Quand les principaux concernés montent au front... © DIDIER LEBRUN/PHOTO NEWS

Acquis sociaux: les pensions augmentent, mais…

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Dans la majorité des situations, les montants perçus par les retraités sont trop faibles pour dépasser le seuil de pauvreté. Leur risque de précarité est toutefois inférieur à celui qu’encourent… les jeunes.

Entre 2005 et 2017, le risque de pauvreté des pensionnés est passé de 20 à 14,3 %. Il est néanmoins inférieur au risque de précarité encouru par la population plus jeune (16,4 %). En 2016, selon Eurostat, presque un jeune sur quatre, parmi les 18-24 ans, pourrait basculer dans la pauvreté. Partout en Europe, celle-ci recule donc chez les plus âgés mais frappe davantage les plus jeunes.

Du côté des plus âgés, le montant de la pension minimum légale d’un isolé (1 249 euros) lui permettait juste de dépasser ce seuil de pauvreté (1 187 euros), l’an dernier. Avec quelque 950 euros par mois, les retraités en couple, en revanche, n’y parviennent pas. Les chiffres sont globaux : on sait qu’ils dépendent de la durée de la carrière et de sa cohérence. Hommes et femmes sont donc en situation très inégalitaire en matière de pensions. Pour 45 ans de travail, un pensionné issu du secteur privé bénéficie en moyenne de 1 552 euros et un indépendant, de 1 310 euros.

Néanmoins, entre 2012 et 2018, le montant moyen des pensions pour salariés a progressé : il est passé de 1 161 à 1 281 euros brut, selon les données du Service fédéral des pensions ; de 614 à 751 euros pour les indépendants. Seules les pensions des fonctionnaires ont reculé, de 2 654 à 2 509 euros.  » Par rapport au salaire moyen, elles ont augmenté deux fois plus vite, de l’ordre de 3 % sur base annuelle « , remarque Jean Hindrickx, économiste attaché à l’Itinera Institute.

C’est que depuis 2005, les interlocuteurs sociaux disposent d’une enveloppe financière de liaison des allocations sociales au bien-être, dont ils négocient entre eux la répartition. Cet argent, libéré par le gouvernement, est destiné à améliorer les allocations sociales, dont les pensions, au-delà de l’indexation.

Les pensions des indépendants ont aussi été fortement revalorisées mais elles partaient de beaucoup plus bas. En 2003, la pension d’un indépendant était inférieure de quelque 20 % à celle d’un salarié. Depuis 2016, les pensions minimum des deux catégories sont alignées. La réduction de pension, appelée malus, qui frappait les indépendants désireux d’arrêter leur activité avant 65 ans, a par ailleurs été supprimée.

L’accès se complique

Voilà pour les montants. Parallèlement, depuis vingt ans, les conditions de départ à la pension ou pension anticipée se sont, elles, durcies. L’âge légal de départ à la retraite passera de 65 ans aujourd’hui à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030. Accéder à la prépension s’avère également plus compliqué qu’auparavant. Avant 2013, il était possible de l’obtenir à 60 ans après une carrière de 35 ans dans le privé. En 2015, il fallait compter, au même âge, minimum 41 ans de carrière. Et depuis 2019, il en faut 44. Ou alors, il faut plier bagage professionnel à 63 ans, mais avec 42 ans de carrière.

Autre changement de règles : les périodes dites assimilées. Certaines périodes de la vie pendant lesquelles on n’a pas travaillé pour cause de maladie ou invalidité, congé de maternité, accident du travail, maladie professionnelle, ou périodes de chômage involontaire, sont tout de même prises en compte dans le calcul de la pension finale. Mais les deux derniers gouvernements fédéraux ont décidé de ne plus intégrer totalement certaines de ces périodes – comme le crédit temps fin de carrière – dans le décompte du montant de la pension, qui s’en trouve dès lors affecté.

Le bonus pension a également été supprimé progressivement, à partir de 2015. Instauré en 2007, ce petit coup de pouce financier d’environ deux euros par jour de travail encourageait les retraités potentiels à prolonger leur carrière. En revanche, le plafond de salaire pris en compte pour le calcul des pensions a été relevé, alors qu’il était bloqué depuis deux décennies. Autrement dit, le salarié qui gagnait plus de 53 000 euros brut et cotisait à cette hauteur ne voyait pas sa pension augmenter en proportion. Désormais, sa pension reflètera mieux son salaire d’actif.

Les pensions ont donc bien augmenté depuis vingt ans, au-delà de l’indexation. Elles restent toutefois insuffisantes, en moyenne, pour payer le prix d’un séjour en maison de repos. Ce qui est problématique. En prenant un peu de hauteur, on ne peut que constater que, depuis la mise en place du  » système des pensions « , tout a changé : l’accès des femmes au marché du travail, le paysage démographique, la meilleure santé des pensionnés, la hauteur croissante des salaires lorsque ceux-ci partent en retraite et le risque de pauvreté accru des jeunes… Tôt ou tard, le plus sereinement et le plus équitablement possible, ce système devra être repensé.

Revenu d’intégration : toujours insuffisant, malgré le relèvement

En vingt-cinq ans, le revenu d’intégration a bien été revalorisé. Il reste toutefois très inférieur au seuil de pauvreté.

Entre début 1995 et début 2020, le revenu d’intégration sociale (RIS) pour une personne isolée a augmenté de 27 %. Cette aide financière qu’on appelait  » minimex  » jusqu’en 2002, ce sont les CPAS qui la délivrent aux personnes dont les ressources sont insuffisantes. La loi de 1976 a coulé ce filet de secours dans le béton, afin d’assurer à chacun une vie conforme à la dignité humaine.En janvier 1995, un bénéficiaire isolé percevait (l’équivalent en francs belges de) 731 euros par mois et 940 euros par mois en janvier 2020. Sachant que le revenu d’intégration varie selon le statut de son bénéficiaire, qui peut être isolé(e), cohabitant(e) ou chef(fe) de ménage avec enfant(s) à charge, un cohabitant perçoit aujourd’hui 626 euros par mois et un chef de ménage cohabitant avec enfant à charge, 1 270 euros par mois ; des montants qui ont globalement évolué de la même manière depuis 1995.

En dépit de cette revalorisation, le RIS reste largement inférieur au seuil de pauvreté. Pour un isolé, il représente quelque 74 % de ce montant, fixé à 1 187 euros net par mois (72 % en 1996) et autour de 66 % (64 % en 1996) pour un ménage de deux cohabitant(e)s.  » En un peu plus de vingt ans, le rattrapage n’a donc guère progressé « , constate Philippe Defeyt, économiste à l’Institut pour le développement durable.

Entre 2014 et 2018, le nombre moyen de bénéficiaires du revenu d’intégration est passé de 100 000 à 143 866, selon la FGTB. Rien qu’en Wallonie, il a grimpé de 35 000 à 67 000 entre 2000 et 2018, notamment en raison de la réforme des allocations de chômage, qui a poussé nombre d’ex-demandeurs d’emploi vers les CPAS.

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