Laurence Van Ruymbeke

Allocations de chômage dégressives : l’effet cascade

Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Cascade : 1. succession de chutes d’eau ; 2. ce qui se produit par saccades, par rebondissements successifs. Le Petit Robert ne saurait mieux dire. Les modifications du calcul des allocations de chômage qui entrent en vigueur ce 1er novembre auront d’évidentes conséquences en cascade et l’on voit mal comment, de ce bouillonnement, sortiraient des geysers de nouvelles positives.

En décidant d’augmenter les allocations pour les personnes licenciées durant les trois premiers mois qui suivent leur perte d’emploi puis de les diminuer au fil du temps, le gouvernement poursuit un objectif louable: il entend redynamiser le marché de l’emploi et encourager les chercheurs d’emploi à se mobiliser au plus vite. L’aide qui leur est procurée doit être ponctuelle et ne doit pas s’éterniser, tel est clairement le message.

Voilà pour le principe, nimbé de théorie. Mais sur le terrain, que se passera-t-il, selon toute vraisemblance ? Une partie des demandeurs d’emploi pourraient certes être incités à se démener davantage et à sortir de ce système d’assurance au plus vite. Mais tous n’en ont pas les moyens. Parce qu’ils ne disposent pas de la formation nécessaire. Parce que l’économie n’offre pas suffisamment d’emplois pour éponger le réservoir des quelque 500 000 personnes, à la grosse louche, qui sont sans travail actuellement. Parce que les impressionnantes restructurations annoncées ces derniers jours vont déposer sur le marché du travail de tout frais licenciés qui seront plus tentants, pour les employeurs, que des chômeurs de longue durée. Parce que travailler, paradoxalement, coûte cher, en termes de garde d’enfants, de frais de déplacement, de perte d’avantages divers (augmentation du loyer dans un logement social, par exemple). Et qu’une fois salarié on peut, en fait, vivre moins bien qu’avant.
A ces remarques, le gouvernement fédéral ne répond guère et renvoie la balle aux CPAS, contraints à la débrouille. « L’an dernier, 14 000 chômeurs ont été exclus du chômage, détaille Bernard Antoine, directeur général de la fédération des CPAS au sein de l’Union des villes et communes de Wallonie. Leur prise en charge par les CPAS a coûté 52 millions d’euros. »

Or les CPAS sont financés à hauteur de 25 à 30 % par les communes. Comment celles-ci pourront-elles suivre, si l’on voit affluer vers les CPAS des milliers de demandeurs d’emploi qui, privés de 100 à 200 euros par mois du fait de la dégressivité de leurs allocations, ne parviennent plus à joindre les deux bouts ? Il leur faudra faire des arbitrages. Au détriment de qui ?

Actuellement, entre 5 000 et 8 000 chômeurs s’adressent déjà aux CPAS wallons pour demander une aide complémentaire, par exemple pour payer leur facture énergétique. « On s’attend à ce que ce nombre monte entre 15 000 et 20 000, du fait de la nouvelle règlementation », avance Bernard Antoine. Les CPAS savent qu’ils ne pourront, à ce rythme, répondre à toutes les demandes. Alors quoi ?

Les CPAS, qui ne sont pas des Bancontact, comme ils le rappellent régulièrement, assurent aussi un accompagnement individualisé à ceux qui s’adressent à eux pour favoriser leur réinsertion dans le tissu socio-économique. Si les demandeurs ne font qu’augmenter en nombre, comment leur assurer encore cet indispensable accompagnement sans engager d’urgence du personnel supplémentaire ? Mais avec quels moyens financiers ?
On voit mal comment la décision du gouvernement pourrait ne pas aggraver, d’une manière ou d’une autre et même si ce n’est évidemment pas le but, la paupérisation d’une partie de la population. Les communes qui comptent déjà beaucoup de demandeurs d’emploi parmi leurs habitants risquent de s’appauvrir davantage avec la mise en oeuvre de la dégressivité des allocations. Le risque de voir le travail au noir se (re)développer n’est pas mince, dans un tel contexte de crise. N’y a-t-il vraiment aucune autre piste à explorer ? A toutes ces questions, le gouvernement fédéral ne répond pas, les yeux braqués sur la rigoureuse gestion des finances publiques et sur la confection d’un budget de très court terme.

Cascade : 3. Exécution de scènes dangereuses au cinéma, d’exercices périlleux…

Laurence van Ruymbeke

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