui ont été contrôlés précise encore la Dernière Heure.

On notera aussi que les contrôles dans ces établissements sont considérés comme très risqués et sont, dès lors, effectués avec le soutien de la police, précise encore le rapport de la ministre.

Un véritable danger pour la santé

Au-delà de la législation, ces lieux représentent aussi un danger pour la santé puisque la teneur en CO2 dans ces espaces souvent clos est beaucoup trop élevée : la norme est de 20 parties par million (ppm), dans de nombreux bars à chicha contrôlés, il s’élève à 200 ppm. Si l’on sait qu’il n’est pas possible d’y rester des heures, il n’est pas rare que l’on ressente un essoufflement ou des maux de tête. Rester dans une pièce où le taux est 400 ppm pendant plus de trois heures peut même mettre la vie en danger précise encore De Standaard.

Si le SPF Santé publique a lancé une campagne de sensibilisation et intensifié les contrôles, Paul van den Meerssche ne se montre guère confiant pour la suite. « Leur nombre ne cesse d’augmenter et ils s’organisent de mieux en mieux. Ils s’informent mutuellement lorsqu’il y a des contrôles et gèrent plusieurs bars pour répartir le risque. En plus, il faut compter un an pour que l’amende administrative soit effective. Seule solution : le bourgmestre peut fermer avec effet immédiat un bar en cas de danger pour la population, comme une teneur trop élevée en CO2.

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