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« Abject et illégal »: le protocole de sécurité proposé par Jambon pour les migrants largement critiqué

La Ligue des Droits de l’Homme, par la voix de son président Alexis Deswaef, dénonce mardi « avec force » la proposition « abjecte et illégale » du ministre de l’Intérieur de remettre à chaque réfugié inscrit dans un centre d’accueil un badge d’identification, avec photo, nom et adresse du centre d’asile.

« Le port d’un badge identifiable dans la rue, si c’est bien ce qui est proposé, cela devient démesuré », ajoute le Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers). Amnesty International parle également de « stigmatisation ». « A aucun moment, nous n’avons demandé le port d’un badge visible », précise de son côté la porte-parole du ministre de l’Intérieur.

« Devront-ils le porter autour du cou? Dans le portefeuille? », s’interroge la Ligue. « C’est absolument abject ce qu’il propose. Ce comportement illégal et irresponsable a tendance à criminaliser le réfugié. Ce n’est pas agir dans leur propre intérêt, contrairement à ce que dit sournoisement Jan Jambon », réagit Alexis Deswaef. « Au lieu de répondre à l’inquiétude du citoyen, de lui expliquer que c’est notre devoir d’accueillir » les réfugiés, « on souffle sur les braises, on joue sur les craintes. C’est la définition même du populisme! »

Ces propositions « vont dans la lignée des décisions du bourgmestre de Coxyde » de mener un contrôle plus strict des demandeurs d’asile. « On considère le réfugié comme un criminel, qu’il faut donc traiter comme un prisonnier. Mais on ne peut pas leur imposer un régime carcéral où on peut fouiller leur chambrée », s’insurge le président de la Ligue des Droits de l’Homme.

« Nous sommes très gênés par ces propos », a déclaré Caroline Intrand, co-directrice du Ciré. « On ne voit pas pourquoi il faut un nouvel accord-cadre. » Les mesures telles que le port d’un badge « rajoutent à la stigmatisation, à la criminalisation, alors que c’est l’inverse qu’il faut faire. On est dans l’accueil. Est-ce qu’on peut nous expliquer en quoi ces personnes sont dangereuses? »

« Il y a une surenchère. On veut faire croire qu’il y a un danger quelque part, pour pouvoir faire croire que l’on maîtrise ce danger. (…) Ce type de comportement dresse les populations les unes contre les autres », déplore encore Caroline Intrand.

« La première chose qui est frappante, c’est que la mise en place de telles mesures n’a pas été nécessaire par exemple en 2000, alors qu’il y avait » plus de 42.000 réfugiés en Belgique, s’étonne Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International. De plus, quand M. Jambon « parle d’analyse de risques, ce n’est pas par rapport à d’éventuelles attaques des centres par des personnes extérieures mais par rapport aux gens qui s’y trouvent ». Or, ce devrait être le contraire, pour Philippe Hensmans, puisque « les derniers faits connus en Europe concernaient des attaques de centres de demandeurs d’asile par des personnes d’extrême droite » notamment. « On stigmatise » les réfugiés. « Au lieu de se dire: ‘comment faire en sorte que cela se passe bien’, on dit: ‘faites attention, ces gens sont dangereux’, et c’est ça qui est triste avec cette manière d’annoncer » du ministre.

« Il s’agit d’un badge à avoir avec soi, comme sa carte d’identité. (…) A aucun moment nous n’avons demandé un port visible » autour du cou, précise mardi le cabinet Jambon. « Jusqu’à présent, quand un demandeur d’asile introduit sa demande, il reçoit un document sur lequel il n’y a pas de photo, juste son nom ». Lors d’un contrôle, rien « ne prouve donc que la personne » qui détient le document est celle dont le nom est mentionné. « C’est dans l’intérêt de tout le monde » et cela pourra éviter un travail de recherche inutile par la police en cas de contrôle, selon la porte-parole du ministre.

Mardi soir, le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (Mrax) a indiqué qu’il dénoncerait « cette dernière sortie d’un membre de notre gouvernement fédéral comme faisant partie d’une dynamique globale et pleinement assumée de plusieurs dirigeants de la N-VA » devant le Commissaire européen aux droits de l’Homme et devant le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU. « Nous insistons sur le fait qu’exiger des réfugiés qu’ils portent un badge permettant de les identifier de manière systématique dans l’espace public ne serait que l’instauration d’un régime d’apartheid à leur égard qui ne peut que s’expliquer par une approche raciste de la question migratoire. »

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