Charles Michel caressera encore les fesses du Maca. Mais probablement plus comme bourgmestre. © DIETER TELEMANS/ID PHOTO AGENCY

À un an des communales, comment les politiques tentent de sauver leur peau

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

A un an de communales cruciales qui précéderont des régionales et des législatives décisives, les grandes annonces et les premiers serments se multiplient. Objectif de chacun et de chacune : la survie, dans un paysage politique plus instable que jamais. Le Vif/L’Express décode.

Elle est décidément révolue, l’époque où la politique se vivait comme un Win for Life (© Paul Magnette) pour ceux et celles qui, dans les partis traditionnels, étaient parvenus (© Elio Di Rupo) à se faire une place quelque part (© Benoît Lutgen) au soleil à plus de 4 800 euros par mois (© Louis Michel). Entre mauvais sondages pour tous les partis traditionnels, règles de décumul plus strictes, obligation d’une plus grande égalité des genres dans les collèges et vague puissante d’antipolitisme, les mandataires sont aux abois. Les places seront plus chères que jamais, dans les prochains collèges et parlements, à désigner respectivement en octobre 2018 et en juin 2019.

Puisque l’animal politique est doté du plus affûté des instincts de survie, il y a longtemps déjà qu’il se cherche un salut dans la jungle, qu’il traque sa proie nourricière et qu’il lorgne une confortable tanière. Mais bien entendu, aucun de ces fauves n’ose le crier trop fort : il vaut mieux, dans ces circonstances, camoufler la faim du loup sous le pelage de l’agneau. Le Vif/L’Express a pu deviner les carnassières pensées que cachaient toutes ces douces paroles.

Faire comme Charles Michel et s’en ficher

Vouloir dire qu’après avoir perdu deux mille voix de préférence comme tête liste entre les communales de 2006 et celles de 2012, à Wavre, et qu’après s’être assuré d’être, au pire du pire, vice-Premier ministre après 2019, et qu’après avoir conquis la place enviée d’homme politique le plus populaire de Flandre, s’emmerder pendant les six mois qui précéderont octobre 2018 à entendre les riverains professionnels se plaindre de l’aménagement des trottoirs et de la saleté des rigoles alors qu’on peut continuer à se moquer des syndicalistes bolcheviques rétrogrades, c’est à la fois très ennuyeux et très dangereux, parce qu’on peut encore perdre des voix de préférence, donc du confort, donc la tranquillité. Ne pas oser. Penser que ne plus devoir passer par une campagne communale à 41 ans est un aboutissement qui rend jaloux beaucoup de collègues. Dire :  » Je suis très attaché à ma ville et à mes concitoyens, j’aime le contact chaleureux et direct, le pragmatisme et le bon sens dans la gestion communale.  » S’en ficher.

A Namur et à Bruxelles, Pierre-Yves Dermagne critique le gouvernement du ministre Bellot. A Rochefort, il fait liste commune avec le bourgmestre Bellot.
A Namur et à Bruxelles, Pierre-Yves Dermagne critique le gouvernement du ministre Bellot. A Rochefort, il fait liste commune avec le bourgmestre Bellot.© BRUNO FAHY/belgaimage

Faire comme Pierre-Yves Dermagne et s’associer avec François Bellot, qui est un gentil

Vouloir dire qu’aux régionales de 2014, avec 16 % des voix dans l’arrondissement de Dinant-Philippeville, on n’envoyait aucun élu, que le PS était à 24 % à l’époque, mais qu’il a peu de chances de se maintenir à ce niveau, et qu’en 2012, même en baisse, le MR avait la majorité absolue au conseil communal et qu’il pourrait avoir envie de ne pas prendre un PS en crise avec lui dans une nouvelle majorité. Ne pas oser. Penser qu’on s’entend bien, tous les deux, avec François Bellot, qui est un gentil, et que ça serait fort sot de ne se retrouver sans rien, ni député, ni échevin en 2019 tandis que François Bellot, lui, sera ce qu’il voudra, soit député, soit bourgmestre, soit les deux. Dire :  » La réalité communale est différente de la réalité des autres niveaux de pouvoir où le PS et le MR peuvent être en confrontation. Ici, on fait de la politique locale, en contact avec les gens, où le bon sens l’emporte. Il est nécessaire de regrouper les forces pour un projet ambitieux pour Rochefort. C’est pour cette raison que nous avons décidé de faire une liste unique.  » S’associer avec François Bellot, qui est un gentil.

Faire comme Georges-Louis Bouchez et faire ce qu’on veut

Vouloir dire que, certes, son parti l’a sauvé au moment où tout s’effondrait, mais que dans son parti on le prend pour un illuminé, et qu’avoir affirmé que dans un monde idéal les partis devraient avoir disparu n’a pas aidé à se faire bien voir, et que de toute façon ces oligarques crétins d’un autre temps iront bientôt s’abîmer dans les poubelles de l’histoire. Ne pas oser. Penser que le président du Parti socialiste n’ira de toute façon jamais en majorité avec vous, que de toute façon on sera député fédéral ou député régional en 2019, et que faire semblant de rassembler la société civile en lutte contre des oligarques crétins d’un autre temps et d’un autre parti pourrait servir de technique et de base pour, éventuellement, sait-on jamais, lancer un parti de notre temps qui, de Macron sur Haine et Trouille, vous imposerait en Macron de Sambre et Meuse. Dire :  » Notre choix est de présenter un projet plus large que celui d’un parti. Beaucoup veulent se battre pour cette ville, mais pas sous une étiquette partisane. Un parti, c’est exclusif, réducteur, il faut dépasser ces frontières au profit des gens qui pensent comme nous.  » Faire ce qu’on veut.

Mauvais sondages, décumul, suppression de mandats : les places seront plus chères que jamais  »

Faire comme le PTB et organiser le même faux sondage pour toutes les communes

Vouloir dire que toutes les communes sont les mêmes, que leurs besoins sont les mêmes, que de toute façon le programme on l’a déjà en tête depuis des années, et que le pouvoir si on le prend ce sera pour faire ce qu’on veut, et puis que si d’aventure on laissait trop choisir les gens certains nous mettraient mal à l’aise sur l’immigration, sur les syndicats ou sur le logement social. Ne pas oser. Penser qu’il faut faire semblant de croire que chaque commune est spécifique, que leurs habitants ont quelque chose à dire et que, bien sûr, le parti n’est là que pour accompagner leur révolte et pour porter leurs revendications parce que ça peut servir pour bien lancer une campagne. Dire :  » Quand la commune vous a-t-elle demandé votre avis pour la dernière fois ? Jamais ? Et vous ne trouvez pas ça normal ? Eh bien le PTB non plus.  » Organiser le même faux sondage pour toutes les communes.

Faire comme Marie-Martine Schyns et la jouer discrète

Vouloir dire que les partis en général, et le vôtre en particulier, sont en crise, que le président qui vous a choisi vous l’a enfoncé le vôtre, de parti, dans une putain de sacrée de crise, qui ressemble à la fin des temps, et que même dans ses vieux bastions, même quand il est porté par une personnalité aussi sympa que vous, eh ben non, le CDH ce n’est vraiment plus comme avant et qu’il vaut vraiment mieux ne pas se vanter d’en être. Ne pas oser. Penser que ça va être dur à Herve, si Pierre-Yves Jeholet, qui a brisé le règne de votre parti, en 2012, n’est pas d’humeur à composer, et que ça va être dur aux régionales aussi, parce qu’on n’avait déjà qu’un siège sur six dans la circonscription en 2014, et que pour 2019 on ne sait jamais. Dire que c’est  » pour permettre à des personnes qui ne veulent pas s’associer à une étiquette politique de trouver une place « . La jouer discrète.

Faire comme Paul Magnette, se mettre dans son coin et attendre

Vouloir dire que son parti, son président, ses cadres, sont en perdition, qu’il vecchio a repris toutes les clés en main en s’alliant avec les députés-bourgmestres, qu’il n’y a rien de plus minant, quand on aime le genre humain, que de passer son temps à le perdre avec des socialistes carolos, et que ça serait vachement bien si on pouvait lancer un mouvement de gens propres et intelligents comme vous, mais qu’on n’a pas l’énergie ni les ressources pour. Ne pas oser. Penser qu’il va falloir attendre que la présidence vous retombe sur le nez comme la pomme mûre de la sieste de Newton, mais qu’il n’est pas impossible que le fruit soit alors encore plus blet que ce qu’on craignait. Dire alors que  » si un jour il y a une élection interne, je serai candidat. Quand il y en aura une, je serai candidat. Je ne vais pas le cacher.  » Se mettre dans son coin, et attendre.

En attendant de prendre le pouvoir au PS, Paul Magnette organise des colloques sur le PS au pouvoir. Ici à Charleroi le 21 octobre.
En attendant de prendre le pouvoir au PS, Paul Magnette organise des colloques sur le PS au pouvoir. Ici à Charleroi le 21 octobre.© Axel Delepinne

Faire comme Olivier Maingain et partir en restant encore pour longtemps

Vouloir dire que sans vous son parti ne serait plus rien, qu’en 2018 on terminerait son septième mandat consécutif de président mais que puisque de toute façon sans vous le parti ne serait rien, on verrait bien, et qu’en 2019 on aurait besoin de soi et de sa popularité aux élections législatives mais qu’on verrait bien et que de toute façon on aurait droit alors à la pleine pension de retraite du parlementaire et puis que, pourquoi pas ? , un petit ministère pour couronner une si belle carrière ça ne se refuse pas. Ne pas oser. Penser qu’il sera plaisant de se faire supplier de rester en 2018 – 2019 par ceux qui voulaient que vous partiez en 2015, et penser que ça pourrait bien arriver. Dire :  » J’ai choisi d’établir mes priorités. Si l’électeur me donne le mandat, j’aimerais me consacrer entièrement à Woluwe-Saint-Lambert. Il y a encore beaucoup de travail, ici. Je ne m’ennuie jamais.  » Partir en restant encore pour longtemps.

Faire comme Véronique Salvi et partir, mais pas maintenant

Vouloir dire qu’on est de toute façon coincée, dans son arrondissement et dans sa commune, où les vieux et les nouveaux rivaux ont pris le dessus, comme dans son parti, qui va mal mais dont le président ne vous aime pas et avoir envie de tout plaquer là, tout de suite, prendre le large, sans se retourner, faire le tour du monde avec ses enfants, et puis peut-être quand même si, se retourner, juste pour tendre le majeur aux vieux et aux nouveaux rivaux, au président, aux adversaires. Ne pas oser. Penser que démissionner vous ferait perdre une assez mignonne indemnité de départ. Dire :  » Par loyauté pour mes électeurs, j’achèverai les mandats que j’exerce. Mais je ne me représenterai à aucune élection, ni communale, ni régionale. Je veux laisser la place aux jeunes, je ne souhaite pas faire le mandat de trop et dépasser la cinquantaine. Mais en tant que militante CDH, je m’investirai dans la préparation de la campagne de 2018.  » Partir, mais pas maintenant.

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