Carte blanche

« Allez-y, monsieur Lachaert, esquissez le cap pour après-demain! »

Thomas Moreau, entrepreneur, écrit une lettre ouverte au missionnaire royal, Egbert Lachaert, pour l’inciter à avoir de l’ambition climatique et démocratique.

Monsieur Lachaert,

L’un des députés de votre parti (Open-VLD), Monsieur Leysen, développait dans une carte blanche[1] différentes analyses à propos de la crise du coronavirus et de ses conséquences. Analyses que je partageais largement mais que je voudrais pousser plus loin. Bien entendu, le coronavirus bouleverse nos habitudes à de très nombreux égards et j’ajouterais à celles qu’évoquait fort justement Monsieur Leysen les questions des futures relations au travail (particulièrement pour les jeunes/nouveaux venus), du droit à la déconnection, de la place de nos ainés, le droit « d’être jeune » et d’en profitez, etc.

Mais au-delà de la crise du coronavirus, il y a au moins deux menaces majeures auxquelles le prochain gouvernement devra absolument faire face.

Tout d’abord, si Monsieur Leysen évoquait la seconde guerre mondiale pour rappeler que les habitants de la province d’Anvers ont vécu le 1er couvre-feu depuis le départ de l’occupant. Je voudrais poursuivre la comparaison dans un autre domaine. Comme pour la seconde guerre mondiale, nous devons mobiliser l’ensemble des forces vives de notre État pour faire face aux immenses et nombreux défis que pose la question du Climat. Véritable ennemi diffus le réchauffement climatique aura des conséquences bien plus violentes pour nos sociétés et les structures de nos États que le covid-19. Cette « crise permanente » soumettra nos modes de vie à des chocs violents d’une violence inouïe et que nous ne pourrons éviter. Pour organiser concrètement notre réponse à cet ennemi invisible (quoique nous le découvrons chaque jour un peu plus : sécheresse, canicules, fonte de glaces,…) le prochain gouvernement à la responsabilité de fournir un effort du même acabit que celui fourni par Churchill et ses concitoyens à l’époque. D’abord pour limiter autant que possible l’ampleur du dérèglement, ensuite pour trouver des solutions viables pour tous. Comme eux nous n’aurons pas le choix, il faudra faire face. Comme Churchill était Premier ET Ministre de la guerre, notre futur.e Premier.e devra être Premier.e ET en charge du changement climatique. De cette seule manière nous nous donnerons collectivement les moyens d’une action gouvernementale coordonnée où les décisions de chaque ministère intègre la lutte globale contre le dérèglement climatique. Comme si nous étions sous les bombes de la Luftwaffe ou menacé par un débarquement, nous devons aujourd’hui fournir cet effort. Parce qu’il est moins une et que les générations qui suivent ne pourront que gérer les conséquences, pas l’ampleur, de la crise. La société civile est prête: les entrepreneurs dessinent déjà une direction, les (télé)travailleurs souhaitent de nouveaux modes de vie et rythmes de travail ; les jeunes connaissent les enjeux mais veulent des perspectives.

La seconde menace ce sont les coups de butoirs des différentes crises (économiques, sanitaires, sociales,…) qui n’en finissent plus de d’effriter la « classe moyenne ». Associée à un désastreux cirque politico-médiatique[2], cette menace économique constante pour une partie toujours plus importante de la population provoque repli sur soi, désintéressement de la chose publique et in fine une montée des extrêmes. L’ensemble est une menace claire de moyen terme pour le vivre ensemble.

Par ailleurs, le pessimisme ambiant nous étouffe. L’incapacité politique à identifier un cap commun et se mettre en mouvement détruit. Le manque d’imagination pour une société plus juste, plus apaisée, plus libre, plus soutenable nous tire vers le fond à tous points de vue : moins de liberté, moins de justice, plus de risques, plus d’incertitudes. Et pourtant nous aspirons tous à autre chose.

Il faut dès lors faire face. Il faut donner un cap. Il faut montrer la vision. Et… démontrer qu’on est capable de la construire avec les autres. Malgré notre dette et notre trou budgétaire gigantesques, nous sommes un pays riche, notamment de ses citoyen.ne.s, de ses entreprises[3] et associations, de nos diversités. Nous pouvons construire quelque chose de plus efficace, de plus simple, de plus transparent, de plus juste, de plus libre. De très nombreux citoyens construisent déjà ce monde de demain.

Monsieur Lachaert, vous êtes sans doute le dernier chargé de mission royale avant des élections qui ne solutionneront rien. Vous-même et ceux que vous réunissez autour de la table, êtes en mesure d’y parvenir. Comme les élections n’amèneront rien de bon il est nécessaire de dédramatisez, de prendre de la hauteur et d’aboutir. Vous êtes en mesure de construire une équipe pour aboutir, proposer une vision, un récit, un cap collectif. Vous êtes en mesure de vous poser en Hommes et Femmes d’État. Allez-y, esquissez le cap pour après-demain. Créez nos libertés de demain ! Soyez audacieux, aujourd’hui !

Thomas Moreau

Entrepreneur, Co-Fondateur de GraspHopper The Refill Grocery

[1]https://www.levif.be/actualite/belgique/la-guerre-contre-le-coronavirus-ou-contre-nous-memes/article-opinion-1323557.html

[2] il n’est pas ici question de dire que les choses sont simples mais qu’elles ont trop duré et que l’option des élections n’est pas sérieuse.

[3] Du discours d’Ilham Kadri (CEO) de Solvay (https://www.uwe.be/rna2020/) à l’ « Odyssée Wallonie 2068 » (https://www.uwe.be/odyssee-wallonie-2068/ ) de l’UWE en passant par la coalition Kaya et son plan Sophia (https://www.groupeone.be/plansophia/ ), de nombreuses forces économiques montrent leurs envies et dessinent déjà le futur qu’ils souhaitent. Et les citoyen.nes et associations ne sont pas en reste.

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