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Aide aux victimes: « Une mauvaise nouvelle provoque souvent des émotions brutes »

Muriel Lefevre

Elle annonce souvent tristesse et désolation. Elle dit pourtant que c’est le plus beau métier du monde. Elle travaille au service d’aide aux victimes et témoigne dans De Standaard.

« Il y a quatre ans, j’ai rejoint la section d’aide aux victimes de la police. Je ne suis là que pour les victimes, tout le volet enquête ne me concerne pas. Je rencontre toutes les classes de la société. Un évènement traumatique peut arriver à n’importe qui. Tout le monde peut perdre un proche. Je nage souvent en plein drame, pourtant, j’ose le dire, je fais le métier dont je rêvais. »

Des émotions brutes, sans fioritures

« Mon travail se fait en deux temps. Il y a le travail qui s’effectue entre 9 et 17 heures, où je reçois des gens à mon bureau et effectue des visites à domicile. Ce sont souvent des personnes victimes de cambriolage ou d’agressions sexuelles et ces rencontres se font un à deux jours après les évènements. Ensuite, il y a la cellule de crise. Celle-ci fonctionne 24 heures sur 24. C’est souvent pour annoncer de très mauvaises nouvelles. J’accompagne alors un agent de police pour informer du décès d’un proche par exemple. »

« Si je dois annoncer de mauvaises nouvelles, je le fais toujours de la même manière. Je sonne et demande si l’agent et moi sommes autorisés à entrer. Après cela, je demande si l’on peut s’assoir quelque part, car j’ai vu des personnes s’écrouler d’angoisse. Ensuite, il est primordial d’aborder le sujet le plus rapidement possible: êtes-vous le mari, la femme, le fils ou la fille de? Oui ? Il ou elle est malheureusement décédé. On est là avec une bombe et, de façon étrange, on doit la déclencher au plus vite. Tout blabla ou cinéma n’est dans ce cas d’aucune aide. Il faut être clair, explicite même, et surtout honnête. En cas de suicide ou d’accident grave, il est important d’informer les membres de la famille de l’apparence d’une personne décédée. Oser dire qu’il ou elle n’est peut-être plus reconnaissable. »

« Les gens réagissent très différemment. Il y a ceux qui réagissent de façon expansive et il y a ceux qui ne disent rien. J’avais du mal au début avec ce silence. Il m’arrive aussi d’être choqué par la réaction de quelqu’un. Par exemple un homme à qui j’ai appris que son fils a été tué m’a dit « je pensais déjà que quelque chose était arrivé à ma fille. » Une chose qu’il ne dirait jamais dans une conversation normale. Mais quand vous débarquez avec ce genre de nouvelles, vous êtes confrontés à des émotions brutes sans fioritures. »

Il est d’ailleurs, selon elle, fascinant de voir comment différentes personnes réagissent à un même traumatisme. « Les différences de caractère entre les personnes se manifestent clairement après un tel évènement. »

Si les drames sont rudes, la reconnaissance des victimes est tout aussi grande. « Je pense que c’est une combinaison d’un conditionnement qui nous a tous appris à dire merci quand quelqu’un nous aide et une sincère reconnaissance due au fait que nous étions avec eux lors de ce qui est souvent l’un des moments les plus difficiles de leur vie ».

Le contact avec la mort ne l’effraye plus non plus, elle qui se décrit pourtant comme une trouillarde. « C’est étrange à quelle vitesse on s’y habitue. Il est complètement différent de voir un homme mort quand on ne l’a jamais vu vivant. La distance est plus grande, l’impact est moindre. Il n’y a qu’une chose à laquelle je ne m’habituerai jamais et c’est l’odeur de la mort. Il n’y a pas de mot pour la décrire. »

Savoir écouter et être un bon dormeur

« Bien sûr, je me sens émotionnellement impliqué avec les victimes que j’accompagne. Mais on doit aussi être capable de mettre une distance. En fait, en plus d’avoir une bonne capacité d’écoute, il faut aussi être un bon dormeur. On doit pouvoir sortir de son lit, dire à quelqu’un que son fils est décédé, et rentrer chez soi pour se rendormir. Cela semble cynique, mais c’est nécessaire. Il y a aussi l’humour entre collègues et les cas parfois incongrus qui aident à relativiser. »

L’entièreté du témoignage est à lire sur De Standaard en cliquant ici.

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