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Accord nucléaire iranien: Trump annoncera sa décision mardi

Donald Trump va annoncer mardi sa décision sur l’accord conclu en 2015 pour empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire, dont les Etats-Unis menacent de se retirer au risque d’ouvrir une période de fortes turbulences.

Après avoir tergiversé depuis son arrivée à la Maison Blanche début 2017, le président américain devrait cette fois, de l’avis d’un grand nombre d’observateurs, faire un choix qui lui permette de tenir sa promesse électorale: « démanteler » l’accord signé par Téhéran avec les grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne). « J’annoncerai ma décision sur l’accord iranien demain depuis la Maison Blanche à 14h00 » (20H00 heure belge), a tweeté Donald Trump.

Concrètement, il doit dire s’il rétablit ou non les sanctions américaines levées en contrepartie des engagements iraniens, un arbitrage qui lui permet de nombreuses options plus ou moins drastiques. Mais même si les inspecteurs internationaux ont régulièrement certifié que l’Iran respectait les termes de l’accord, les Européens, en particulier le président français Emmanuel Macron après sa visite à Washington fin avril, n’ont pas caché leur pessimisme. Londres, Paris et Berlin ont donc fait lundi un ultime effort pour tenter de préserver le compromis en vigueur, alors que Donald Trump leur avait donné jusqu’au 12 mai pour proposer des solutions afin de le « durcir » et pallier aux « lacunes » d’un texte qu’il juge « désastreux ».

Le président américain lui reproche des clauses qui prévoient la fin progressive de certaines restrictions au programme nucléaire iranien à partir de 2025, mais aussi le fait qu’il ne s’attaque pas directement aux essais balistiques de Téhéran et à ses activités jugées « déstabilisatrices » au Moyen-Orient. « Le président a raison d’y voir des lacunes » et « d’attirer l’attention là-dessus », a déclaré lundi à Washington le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson, venu à Washington pour rencontrer son homologue américain Mike Pompeo puis le vice-président Mike Pence. Les inquiétudes de Donald Trump sont « légitimes », « il a lancé un défi au monde », a-t-il renchéri, en s’exprimant sur Fox News, la chaîne télévisée préférée du milliardaire républicain. Mais « nous pensons qu’on peut être plus dur sur l’Iran, répondre aux inquiétudes du président sans jeter le bébé avec l’eau du bain », a-t-il aussi insisté. « Le plan B ne me semble pas particulièrement avancé à ce stade », a ajouté le ministre britannique.

« Nouvel accord »

A la Maison Blanche il y a deux semaines, Emmanuel Macron avait déjà tenté de persuader son homologue américain de ne pas dénoncer le texte, tout en proposant de négocier avec l’Iran un « nouvel accord », qui prenne en compte ses inquiétudes et aille au-delà de l’actuel. La chancelière allemande Angela Merkel a appuyé ce plaidoyer quelques jours plus tard. En « ce moment délicat, ce serait une erreur de s’éloigner de l’accord nucléaire et de lever les contraintes qu’il fait peser sur l’Iran », a aussi estimé Boris Johnson dans une tribune dans le New York Times.

Il a souligné que les inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) prévues par ce texte augmentent « la possibilité de détection de toute tentative de fabriquer une arme ». « Maintenant que ces menottes sont en place, je ne vois pas d’avantage éventuel à les mettre de côté », a-t-il écrit, « la meilleure ligne à suivre serait d’améliorer les menottes plutôt que de les rompre ».

En parallèle à Berlin, ses homologues français et allemand, Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas, ont aussi plaidé en faveur de l’accord, meilleur moyen à leurs yeux pour « éviter que l’Iran n’accède à l’arme nucléaire ». « Nous sommes tout à fait déterminés à sauver cet accord parce que cet accord nous préserve de la prolifération nucléaire », a déclaré le chef de la diplomatie française. Le ministre allemand a lui estimé que « le monde sera moins sûr » sans l’accord, redoutant « qu’un échec conduise à une escalade » au Moyen-Orient. Tous deux ont assuré vouloir coûte que coûte maintenir le cadre existant négocié avec Téhéran. « Nous avons l’intention de nous y maintenir, quelle que soit la décision américaine », a dit Jean-Yves Le Drian. Reste à savoir ce que ferait l’Iran en pareil cas.

Les ultraconservateurs du pays maintiennent une ligne très dure. Jeudi, un conseiller de l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême iranien, a affirmé que l’Iran quitterait l’accord si Washington mettait sa menace à exécution. Mais le président Hassan Rohani souffle le chaud et le froid, assurant lundi que Téhéran pourrait y rester, à condition que les Européens garantissent les attentes iraniennes, après avoir prévenu la veille que les Etats-Unis regretteraient « comme jamais » un éventuel retrait.

La menace de sanctions américaines sur l’Iran fait grimper le pétrole

Les cours du pétrole ont grimpé lundi à leur plus haut niveau en trois ans et demi, les investisseurs s’inquiétant des conséquences d’éventuelles sanctions américaines contre l’Iran et de la situation au Venezuela.

Le baril de light sweet crude (WTI), référence américaine du brut, pour livraison en juin, s’est pour la première fois depuis fin novembre 2014 hissé au-dessus de la barre des 70 dollars. Il a finalement terminé à 70,73 dollars, en hausse de 1,01 dollar ou 1,45% par rapport à sa clôture de vendredi. Les marchés financiers londoniens étaient fermés lundi mais le baril de Brent pour livraison en juillet a gagné 1,30 dollar ou 1,74% pour terminer à 76,17 dollars, là aussi son plus haut niveau depuis fin 2014, dans les échanges électroniques.

« Que le baril de WTI atteigne le seuil des 70 dollars est important psychologiquement mais les cours ne cessent de grimper au fur et à mesure que se rapproche la date limite à laquelle Donald Trump doit donner sa décision sur les sanctions contre l’Iran », souligne Andy Lipow du cabinet Lipow Oil Associates.

Le président américain, qui menace de « démanteler » l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015 avec les grandes puissances mondiales, va en effet annoncer mardi s’il réimpose des sanctions contre Téhéran, en visant notamment des revenus pétroliers. Un retour des sanctions contre le troisième producteur de brut de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) aurait pour effet de perturber l’offre mondiale.

« Si Donald Trump opte pour un retrait de l’accord, cela réduira fortement le volume des exportations de brut iranien sur un marché global où les stocks sont déjà en train de décliner », relève M. Lipow.

Dans le même temps, les Etats-Unis ont annoncé lundi de nouvelles sanctions à l’encontre du Venezuela, un autre pays exportateur de pétrole. « Comme la production de brut vénézuélienne a déjà fortement baissé depuis un an en raison du manque d’investissements, du départ de nombreux salariés et des coupures régulières de courant, cela pourrait vraiment diminuer les flux en provenance de ce pays », indique M. Lipow.

« Cette semaine démarre de manière assez tendue étant donné le risque de sanctions américaines contre deux membres de l’Opep », renchérit Robert Yawger de Mizuho USA. Dans ce contexte, la hausse continue des extractions de brut aux Etats-Unis, encore soulignée vendredi par l’annonce d’une hausse du nombre de puits de forage en activité dans le pays, passe au second plan.

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