Denis Ducarme © belgaimage

Affaire Veviba: Denis Ducarme veut réformer l’Afsca

Des réformes auront lieu au sein de l’Agence Fédérale de Sécurité de la Chaîne Alimentaire (AFSCA) afin de mettre fin à certains « déficits » en matière de contrôle et de transmission de l’information, a annoncé lundi le ministre de l’Agriculture, Denis Ducarme, en commission de l’Agriculture de la Chambre, au cours d’un débat consacré au scandale Veviba.

« J’ai constaté un certain nombre de déficits et j’ai le soutien du Premier ministre pour opérer des réformes en cette matière. Nous devons apporter pleinement au consommateur la garantie, le droit d’avoir accès à une nourriture conforme et saine », a déclaré M. Ducarme.

Un audit sera mené à cet effet.

Le ministre a retracé devant les députés la chronologie des faits depuis la fin septembre 2016, quand les autorités kosovares ont informé la Belgique d’une saisie de viande fournie par Veviba. Il était alors question d’étiquettes falsifiées. Le 3 octobre, un inspecteur de l’Agence s’est rendu au Kosovo. Un rapport a été rédigé et transmis à la justice le 7 octobre. Une instruction judiciaire a été ouverte. Il a pourtant fallu attendre le 28 février 2018 pour qu’une perquisition de grande ampleur soit menée chez Veviba; une perquisition qui débouchera sur les mesures sanitaires prises au début mars. Il est question cette fois de « matériel » impropre à la consommation (plaies saignées et queues) dans des produits destinés à la consommation humaine, de manquements dans l’étiquetage et même de produits congelés depuis 2001. Sur les 2.000 palettes présentes dans un entrepôt, 200 sont contrôlées: 138 sont non conformes.

« Pourquoi aura-t-il fallu au juge d’instruction plus d’un an et demi pour réaliser une perquisition compte tenu de l’information en lien avec la tentative d’exportation de viande avariée au Kosovo? « , s’est demandé M. Ducarme qui vise aussi l’AFSCA. « Les dispositions auraient dû être prises pour que les contrôles soient plus offensifs compte tenu des informations dont on disposait depuis octobre 2016 ».

Dès lors qu’une enquête judiciaire est ouverte, c’est la justice qui gère l’enquête et non plus l’AFSCA, a expliqué l’administrateur-délégué de l’Agence, Herman Diricks. Une enquête parallèle aurait pu perturber les investigations judiciaires. L’entreprise de Bastogne a toutefois continué à être contrôlée -de manière inopinée ainsi que l’impose une directive européenne- comme toutes les autres entreprises du secteur. En 2016, elle a même subi 12 contrôles au lieu des huit annuels prévus.

Le ministre n’a pas mâché ses mots à l’égard de l’entreprise de Bastogne dont il a stigmatisé les « pratiques mafieuses ».

L’opposition n’a quant à elle pas ménagé l’AFSCA et le ministre. Le ton était à la colère. Verbist, propriétaire de Veviba, est un géant de la viande en Belgique. « Trente pour cent du système belge est aux mains d’un acteur mafieux et, pendant des mois, des années, cette mafia vend de la viande en Belgique et à l’étranger sans que notre système de contrôle puisse le détecter. C’est inacceptable », a dénoncé Jean-Marc Nollet (Ecolo).

« La corruption est au coeur de la mafia. Parler le pratiques mafieuses, c’est parler de corruption. C’est un propos lourd de conséquences », a souligné de son côté, Olivier Maingain (DéFI) qui a pressé le ministre d’en dire plus.

Le PS a réclamé que l’AFSCA passe sous la tutelle de la ministre de la Santé, après cette nouvelle crise sanitaire qui suit celle du fipronil. « Deux crises sanitaires en 9 mois, ça fait beaucoup », a lancé Daniel Senesael.

L’exposé de l’AFSCA a paru indigent à d’aucuns vu la gravité de la situation. « La personne qui est assise à côté de vous, M. le ministre, vit-elle sur la même planète que les consommateurs et tous les acteurs de la filière? » a interrogé Michel de Lamotte (cdH) en visant M. Diricks.

Test Achats dénonce les lacunes du système de traçabilité

Test Achats a rencontré le ministre fédéral de l’Agriculture Denis Ducarme lundi afin d’évoquer les limites de l’auto-contrôle et les problèmes de traçabilité mis en évidence par le scandale sanitaire de l’abattoir Veviba à Bastogne. L’organisation de défense des consommateurs s’interroge également sur le rôle de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca).

Le système actuel de traçabilité de certains produits dans la chaîne alimentaire demeure un problème, particulièrement pour les produits transformés, souligne Test Achats. Plusieurs noms prêtent à confusion, des étiquettes sont incomplètes et les exemples de pratiques délibérément trompeuses ne manquent pas, selon l’organisation. « Aujourd’hui, chaque maillon de la chaîne n’est responsable que de ce qui se passe juste ‘avant lui’ et juste ‘après lui’. Il n’y a donc aucune vue globale et uniforme de la traçabilité d’un produit. Une aubaine pour les fraudeurs. »

L’organisation a également évoqué « les limites » de l’auto-contrôle avec le ministre de l’Agriculture. Elle considère que le principe ne peut pas remplacer les contrôles menés par des organismes indépendants et que l’Afsca doit donc disposer des moyens suffisants afin de prévenir les fraudes. D’après les calculs de Test Achats, le budget total de l’agence a cependant diminué de 11% et la dotation du gouvernement de 18% entre 2011 et 2016.

Test Achats s’interroge par ailleurs sur le temps écoulé entre la plainte pour fraude économique fin 2016 et le constat par l’Afsca d’un problème au niveau sanitaire. « A partir du moment où une entreprise n’hésite pas à frauder au niveau de l’étiquetage, on peut sérieusement se demander si elle ne fraude pas sur d’autres aspects », déduit-elle.

La Justice ne livre aucune information sur l’enquête

Le parquet du Luxembourg n’a communiqué lundi aucune information supplémentaire sur l’enquête concernant le scandale sanitaire de l’abattoir Veviba à Bastogne. « L’instruction judiciaire se poursuit », indique-t-il dans un communiqué.

Veviba, filiale du leader du marché pour la transformation de la viande Verbist, a perdu ses agréments la semaine dernière pour un atelier de découpe et un surgélateur industriel situés à Bastogne.

Le parquet, qui ne s’était pas encore exprimé, confirme lundi qu’une perquisition « de grande ampleur » a été menée le 28 février par la police fédérale, avec l’assistance de l’Afsca, sur le site de l’abattoir de Bastogne exploité par Veviba. Elle a été ordonnée dans le cadre d’une instruction ouverte par le parquet du Luxembourg en raison de suspicions d’irrégularités au niveau de la traçabilité de lots de viande exportés vers l’étranger. La certification « bio » d’une partie de la production est également mise en cause.

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