Sebastien Joris © Belga

Attentats de Bruxelles: l’officier de liaison estime qu’il a traité le dossier comme il devait le faire

L’officier de liaison de la police fédérale en Turquie, Sebastien Joris, a défendu vendredi publiquement la façon dont il s’était occupé du dossier d’Ibrahim El Bakraoui, l’un des terroristes du 22 mars, devant la commission d’enquête parlementaire. « En mon âme et conscience, je considère que j’ai traité le dossier comme je devais le faire », a-t-il déclaré au cours d’une séance où l’attitude des autorités turques a été mise en cause.

L’officier et son supérieur hiérarchique, le commissaire Peter De Buysscher, sont revenus longuement et avec de nombreux détails sur le déroulé des événements depuis le 26 juin 2015, quand le poste d’Istanbul a été averti de l’arrestation quinze jours plus tôt du futur kamikaze à Gaziantep, à proximité de la frontière syrienne.

Plusieurs éléments en ressortent, dont les grandes difficultés à obtenir des informations des autorités turques dans des délais raisonnables. Celles-ci ne communiqueront par exemple le motif terroriste de l’arrestation que des mois plus tard. Il apparaît également qu’il était impossible d’être au courant à temps des conditions de la libération conditionnelle dont bénéficiait le futur terroriste, et qui lui interdisaient de se rendre à l’étranger.

Le 23 mars, après les déclarations du président turc Erdogan mettant en cause la Belgique, une réunion a lieu au cabinet du ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, avec différents responsables policiers et en présence -inattendue- du président de la N-VA, Bart De Wever. Il y sera question de reconstituer la ligne du temps entre le 26 juin et le 14 juillet, quand les autorités turques renvoient Ibrahim El Bakraoui vers Schipol en avertissant la Belgique et les Pays Bas au tout dernier moment par la voie consulaire et non par Interpol.

Sebastien Joris est en Belgique à ce moment mais n’est pas invité à cette réunion qui est décisive dans le dossier puisque c’est à ce moment que M. Jambon décide de démissionner, avant de se raviser le lendemain et d’accabler le surlendemain l’officier en l’accusant d’avoir manqué d’implication et de proactivité.

Le supérieur de M. Joris, le commissaire Peter De Buysscher, était en revanche présent. Manifestement, Jan Jambon était remonté contre l’officier. « Je n’ai pas pu garantir au ministre ce soir-là qu’aucune faute n’avait été commise », a expliqué M. De Buysscher.

Les réunions qui ont suivi le lendemain ont toutefois permis de constituer une ligne du temps bien plus précise, qui a été transmise au ministre. Le commissaire s’est bien gardé de tirer des conclusions mais à ses yeux, il apparaît que le problème était bien plus complexe que la séquence entre le 26 juin et le 14 juillet. Il a notamment épinglé l’absence de signalement international d’Ibrahim El Bakraoui à ce moment qui empêchait l’officier d’agir efficacement. Selon lui, Sebastien Joris a respecté la procédure.

La présence de M. De Wever à la réunion du 23 mars n’a pas manqué d’être évoquée par les parlementaires. « Bart De Wever était un observateur. Il n’est pas intervenu dans la discussions qui a porté uniquement sur ce qui s’est passé entre le 29 juin et le 14 juillet », a répondu Peter De Buysscher.

Les déclarations de M. Jambon le 25 mars ont eu des conséquences importantes sur M. Joris. « Je suis présenté comme le responsable des attentats », a-t-il souligné. L’homme a vu sa photo circuler dans les journaux et sur les réseaux sociaux, à tel point qu’il a été placé sous niveau de menace 3 et quitté son domicile belge avec son épouse. Sa crédibilité était en jeu mais il dit avoir reçu de nombreuses marques de soutien tant au sein de la police, que des services extérieurs (renseignement, parquet) que de ses collègues étrangers ou de responsables policiers turcs.

Le responsable de la coopération policière met en cause la Turquie

Le commissaire Peter De Buysscher, en charge de la coopération policière internationale, a dressé vendredi un réquisitoire contre le manque de collaboration des autorités turques.

Interrogé par la commission d’enquête sur les attentats terroristes, le policier a épinglé de nombreuses carences, notamment dans les expulsions de ressortissants étrangers arrêtés en Turquie. Si les autorités turques en avertissent les pays concernés, c’est en général trop tard et par le canal consulaire et non policier, ce qui entraîne une perte de temps importante.

« Nous ne recevons pas les informations en temps utiles. Pour 21 des des 35 expulsions dont on a été informé, on a été averti trop tard. Ce sont potentiellement 21 El Bakraoui », a-t-il lancé.

Dans le dossiers d’Ibrahim El Bakroui, l’un des kamikazes du 22 mars, les services turcs ont mis des mois pour informer l’officier de liaison à Istanbul des motifs de son arrestation le 11 juillet 2015, et en des termes extrêmement vagues et généraux. Une façon de faire qui a fait sortir le responsable policier de ses gonds. Il a brandi un coupure de la presse turque qui relate les résultats des observations du suspect et de ses relevés téléphoniques ainsi que de ses complices.

« Eh bien, mesdames et messieurs, si nous avions reçu ces informations dans une relation de coopération normale, je ne dis pas qu’on aurait pu éviter les attentats mais nous aurions pu travailler efficacement sur El Bakraoui », a-t-il lancé.

« Ce que je sais -avec la spécialisation et le professionnalisme de nos services de police, c’est qu’on aurait pu agir. Et nous ne serions pas ici en train de parler de responsabilités personnelles, ce qui fait partie de la culture belge apparemment », a-t-il ajouté.

L’intervention du responsable policier a clos une audition attendue de longue date, après les accusations portées le 25 mars par le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, contre l’officier de liaison de la police fédérale à Istanbul. Les membres de l’opposition ont répété les conclusions qu’ils tiraient déjà à fin de l’année, après l’audition des deux hommes à huis-clos: les affirmations du ministre ne résistent pas à leurs yeux à l’épreuve des faits.

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