Assim Abassi. © Capture d'écran de la DH.

Affaire Assim Abassi : à qui la faute ?

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

La famille Abassi a perdu son titre de séjour en Belgique suite à un appel à témoin lancé par la police concernant le fils, soupçonné de se balader avec une arme en rue. Assim innocenté, les conséquences n’en restent pas moins lourdes pour cette famille pakistanaise. Il s’agissait pourtant d’une procédure tout à fait banale, selon le parquet fédéral.

Le 24 août 2014, Assim Abassi se baladait Avenue Louise avec sa batte de cricket sous le bras, emballée dans un pull pour la protéger de la pluie. Non loin de là, un membre du service de sécurité de la résidence de l’ambassadeur israélien le repère et le prend en photo. L’attentat du musée juif s’est déroulé trois mois auparavant et dans ce contexte, le service de sécurité décide de mettre à disposition de la police et du parquet les clichés du jeune homme considéré comme suspect.

Une enquête est alors ouverte sur ordre du juge d’instruction pour retrouver l’identité du jeune homme. « Nous n’avons pas réussi à l’identifier, car il n’était pas connu des services de police », explique Éric Van der Sypt, magistrat de presse du parquet fédéral contacté par nos soins. Le juge d’instruction a alors pris la décision, le 15 novembre dernier, de diffuser un appel à témoin et de publier les images du jeune homme.

Le 18 novembre, la presse a repris l’information et diffusé l’avis de recherche de la police. La DH osant le titre : « Un tueur antisémite dans la nature ?« .

Il suffit d’avoir un peu de bon sens pour se rendre compte qu’il était nécessaire d’enquêter

Voyant son visage dans la presse, Assim Abbassi s’est immédiatement rendu à la police pour s’identifier et s’expliquer. Il ne transportait pas d’arme, mais bien sa batte de cricket. Pour la police, l’histoire s’arrête là. « Pour nous, l’affaire était clôturée à ce stade », affirme le magistrat de presse du parquet fédéral, « nous avons régulièrement des affaires de ce genre et heureusement la plupart n’aboutissent à rien. Mais il suffit d’avoir un peu de bon sens pour se rendre compte qu’il était nécessaire d’enquêter [sur l’identité de ce jeune homme]. »

Selon Peter De Waele, porte-parole de la police fédérale, la police a d’abord essayé d’identifier le suspect avec l’aide de la police locale et des agents de quartier. « Il se trouvait à proximité de bâtiments sensibles (la résidence de l’ambassadeur israélien et le siège de la Ligue belge contre l’antisémitisme), dans le contexte actuel, on ne pouvait pas prendre de risque. »

L’appel à témoin est donc une méthode utilisée en dernier recours par la police : « nous n’aimons pas diffuser des avis de recherche pour une raison de respect de la vie privée et parce que nous ne voulons pas que la personne recherchée le sache », explique Peter De Waele. « C’est un équilibre à trouver entre le respect de la vie privée et le risque pour la sécurité ».

Malheureusement pour Assim et sa famille, les conséquences ne s’arrêtent pas là. L’ambassadeur du Pakistan qui emploie son père, voyant l’avis de recherche dans la presse, a décidé de licencier son employé qui se voit aussitôt privé de son titre de séjour en Belgique, ainsi que toute sa famille. Ils sont donc dans l’obligation de quitter le territoire.

Dans cette affaire, plusieurs facteurs ont conduit la famille Abassi dans cette situation délicate, commente Éric Van der Sypt, « chacun doit prendre ses responsabilités et en tirer les conclusions ».

Le parquet a rendez-vous ce lundi avec l’ambassadeur pour expliquer les détails de l’enquête et la procédure qui a conduit la police à diffuser les photos d’Assim, mais qui a aussi permis de déterminer qu’il n’avait rien à se reprocher.

L’affaire a déclenché une mobilisation sur les réseaux sociaux, pour demander à l’ambassade, par mail ou par fax, de reconsidérer sa décision.

La députée Ecolo Zakia Khattabi a également interpellé, par une question orale, le Premier ministre Charles Michel pour lui demander s’il est « prêt à accorder, à titre de « dédommagement » moral un titre de séjour à cette famille victime d’un délire collectif », fondé « sur ce qui apparaît aujourd’hui comme un délit de faciès ».

L’ambassade du Pakistan dément formellement avoir licencié M. Abassi

L’ambassade du Pakistan à Bruxelles a souhaité clarifier la situation lundi et démentir formellement avoir licencié Monsieur Abassi, l’un des membres de son personnel administratif.

Tufail Khan Abassi est arrivé en Belgique en juillet 2010 pour assurer un mandat de quatre ans au sein du service administratif de l’ambassade sise à Watermael-Boitsfort. L’homme avait en effet reçu une lettre standard en mars dernier pour lui signifier qu’il devait se tenir prêt à repartir à Islamabad, lorsque les autorités du ministère du commerce lui auraient trouvé un remplaçant. « Il s’agissait donc de la procédure normale. Le départ futur de Monsieur Abassi n’a rien à voir avec les faits relayés dans la presse concernant son fils », a souligné Muhammad Khalid Jamali, conseiller à l’ambassade du Pakistan.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire