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Antidémocratiques les éoliennes?

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Les critiques s’accumulent autour de l’enquête publique portant sur le cadre de référence éolien en Wallonie. Ses détracteurs fustigent une politique « discriminatoire » et « antidémocratique ».

Il ne reste que quelques jours aux Wallons pour se prononcer sur la nouvelle stratégie éolienne établie jusqu’à l’horizon 2020 : l’enquête publique sur la cartographie du fameux cadre de référence prend fin ce mercredi 30 octobre. En l’espace de quelques semaines, les documents soumis aux citoyens ont fait l’objet d’innombrables critiques. Le processus de consultation, truffé de non-dits, élargit aujourd’hui le débat énergétique à des questions éthiques. Décodage. Antidémocratique ? D’après Anne Van Overstraeten, concernée par un projet de parc à Le Roeulx, les documents évacuent des pans entiers indispensables à la réflexion. « Les riverains fondent leur jugement sur deux éléments majeurs : l’impact sur le paysage et l’impact acoustique. Or, les informations soumises à enquête publique ne permettent pas de se prononcer sur ce second aspect. »

Dans la version finale du cadre de référence éolien, actualisée en juillet, le paragraphe définissant le seuil acoustique maximal des éoliennes – 45 dBA (décibels audibles) de nuit, à l’extérieur des maisons – n’apparaît plus. Il est remplacé par une tournure assez vague : « Le seuil de nuit est fixé dans un arrêté de conditions sectorielles »… Qui n’a pas encore vu le jour.

En passant sous silence ce seuil acoustique tant contesté, l’enquête publique et la cartographie identifiant les zones favorables aux éoliennes sont incomplètes, estime Anne Van Overstraeten. « C’est antidémocratique ! »

Expropriations ? En filigrane des débats actuels se profile aussi un futur décret visant à accompagner la stratégie éolienne jusqu’en 2020. Celui-ci pourrait révolutionner les démarches des promoteurs souhaitant imposer un parc au forceps. Le cadre de référence annonce la couleur : il est question d’organiser la « reconnaissance de l’intérêt public de l’implantation d’éoliennes ». Cette définition « d’intérêt public » est potentiellement lourde de conséquences.

Le propriétaire hostile à l’implantation d’un parc sur ses terres pourra-t-il s’opposer à des éoliennes « d’intérêt public » ? Philippe Henry, le ministre wallon de l’Environnement (Ecolo) reste évasif. « Le vent est un bien d’utilité publique. Pour le reste, cette discussion doit d’abord avoir lieu au gouvernement. »

Discriminatoire ? Une autre question d’ordre éthique apparaît au vu des normes de distance établies entre une éolienne et les habitations à proximité. Le cadre de référence serait-il discriminatoire ? Le ministre Henry brandit le critère désormais en vigueur dans les zones d’habitat : « La distance à la zone d’habitat s’élève à quatre fois la hauteur totale de l’éolienne. »

Mais les Wallons vivant hors d’une zone d’habitat risquent d’être pénalisés. Dans ce cas de figure, la distance peut en effet être réduite à 400 mètres, sans prendre en compte la hauteur de l’éolienne.

Outre l’impact visuel des éoliennes implantées à de plus courtes distances, ces mêmes riverains s’exposent pourtant à un seuil de bruit plus élevé : le Rapport sur les incidences environnementales (RIE) de la carte positive de référence recommande une distance minimale de 435 mètres pour respecter un seuil acoustique fixé à 45 dBA. En permettant l’implantation de parcs éoliens à 400 mètres, le cadre actuel risque-t-il de court-circuiter ses propres normes ? « Non, répond une fois de plus le ministre. La norme adoptée par le gouvernement est une distance de 600 mètres. Les autorisations pour des parcs à 400 mètres d’une habitation isolée ne pourront se faire que via dérogation. » Sur cet aspect, l’intérêt public des éoliennes pourrait toutefois faire exploser le nombre de dérogations accordées aux promoteurs.

Une fois l’enquête publique bouclée, les remarques des citoyens seront prises en compte pour confectionner la cartographie finale, assure Philippe Henry. Mais la démarche a ses limites. Pas question de bouleverser les normes établies dans le cadre éolien : la consultation ne porte que sur sa carte.

Par Christophe Leroy

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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